Les CHU sont nés il y a 64 ans avec la loi Debré. Mais cette naissance trouve ses racines dans une histoire bien plus ancienne, celle de l’hôpital. En 325 après Jésus-Christ, l’empereur Constantin, soucieux d’unifier et d’organiser la chrétienté au sein de l’empire romain, demande à chaque évêque d’organiser un lieu d’hébergement destiné aux pauvres et aux voyageurs. Hospices, maisons ou hôtels-Dieu, ces lieux subsisteront jusqu’à la fin de la Seconde guerre mondiale, au moment où la solidarité vient supplanter la charité.
CHU • Les grands repères
Création des maisons-Dieu et hôtels-Dieu
Ces ancêtres de l’hôpital, lieux de refuge des indigents, naissent dans le giron de l’Eglise. Ils subsistent jusqu’à la moitié du XXe siècle.
Voir la photoNaissances de la sécurité sociale et de l’hôpital public
Les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945 signent la création de la Sécurité sociale et du service public hospitalier. Une institution fondée sur la solidarité et non plus sur la charité, qui devient le pivot du système de santé.
Voir le PDFLoi Debré : l’hôpital s’unit à la faculté
Décembre 1958 voit la création des Centres Hospitaliers Régionaux Universitaires (CHU) par trois ordonnances successives reprises par la loi Debré. Le texte définit la triple mission de soin, d’enseignement et de recherche des CHU.
Voir la vidéoLes grands travaux
La France lance un vaste chantier de construction des CHU dans un contexte économique privilégié. C’est notamment la fin des grandes salles communes, derniers témoins de l’hospice pour indigents.
Voir la vidéoLa dotation globale est adoptée
La crise économique, qui réduit l’activité des CHU, signe la fin du système de financement « à la journée ». Celui-ci est remplacé par une dotation globale, enveloppe de fonctionnement annuelle et limitative fixée par les pouvoirs publics.
La recherche décolle en CHU
Bernard Kouchner, ministre de la santé, créé le Programme hospitalier de recherche clinique en lui associant une dotation spécifique.
T2A : Nouveau mode de financement
Lors des Assises hospitalo-universitaires organisées en mars 2003 à Nice, les directeurs généraux de CHU, les présidents de CME et les doyens appellent un nouveau mode de financement reposant sur l’activité médicale du CHU. Un an plus tard, la T2A est instaurée.
Le plan Hôpital prend de l’élan
Chantiers de modernisation, reconstructions, rénovations, équipements de pointe : les CHU connaissent de nouveau une dynamique d’investissement.
Vers une révolution territoriale et numérique
Rattaché à une métropole et à l’une des treize grandes régions de France, le CHU devient le pivot groupe hospitalier territorial (GHT). Avec la télémédecine et l’e-santé, il prend une dimension dématérialisée.
Le Ségur au temps du Covid
Dans un contexte de crise pandémique, qui vient s’ajouter aux difficultés des hôpitaux français, le gouvernement d’Edouard Philippe lance le Ségur de la santé. Trente-trois nouvelles mesures sont annoncées dont le recrutement de 15 000 agents à l’hôpital public, 8.2 milliards d’euros par an pour revaloriser les métiers des établissements de santé et des EHPAD, et reconnaître l’engagement des soignants en France.
Le CHU, modèle d’excellence et incontournable
Lors des Assises hospitalo-universitaires qui se tiennent à Lille en décembre 2021, le ministre des solidarités et de la santé Olivier Véran défend le modèle d’excellence du CHU, un « outil puissamment moderne, flexible et réactif ».
Voir la photo1945 • De la charité à la solidarité
L’hôpital moderne, tel que nous le connaissons aujourd’hui, ouvert à toutes les catégories sociales et assurant l’égalité des soins, est rendu possible par les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945. La première met en place la Sécurité sociale, la seconde signe l’acte de naissance du service public hospitalier. Le gouvernement dirigé par le Général de Gaulle concrétise ainsi un projet porté haut par le Conseil national de la résistance, dont les premiers jalons avaient été posés dès 1928 avec la loi sur les assurances sociales, loi qui accroissait considérablement le nombre d’admissions. Son ouverture étendue à tous les malades, quelle que soit leur condition sociale, avait par ailleurs été officialisée en décembre 1941.
L’hôpital devient le pivot de l’organisation sanitaire du pays. Les progrès de la médecine et des technologies vont transformer son organisation et son architecture.
1958 • La loi Debré : acte fondateur de l’alliance de l’hôpital à la faculté
La réforme initiée par le Pr Robert Debré se traduit par trois ordonnances et un décret (11 et 30 décembre) qui créent les centres hospitalo-universitaires (CHU) et définissent leur triple mission de soin, d’enseignement et de recherche. Depuis cette réforme, tous les médecins qui quittent les bancs de la faculté ont été formés en CHU. Dans ce sillage naît la fonction de praticien hospitalo-universitaire, à la fois médecin à l’hôpital et enseignant à l’université.
1960 • 1980 : Les grands travaux de l’âge d’or
Le premier à sceller cette union de l’hôpital et de l’université est le CHRU de Poitiers le 20 février 1961 (le dernier restant celui de La Réunion le 26 avril 2007). Dans un contexte économique privilégié, où la Sécurité sociale est excédentaire et les investissements généreux, la France lance un vaste chantier de construction des CHRU.
Les travaux de modernisation gagnent toutes les régions, et de nombreux bâtiments universitaires viennent se greffer aux structures hospitalières. La politique volontariste de rénovation et d’humanisation des hôpitaux qu’entreprend Simone Veil, ministre de la Santé de Valéry Giscard d’Estaing, va dans ce sens. C’est la fin des grandes salles communes, derniers témoins de l’hospice pour indigents. L’hôpital grandit au rythme de la cité qui l’a vu naître, reproduisant ses architectures et poussant le mimétisme jusqu’à devenir une ville dans la ville.
1983 • La dotation globale est adoptée
Face au développement de la crise économique qui incite le gouvernement à freiner les dépenses de santé et donc à réduire l’activité des hôpitaux et des CHU, ceux-ci ne peuvent plus bénéficier du financement « à la journée », jusqu’ici en vigueur. Ce mode de financement est remplacé par une « dotation globale », enveloppe de fonctionnement annuelle et limitative sur la base d’un taux directeur fixé par les pouvoirs publics. Les établissements gèrent leurs investissements pour rester dans l’enveloppe de crédit de la dotation globale. L’hôpital s’apparente dès lors à une administration classique.
1992 • La recherche décolle
La recherche trouve pleinement son essor. Bernard Kouchner, ministre de la Santé et de l’Action humanitaire dans le gouvernement de Pierre Bérégovoy, crée le Programme hospitalier de recherche clinique en lui associant une dotation spécifique. La recherche est devenue un enjeu essentiel pour les CHU y compris sur le plan fondamental par le biais notamment de partenariats avec l’INSERM.
2004 • La T2A : nouveau système de financement pour un nouveau départ
La dotation globale a vingt ans. Loin d’être parfait, on lui reproche notamment de pénaliser les établissements les plus dynamiques en matière d’activité comme de recherche, ou encore de fragiliser l’investissement. Dans ce contexte et à l’occasion des Assises hospitalo-universitaires qui se tiennent à Nice en mars 2003, les directeurs généraux, les présidents de CME et les doyens proposent la relance de l’investissement hospitalier ainsi qu’un nouveau système de financement reposant sur l’activité médicale du CHU. L’année suivante, la tarification à l’activité est instaurée. Cette évolution induit une implication plus forte des médecins dans la gestion. Elle est aussi synonyme pour les CHU d’entrée dans l’ère du management via la création de pôles d’activité, de recherche de la performance et d’engagement d’une politique de qualité (certifiée par la nouvelle Haute Autorité de Santé).
2007 • Le plan Hôpital prend de l’élan
Lancé en réalité dès 2002, le Plan hôpital 2007 est celui de la relance de l’investissement hospitalier. Il va aussi favoriser la montée en puissance de la tarification à l’activité et de la recherche.
Évolution de l’activité des CHU en 10 ans (2005 • 2015)
personnes accueillies en services d’urgences
personnes hospitalisées en moins de 24h
personnes hospitalisées en court séjour
séjours d’accouchements
consultations
2017 • Vers une révolution territoriale et numérique
Rattaché à une métropole et à l’une des treize nouvelles grandes régions de France, le CHU ancre désormais son activité à un groupe hospitalier territorial (GHT). Il s’inscrit dans une dynamique collective. « En partageant ses compétences, le CHU contribue à une répartition plus équitable de l’offre de soin sur tout le territoire. Le GHT, c’est un pas de plus dans l’égalité d’accès aux soins de qualité sur tout le territoire », affirme Jean-Pierre Dewitte, alors président de la Conférence des directeurs généraux de CHU.
De plus, alors que les durées de séjour sont de plus en plus courtes et que l’ambulatoire représente plus de 40% des actes de chirurgie, la médecine hospitalière entre dans une révolution digitale.
2020 • Le Ségur au temps du Covid
Dans un contexte de crise marqué par la pandémie de Covid-19, les hôpitaux français, déjà sous tensions et en manque de moyens, se retrouvent encore plus en difficultés. Face à un mécontentement général, le gouvernement d’Edouard Philippe lance le Ségur de la santé. Réunissant plus de trois-cents participants, des représentants syndicaux aux collectifs de soignants, ce dernier a pour objectif de revaloriser les personnels soignant, notamment les infirmiers sont parmi ceux à voir le plus bas salaire des pays de l’OCDE. Trente-trois nouvelles mesures sont annoncées dont la réduction progressive de la T2A, le recrutement de 15 000 agents à l’hôpital public, 8.2 milliards d’euros par an pour revaloriser les métiers des établissements de santé et des EHPAD, et reconnaître l’engagement des soignants en France.
En 2021, les crédits d’investissement annoncés par l’Etat dans le cadre du Ségur sont fléchés à hauteur de 35% sur les CHU. Malgré ces efforts, des voix continuent de s’élever, les jugeant insuffisants.
2021 • Le CHU, modèle d’excellence et incontournable
Lors des Assises hospitalo-universitaires qui se tiennent à Lille en décembre 2021, le ministre des solidarités et de la santé Olivier Véran défend le système hospitalo-universitaire, « capable de fonctionner sur les deux pieds, le pied « H » qui permet d’adapter l’organisation hospitalière et le pied « U » qui permet de produire des recommandations adaptées aux circonstances très rapidement. » Et de résumer que le modèle d’excellence du CHU de 1958 reste un « outil puissamment moderne, flexible et réactif ».
Conseil de lecture : Le CHU, l’hôpital de tous les défis, éditions Privat, 2008, 304 p.
Auteurs : Betty Mamane, Adrien Morcuende, Romain Pillet avec la coopération de Daniel Moinard et Pierre-Louis Laget