Le 22 septembre 2010, l’Express arrive en kiosque avec un dossier sur le traitement de 14 cancers en France : cancer du cerveau, du côlon, du poumon, de la prostate, du sein, de la thyroïde, de la vessie, ORL, rein, mélanome, pancréas, estomac, foie et col de l’utérus. Sollicités, les 32 Centres Hospitaliers Régionaux et Universitaires (CHRU) se sont mobilisés pour présenter au magazine les innovations thérapeutiques et les initiatives originales développées par leurs équipes pour améliorer la qualité de vie des patients à l’hôpital et à domicile. La journaliste en charge de coordonner le dossier, Annabel Benhaiem, commente cette étude. |
Quelles impressions retirez-vous de cette vaste enquête sur la cancérologie en France ?
Annabel Benhaiem : La certitude que les CHRU font tout ce qui est en leur pouvoir pour garantir le meilleur traitement à leurs patients, dans toutes ses composantes, de la prise en charge au suivi thérapeutique. Leur mobilisation est réelle. Chaque oncologue rencontré, lors de notre tour des régions, tenait un discours particulièrement rassurant sur son approche du malade. Il semble loin le temps où le patient n’était « qu’un cancer » ! Par ailleurs, nos journalistes ont constaté que les CHRU travaillaient étroitement avec les Centres de lutte contre le cancer, et pour certains, avec les cliniques avoisinantes, ce qui, à nos yeux, est une plus-value indubitable.
Estimez-vous que les patients sont suffisamment au courant des différentes possibilités de prise en charge des cancers ?
Annabel Benhaiem : J’ai l’impression que, s’ils le sont, c’est avant tout grâce aux associations de patients. Plusieurs malades ont témoigné ne pas avoir facilement accès à leurs médecins. Le manque de cancérologues dans l’Hexagone ne joue certes pas en leur faveur. En revanche, d’un point de vue plus positif, la mise en place, quasi systématique, des espaces de rencontre et d’information (ERI), ou bien des CRUC (Commission des relations avec les usagers), participent activement à ouvrir l’accès à l’information.
Quelles recommandations feriez-vous aux établissements en matière d’information des patients ?
Annabel Benhaiem : Les patients hésitent encore trop souvent à participer aux dépistages. Ils préfèrent se voiler la face plutôt que d’affronter une éventuelle maladie. Il faudrait presque « marteler » l’information selon laquelle plus une maladie est prise en charge précocément, plus les chances de survie sont réelles. Mais L’Express a pris conscience que le terrain n’était pas encore suffisamment défriché. Outre ceux organisés pour le sein, le côlon ou la prostate, la France manque cruellement de programmes de dépistage.
Autre cheval de bataille, l’inclusion des patients dans les essais thérapeutiques. L’idée du malade-cobaye doit céder la place à la réalité : rentrer dans un essai diminue les risques de récidive. A noter, la réalisation très réussie d’un DVD intitulé « Le cancer du sein dans le parcours d’une vie », par l’Association grenobloise d’aide à la recherche en oncologie. Ce film s’avère un outil très pratique pour informer les patientes. Ce genre d’initiatives peuvent rasséréner les patientes, souvent anxieuses, et faciliter l’assimilation des informations.
Enfin, quelles initiatives lancées par les CHRU ont particulièrement retenu votre attention ?
Annabel Benhaiem : Sans aucune hésitation, les réunions de concertation pluridisciplinaires avec des spécialistes en provenance d’autres établissements que les CHRU. Elles ont un côté spectaculaire et dans le même temps, elles coulent de source ! Mais le fait que chacun des oncologues prenne le temps de se pencher au cas par cas sur des dossiers parfois complexes et de confronter leurs avis médicaux, démontre un bel engagement de la part de nos soignants. La mesure a certes été rendue obligatoire par le premier Plan cancer, il n’empêche que les médecins prennent souvent sur leur temps libre pour y participer.
La mise à disposition d’appareils de pointe, comme le Cyberknife ou le robot Da Vinci témoigne d’une véritable volonté d’excellence, que nous n’avons eu de cesse de souligner dans le magazine. De plus, et c’est absolument à relever, la province semble s’intéresser de plus en plus aux cancers rares. Ainsi, le réseau Renaten pour les tumeurs endocrines maille tout le territoire.
Nous n’avons pu, faute de place, mentionner tous les CHU, mais, au cas par cas, je citerai les travaux menés par ceux de Nimes et de Nancy sur la thyroïde, le CHU de Poitiers pour son ERI, ou bien le CHU de Saint-Etienne avec son GPS bronchique. Quoiqu’il en soit, la légère compétition qui existe entre les régions permet une émulation sur le plan de la recherche et de la clinique d’une immense qualité et dont le patient tire un bénéfice direct. L’Express, en sa qualité d’observateur, invite les établissements à se tourner encore plus vers les patients et à les considérer comme de véritables partenaires.
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LES CHRU ACCUEILLENT PRES DU QUART DES PERSONNES ATTEINTES DE CANCER
Engagés depuis leur création en 1958 dans la lutte contre le cancer, les CHRU accueillent près du quart des adultes souffrant de tumeurs – fréquentes ou rares – et d’hémopathies. Le risque augmentant avec l’âge, les CHRU -qui disposent de structures et filières gériatriques et de soins de suite – assurent aussi la prise en charge des personnes âgées dépendantes présentant un cancer. Les CHRU prennent en charge la plupart des enfants touchés par cette maladie : ils organisent, entre eux et avec les autres établissements de santé, le maillage de la prise en charge pour assurer la qualité des soins en proximité de l’environnement familial.
Excellence et multidisciplinarité
Respectant les critères rigoureux en termes d’activité, de qualité globale, d’expertise des professionnels, de performance des équipements, les CHRU ont quasiment tous reçu l’autorisation de pratiquer la chimiothérapie et la chirurgie des cancers. Cette compétence reconnue repose sur l’excellence des spécialistes d’organes et sur une collaboration multidisciplinaire entre médecins et chirurgiens oncologues, neurochirurgiens, nutritionnistes, médecins de médecine physique et de rééducation, médecins en charge de la douleur (CLUD) et des soins palliatifs… Quant à la radiothérapie, ils l’assurent seuls ou en partenariat avec les Centres de Lutte contre le Cancer ou les autres hôpitaux et parfois des cliniques, notamment grâce à des équipements sophistiqués (voir ci-dessous).
Les CHRU disposent de plateaux techniques dotés d’équipements de dernière génération comme par exemple l’Ablatherm®*- utilisé pour le traitement localisé du cancer de la prostate par ondes de chaleur émises par Ultrasons Focalisés de Haute Intensité, le cyberknife®** – système robotisé télécommandé par ordinateur qui permet d’administrer une dose élevée de rayonnement avec une précision inférieure au millimètre et de suivre la position de la tumeur selon les mouvements du patient et le Gammaknife®***- équipement de radio chirurgie destiné à opérer les tumeurs du cerveau sans ouvrir la boîte crânienne.
La plupart des 28 plates-formes de génétique moléculaire labellisées par l’INCa sont implantées dans les CHRU. Elles réalisent les tests permettant, grâce à des marqueurs prédictifs, de prescrire les thérapies ciblées des cancers du sein, du poumon, colorectal ou hématologique (exemple du repérage de la mutation activatrice du gène REGF pour prescrire le gefinitib dans le cancer du poumon).
Autour de leurs plateaux techniques de cytologie et de pathologie moléculaire, les CHRU ont constitué avec le soutien de l’INCa, des centres experts nationaux et interrégionaux sur les cancers rares (exemple des cancers thyroïdiens réfractaires ou des tumeurs neuro-endocrines malignes rares sporadiques et héréditaires).
Les 32 CHRU collaborent étroitement avec les 19 Centres de Lutte contre le Cancer (CLCC). Dans chaque ville où existent un CHRU et un CLCC, ils se sont regroupés dans un groupement de coopération sanitaire (GCS). La vocation première de ces GCS est de constituer le pôle régional de cancérologie qui coordonne les soins de recours et de référence au profit des patients de toute la région.
En matière de recherche contre le cancer, les CHRU s’imposent comme des contributeurs essentiels. Ils conduisent 55% des PHRC en cancérologie et ont intégré 39 tumorothèques**** sur les 58 existant en France (soit 67%)*. Les équipes de recherche des CHRU participent à l’activité des sept cancéropôles interrégionaux constitués en même temps que l’Institut National du Cancer depuis 2004. Les CHRU contribuent ainsi à accélérer le transfert au profit des patients des découvertes scientifiques les plus récentes et des innovations cliniques et thérapeutiques (molécules anticancéreuses).
Les CHRU participent également à d’ambitieux programmes dédiés au traitement du cancer, par exemple
Le Centre Etoile de Lyon
Les tumeurs de la tête et du cou résistantes aux traitements conventionnels pourront être traitées par hadronthérapie au Centre Etoile de Lyon. Les premiers patients seront accueillis en 2014. Initié par cinq institutions hospitalières rhônalpines (les Centres hospitalo-universitaires de Lyon, Grenoble et Saint-Etienne, le Centre Léon Bérard de Lyon et l’Institut de Cancérologie de la Loire) sous l’impulsion de l’Agence Régionale d’Hospitalisation Rhône-Alpes, le centre Etoile est soutenu par les collectivités territoriales, notamment le Conseil Régional de Rhône-Alpes, le Conseil Général du Rhône, et le Grand Lyon.
En savoir plus : Le Centre Etoile de Lyon
La clinique universitaire du Cancer de Toulouse construite sur le site d’AZF regroupe tous les partenaires intéressés à la recherche et aux soins en cancérologie : CHU de Toulouse, l’Institut Claudius-Regaud, les Cliniques Privées, les Centres Hospitaliers Généraux, le Réseau Oncomip, l’Établissement Français du Sang et l’Université Paul Sabatier… l’établissement se définit à la fois hôpital du Cancéropôle de Toulouse et comme un centre de recherche et de soins dédié à la lutte contre le cancer. Dans cet ensemble hospitalier, le patient pourra bénéficier des innovations thérapeutiques appropriées à sa pathologie et d’une prise en charge pluridisciplinaire élargie (radiothérapeutes, oncologues, chirurgiens, …). Fin des travaux prévus pour 2013.
En savoir plus sur : La clinique universitaire du cancer de Toulouse
* à Amiens, Caen, Lyon, Marseille, Paris, Pointe-à-Pitre, Rennes… et partagé entre Bordeaux, Limoges et Toulouse
** à Lille, Paris, Tours
***2 à Marseille, un à Lille
****La tumorothèque est une plateforme qui permet de conserver, par cryopréservation des échantillons tumoraux, à des fins de recherche ou au bénéfice des patients lorsqu’une nouvelle thérapeutique est découverte.