Dans un environnement plus compétitif et plus exigeant, marqué par la diminution du nombre d’études lancées en France par les grands groupes pharmaceutiques*, les 60 sociétés spécialisées dans les essais de phase I à IV réunies au sein de l’association française des contract research organisations (AFCROs) veulent donner de nouvelles chances à la recherche clinique et booster l’attractivité française. Plus combatives que jamais, ces entreprises, par essence à l’avant-garde du progrès, multiplient les coopérations avec de nouveaux partenaires que sont les laboratoires de taille moyenne ou les fabricants de dispositifs médicaux. Lors de la 3ème édition des journées de la recherche clinique 30 janvier 2014, elles feront le point sur les innovations technologiques, tireront les enseignements des approches pragmatiques déployées par les associations de patients et reviendront sur les 7 mesures structurelles proposées en juillet dernier pour relancer un secteur qui reste porteur – les CROs emploient plus de 3 000 personnes** pour un chiffre d’affaires de 350 millions d’euros*** . Focus sur les nouveaux modèles imaginés par l’AFM et Vaincre la mucoviscidose
A tous les stades de la recherche clinique, les représentants des patients s’affirment comme des partenaires médicaux voire même scientifiques incontournables.
A l’actif de l’Association Française de lutte contre les myopathies (AFM) des avancées majeures comme les cartes du génome, la découverte de gènes responsables de maladie ou le lancement de la production de traitements de thérapie génique au Généthon. Moins spectaculaire et tout aussi fondamentale, l’interaction avec les patients déployée par l’association autour de la revue de ses projets de recherche. Objectif : recueillir l’avis des intéressés sur tous les aspects du programme et mieux prendre en compte la dimension sociale des études. Le Dr Géraldine Honnet, directrice du développement clinique de l’AFM, plaide en faveur d’une plus grande écoute des attentes des patients concernant la pertinence des objectifs des études et l’analyse pointue de leur faisabilité concrète. « Ainsi, des recherches qui peuvent apparaître essentielles pour des scientifiques se révèlent parfois trop loin des préoccupations quotidiennes des patients. Nous veillons également à bien prendre en compte les contraintes imposées par les protocoles. Par exemple, les visites de suivi après traitement ne doivent pas forcément se dérouler à l’hôpital. Dans certains cas nous organisons le déplacement de personnel soignant au domicile des patients afin de leur éviter les désagréments des transports ».
L’expérience montre que cette confrontation chercheurs/patients est riche d’enseignement. A plus grande échelle, des représentants d’association de patients ont déjà rejoint certains comités de l’agence Européenne du médicament. Ils sont sollicités sur les questions éthiques et aussi sur les problèmes soulevés par l’accès aux données. Cette concertation pourrait aller plus loin encore. Pourquoi ne pas consulter systématiquement les associations de patients lors de l’écriture des études ? « La science doit être applicable à la clinique » prône le Dr Géraldine Honnet.
Le registre de l’association Vaincre la Mucoviscidose : une aide à la réalisation d’études épidémiologiques ou cliniques.
Créé en 1992 par l’association « Vaincre la Mucoviscidose », le registre français de la mucoviscidose recense plus de 6 200 patients dont il suit l’évolution à travers une grille de près de 350 critères médicaux, sociaux… réactualisée**** tous les ans. Une exhaustivité et une rigueur exceptionnelles, reconnues par un label décerné par le Comité National des Registres Maladies Rares. Outil précieux de connaissance des patients, ce registre contient aussi une mine d’informations pour les scientifiques en quête de données permettant d’affiner l’inclusion des patients dans des cohortes très ciblées ou d’évaluer l’impact des stratégies thérapeutiques…
Il existe plus de 1 900 mutations du gène CFTR dans la mucoviscidose. Or les conséquences cliniques ne sont connues que pour environ 10% d’entre elles. Des études épidémiologiques utilisant les données du Registre sur les autres mutations sont donc indispensables pour appréhender les conséquences cliniques, et mieux orienter les traitements et le conseil génétique. « Concrètement, avant de lancer une étude, l’équipe peut contacter l’association pour connaître le nombre de patients répondant aux critères d’inclusion (par exemple la fonction respiratoire (VEMS), l’âge et les mutations du gène CFTR, mais aussi l’infection respiratoire à un germe ou la prise d’un médicament spécifique). » détaille Lydie Lemonnier, responsable du département Médical de l’association. Il est aussi intéressant de connaître le degré de mobilité du patient et sa proximité avec un centre de référence. Le registre permet également de mettre en contact l’investigateur avec les unités intéressées.
Enfin, le registre donne une meilleure visibilité des besoins de la population. Par exemple, beaucoup de patients présentent un diabète dès l’adolescence, et la moitié des patients sont diabétiques à l’âge adulte. D’où l’intérêt de mener une étude qui aura pour objet le diagnostic précoce du diabète.
Pour Lydie Lemonnier, cette initiative est transposable à d’autres pathologies plus fréquentes comme le diabète ou le cancer à condition d’avoir un financement pérenne et un réseau volontaire et structuré. En effet, si le registre de la mucoviscidose est cité en exemple aujourd’hui, c’est aussi parce qu’il a bénéficié de facteurs favorables : il s’intéresse à une maladie rare (mais la plus fréquente des maladies rares) avec des critères de diagnostic précis (pour les formes classiques, qui sont les plus fréquentes), un réseau de soins très structuré et une association de patients fortement présente soulevant des fonds pour aider à améliorer la qualité de vie des patients, les soins et la recherche.
Des registres de cancer existent depuis de nombreuses années au niveau régional et au niveau national car les pouvoirs publics l’ont identifié comme un problème de santé publique important, d’où les moyens accordés. Des discussions à la HAS ont eu lieu pour monter un registre du diabète.
En complément du registre, Vaincre la Mucoviscidose finance via un appel d’offres annuel, 70 projets de recherche à hauteur de 2.7 millions d’euros en 2012. L’association a aussi noué un partenariat fort avec la Société française de Mucoviscidose (fédération des CRCM). Enfin, elle soutient la Plateforme Nationale de Recherche Clinique Mucoviscidose http://www.recherchecliniquemuco.fr/, outil majeur dans l’organisation de la recherche en France et support référent pour le réseau européen de recherche clinique.
En savoir plus sur les 7 mesures de l’AFCROs pour relancer la recherche énoncées en juillet 2013
1.Créer un guichet réglementaire unique et dématérialisé pour l’approbation des essais cliniques
2. Finaliser une convention hospitalière unique et globale regroupant tous les aspects de la recherche clinique
3. Créer un site internet unique de référencement et d’information pour faciliter le travail des médecins Investigateurs
4. Valoriser la recherche Clinique auprès des médecins et des patients
5. Créer un Tiers à la Recherche Clinique (sur le modèle du Commissaire aux Comptes)
6. Imposer une relocalisation européenne partielle de la Recherche Clinique et
Epidémiologique
7. Unifier le taux du Crédit d’Impôt Recherche (CIR) : à même recherche, même CIR
www.afcros.com
Marie-Georges Fayn
___________
*En concurrence avec les autres pays d’Europe et les nations émergentes, la recherche clinique française connaît une lente érosion depuis les années 2000. Cette perte d’attractivité se traduit par une diminution de moitié des essais cliniques en 10 ans, une exclusion de la France des 2/3 des essais cliniques des laboratoires et un recul du 2 au 5ème rang dans le classement mondial du taux de la population nationale incluse dans les essais – derrière les USA, l’Allemagne, le Canada, la Scandinavie.
** ARC (attachés de Recherche Clinique), biostatisticien, data manager, chef de projet…
*** données 2012
**** Le Registre est alimenté via un questionnaire rempli une fois par an par les centres de soins. Il permet de collecter, pour l’année échue, des informations sur l’état civil des malades, les éléments fondant le diagnostic, les événements médicaux survenus au cours de l’année, les modalités de prises en charge thérapeutique, le poids, la taille, les caractéristiques fonctionnelles respiratoires… Le coût de mise à jour et de gestion du registre est estimé à 200 000 euros H.T. à l’année.