Nombreuses sont les situations médicales qui plongent les professionnels dans le désarroi ou qui interpellent leur déontologie. Pour aider les personnes malades, leurs proches et les professionnels de santé du CHU de Nantes à prendre des décisions médicales soulevant des questions éthiques, le Pr Gérard Dabouis* vient d’ouvrir une consultation d’éthique clinique pluridisciplinaire. Une initiative soutenue par l’agence régionale de santé (ARS) et la fondation Crédit mutuel qui viennent de contractualiser avec le CHU afin d’assurer le financement des trois premières années d’exercice 2010-2012.
Les évolutions médicales et sociétales rendent indispensable l’existence d’une telle structure qui s’enrichit de l’expertise des sociologues, philosophes, économistes, juristes, représentants des usagers. Exemples de sollicitations reçues de la part des médecins et membres des équipes soignantes :
Doit-on envisager une interruption médicale de grossesse à la suite d’un diagnostic prénatal dans le cas où la maman est atteinte d’une maladie génétique autosomique dominante à révélation tardive dont la gravité est impossible à prévoir (cela signifie qu’une une fois sur deux l’enfant qu’elle porte sera atteint d’une maladie dont on ignore la gravité et qui se déclarera quand il atteindra l’âge de 14-15 ans) ?
Est-il licite d’envisager une hémodialyse pour une personne de 76 ayant une insuffisance rénale aigue et souffrant d’une démence d’origine vasculaire et d’un éthylisme chronique très avancé ?
Comment répondre à une demande de mort chez un patient âgé de 97 ans suivi pour un cancer des cordes vocales et qui a été trachéotomisé en urgence ?
Avant de donner un avis, toutes les personnes impliquées : patient, médecin référent, soignants, spécialistes et parents sont consultées. Cette large concertation permet de contextualiser la demande, de la situer dans l’histoire du patient. « Il s’agit de confronter l’expertise médicale au vécu du malade et aux valeurs de la société. Nous sommes avant tout attentif à la personne et cherchons à co-construire la décision avec elle. Loin des dogmes, des idées, nous apportons notre éclairage à une question individuelle posée dans le cadre d’un parcours singulier ; c’est un exercice de casuistique pragmatique commente le Pr Gérard Dabouis qui cite volontiers Pierre Teilhard de Chardin ‘’Nulle chose n’est compréhensible que par son histoire »**. Nos outils sont l’autonomie, le respect, la bienfaisance ou du moins la non malfaisance et la justice. »
La consultation d’éthique clinique annonce l’avènement d’une nouvelle alliance entre l’hôpital et le patient, entente fondée sur une relation individualisée privilégiée et que l’on peut considérer comme une avancée thérapeutique en soi puisqu’il s’agit de proposer des soins sur mesure, non pas en fonction des caractéristiques génétiques mais de l’histoire de vie de la personne.
Cette unité fonctionnelle du CHU prévoit d’intervenir 50 à 60 fois par an. Elle est impliquée dans la démarche d’enseignement de la faculté de médecine et de recherche à l’université de Nantes.
Ethique clinique – Définition
Approche méthodologique qui s’intéresse à la résolution de cas pratiques, quels qu’en soient les champs d’application, la consultation d’éthique clinique se donne pour but le choix d’une décision singulière, qui tienne compte du cadre législatif, de la situation sociale particulière, mais aussi des convictions, intentions, réflexions des différents protagonistes engagés dans cette situation (le patient, ses proches, les équipes médicales impliquées…).
* le Pr Gérard Dabouis est chef du service d’oncologie médicale – soins de support – soins palliatifs. Avant d’exercer à Nantes, il a été formé à l’éthique clinique et a participé durant cinq ans à la première consultation d’éthique clinique en France, celle de Cochin-Port-Royal qui fut ouverte fin 2002.
** Extrait de L’avenir de l’homme