Sur fond de campagne présidentielle, à l'heure de la promulgation du budget 2017 pour la santé, la question du remboursement des soins et du financement de la sécurité sociale agite le débat politique, relayé par les médias.
Sur fond de campagne présidentielle, à l’heure de la promulgation du budget 2017 pour la santé, la question du remboursement des soins et du financement de la sécurité sociale agite le débat politique, relayé par les médias.
Au lendemain de sa victoire aux primaires de la droite, dimanche 27 novembre, l’annonce faite par François Fillon de sa volonté de réformer la sécurité sociale pose questions sur tous les fronts, à gauche comme dans son propre camp. Autant d’interrogations reprises par les médias qui tentent de décrypter plus largement ses positions sur les grandes thématiques de santé.
"Sécurité sociale, mutuelles : que veut vraiment François Fillon ? ", interroge Le Monde, dès le lendemain du scrutin. Et de souligner que si l’ensemble du programme du champion de la droite est délibérément libéral et conservateur, "ses mesures touchant au système de remboursement des soins confineraient à l’abolition du système, selon certains de ses opposants". Le quotidien évoque aussi la volonté de l’ancien premier ministre de "Désétatiser" le système de santé, en transférant notamment une partie de la couverture de la Sécurité sociale aux assurances et aux mutuelles.
Chroniques d’un programme santé annoncé
Concrètement, seules les affections graves ou de longue durée (ALD) seraient prises en charge. C’est ce que le candidat appelle le " panier de soins solidaires ", dont sont exclus " les soins de confort et la "bobologie" " est-il expliqué, en précisant que les Français seront davantage mis à contribution. Le candidat suggère ainsi d’introduire une franchise médicale universelle qui serait fonction des revenus. Ce dispositif remplacerait le ticket modérateur et la franchise de 1 euro actuelle, précise le site Infirmiers.com qui relève les grandes lignes de son programme santé. A savoir en l’occurrence : la suppression de l’aide médicale de l’Etat (AME) et une réforme de la couverture maladie universelle (CMU), la suppression du tiers payant généralisé et la création d’une agence nationale de santé (ANS), placée sous la tutelle du ministère de la santé et intégrant la direction générale de l’offre de soins (DGOS), l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (Uncam) et le collège des ARS envers lesquelles il se montre " assez critique ". Pour le reste, son opinion favorable à l’égard des groupements hospitaliers de territoire (GHT), son ambition de créer " des parcours de soins coordonnés ", en favorisant la création de maisons médicales et de structures de "petites urgences de proximité" et en développant l’hospitalisation à domicile (HAD) et les soins ambulatoires, ne suffisent pas à rassurer… y compris ceux qui le soutiennent.
Inquiétudes de tous bords
"François Fillon va-t-il ajuster son programme dans la perspective de la présidentielle?" se demande 20 Minutes indiquant que " des voix appellent à des inflexions " dans son propre bord. Le député filloniste Bernard Accoyer, a ainsi plaidé sur Public Sénat et Sud Radio pour une "adaptation des mesures même si les grands axes ont été largement validés". Alors que le président de l’UDI, Jean-Christophe Lagarde a déclaré sur Europe 1 qu’il conditionnait son ralliement à François Fillon à un " projet législatif commun notamment sur l’Europe, l’environnement, la Sécurité sociale, l’emploi ". Des appels du pied douchés toutefois par Bruno Retailleau, le président du groupe LR au Sénat, qui a affirmé de son côté sur LCI que François Fillon n’irait pas "affadir son projet" après son élection.
En tout état de cause, le vainqueur des primaires s’applique à calmer les esprits. Interrogé lors de son passage au "20 heures" de France 2, le 28 novembre, l’ancien premier ministre de Nicolas Sarkozy a tenté de calmer la polémique naissante : "Je prends l’engagement de faire en sorte que toutes les personnes qui doivent être protégées, qui ont des revenus modestes ou moyens, ne seront pas moins bien remboursées, a-t-il assuré. Je vais travailler avec les professions de santé, avec les responsables de l’Assurance-maladie, avec tous ceux qui ont un rôle dans ce domaine, pour travailler. " Et d’insister " La Sécurité sociale, j’y suis extrêmement attaché, j’ai été ministre des Affaires sociales, j’ai été Premier ministre pendant cinq ans, et on a toujours préservé la justice en matière de remboursement ". Une réponse sans doute à la ministre de la Santé Marisol Touraine, qui l’accuse "ni plus ni moins de vouloir privatiser le système de santé".
Tweets incendiaires de Marisol Touraine
"Marisol Touraine n’a de cesse d’attaquer bille en tête l’ancien Premier ministre sur son programme santé/assurance-maladie, depuis ce tweet rédigé pendant le débat télévisé de l’entre-deux tours, jeudi dernier, dans lequel la ministre de la Santé ciblait le projet de réforme Fillon du panier de soins", analyse le Quotidien du Médecin. "Chaque foyer paiera en moyenne 3200 euros de plus par an pour se soigner", avait-elle affirmé. Rebelote, lors de l’examen en seconde lecture à l’Assemblée du budget de la Sécurité sociale. "Le candidat désigné de l’opposition pour la prochaine élection présidentielle propose que les Français qui ne souffrent pas d’une ALD ou d’une maladie grave ne soient plus remboursés par la Sécurité sociale, a-t-elle soutenu, citant le programme de son adversaire. Selon Marisol Touraine, "il ne s’agit ni plus ni moins que d’une privatisation du système de santé", qui représenterait un "surcoût massif pour les familles, notamment pour les personnes âgées et les familles avec des enfants", n’hésitant pas à brandir le spectre de lendemains difficiles pour ces patients. Alors que " François Fillon a omis de préciser que c’est sous son autorité de chef du gouvernement qu’avaient été mises en place en 2008 les nouvelles franchises médicales (50 centimes d’euro par boîte de médicaments, 50 centimes d’euro pour les actes paramédicaux et deux euros sur tous les transports sanitaires, en plus d’un euro par consultation). Des franchises limitées à 50 euros par patient et par an que Marisol Touraine n’a pas supprimées", rappelle le journal médical.
Un retour annoncé des 39 heures à l’hôpital
De son côté, Pourquoi docteur pointe d’autres sujets polémiques émanant du programme du candidat présidentiable : "En proposant de réduire les postes et d’augmenter le temps de travail à l’hôpital, il a semé le trouble parmi le monde médical " écrit Julien Prioux rappelant les propos de François Fillon selon lesquels la sécurité n’était "pas un sujet du tout prioritaire "dans son projet et sa volonté plus urgente de " remettre le pays debout". Dans ce contexte, "l’hôpital est aussi dans la ligne de mire de François Fillon , avec un retour annoncé aux trente-neuf heures de travail sans contrepartie annoncée", relève le Monde. "On sait aussi que la suppression des 500 000 postes de fonctionnaire touchera la fonction publique hospitalière… sans qu’on connaisse exactement la proportion", souligne en outre le quotidien. Un point qui risque de raviver à très court terme la colère des professionnels de santé. A l’instar du mot d’ordre de la manifestation du 24 novembre "Laissez-nous travailler, laissez-nous soigner!", les soignants entendent "sensibiliser leurs concitoyens aux dérives d’un système de santé auxquelles ils sont chaque jour confrontés et qui ne sont pas sans conséquence sur les soins qui leur sont dispensés", analyse Infirmiers.com. Selon le site cette nouvelle mobilisation, à la différence de celle du 8 novembre, a rassemblé au-delà de la profession infirmière : "Plus largement, les soignants libéraux dénoncent un système de santé organisé et dirigé par des technocrates et accusent entre autres l’État de maltraiter les soignants, de priver les soignants et les patients des droits décisionnels et organisationnels, de morceler les compétences et d’aller vers une santé low cost, de ne pas garantir la sécurité des patients en bradant la santé…"
Ping pong entre le Sénat et l’Assemblée pour la loi de financement de la sécurité sociale
Ce mois de novembre a suivi par ailleurs les dernières allées et venues du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) au sein des instances étatiques avant sa validation finale.
"Le Sénat, à majorité de droite, a adopté mardi le dernier budget de la Sécurité sociale du quinquennat, après l’avoir profondément modifié, au grand dam de la gauche, et contesté le redressement des comptes vanté par le gouvernement", annonçait le 22 novembre Le Figaro. Alors que la version réécrite du (PLFSS), à la faveur de plusieurs mesures symboliques, dont l’abrogation du tiers payant généralisé, était adoptée par 182 voix (LR et UDI-UC) et 148 contre (l’ensemble de la gauche). Et d’avertir : " Une commission mixte paritaire est à présent chargée de trouver un accord entre les deux chambres. En cas d’échec, probable, l’Assemblée nationale, où la gauche est majoritaire, aura le dernier mot". Fait relativement avéré ce 28 novembre où la version du PLFSS 2017 adoptée en première lecture par les députés "a conservé à de très rares exceptions les modifications apportées par les sénateurs", relève Hospimedia.
Une ponction de 60 M€ supplémentaires sur les réserves du FEH
Le site d’information hospitalière pointe ainsi une augmentation de 60 M€ de la ponction sur les réserves du Fonds pour l’emploi hospitalier (FEH) (qui passe de 90 à 150 M€). "Ce prélèvement supplémentaire décidé sur le FEH devrait à nouveau agacer les hospitaliers, FHF comme syndicats, déjà extrêmement remontés contre le Gouvernement et le fait qu’il n’annule pas sa ponction de 300 M€ sur les réserves de l’Association nationale pour la formation permanente des personnels hospitaliers (ANFH) ", prévient Hospimedia, soulignant que "pour l’opposition, ces diverses ponctions ne sont qu’un tour de passe-passe budgétaire" et de "la tuyauterie" pour contenir l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam).
Le Quotidien du Médecin signale plus particulièrement, pour sa part, que "le tiers payant généralisé, abrogé par les sénateurs, a été logiquement réinstauré" et que le texte concernant la protection maternité, étendu par les sénateurs, a été ramené par les députés à sa rédaction initiale " réservant cette aide de 3 000 euros par mois aux seuls professionnels aux tarifs opposables ou maîtrisés".
Le texte retourne au Sénat ce jeudi 1er décembre avant d’être de nouveau soumis à l’Assemblée nationale pour une version définitive.