Suite à la présentation d’Edouard Philippe à l’Assemblée Nationale des modalités du plan de déconfinement du 11 mai, la Fédération hospitalière de France propose 8 pré-requis "pour un déconfinement progressif et sécurisé" et attend qu’ils soient bien pris en compte dans la stratégie du gouvernement. Au-delà de la problématique du déconfinement, elle réitère sa volonté de voir se mettre en place "un véritable plan massif pour l’hôpital public".
La Fédération Hospitalière de France «prend acte de l’approche graduée, territoriale et sectorielle annoncée par le Premier Ministre» et estime que «cette stratégie de déconfinement est de nature à endiguer une deuxième vague, si elle est appliquée de manière cohérente et responsable». Dans un communiqué diffusé ce 28 avril 2020, la Fédération présente par ailleurs 8 pré-requis pour assurer un déconfinement progressif et sécurisé et affirme qu’elle sera «vigilante» quant à leur prise en compte dans le plan adopté par le Parlement.
Une règle générale sur les capacités de réanimation dédiées covid
Une transparence sur le modèle épidémiologique utilisé et les hypothèses de déconfinement sont nécessaires afin de poser une règle générale sur les capacités de réanimation qui devront rester dédiées covid dans l’ensemble des établissements de santé afin de garantir une reprise d’activité sécurisée et la capacité des établissements à prendre en charge une potentielle seconde vague, estime la FHF.
Des garanties sur les équipements de protection, la disponibilité des tests et les approvisionnements
Des garanties fortes sur les équipements de protection individuelle (EPI), la disponibilité des tests et les approvisionnements logistiques sont jugées indispensables afin d’assurer la sécurité des patients et des professionnels et de donner une visibilité aux établissements sur leurs stocks de médicaments. «Ce point est crucial pour une reprise d’activité priorisée et rationnelle», souligne le communiqué.
Un dépistage systématique des professionnels et des patients
« La construction de filières covid/non-covid nécessite un dépistage systématique des professionnels et patients à l’entrée des établissements», affirme la FHF, à l’instar de ce qui a été préconisé par le ministre pour les EHPAD, avec la mise en place de postes de triage. Si cette solution ne pouvait être mise en place, compte-tenu du manque de tests disponibles, un positionnement clair avec une stratégie de dépistage nationale est attendue des pouvoirs publics. «Il est par ailleurs indispensable de mettre en place des cellules de traçage des cas pour identifier et isoler les porteurs de virus et les foyers de contamination afin d’endiguer toute résurgence de l’épidémie».
Une reprise d’activité sécurisée
Une reprise d’activité sécurisée suppose la mise en place de circuits covid/non-covid dans l’ensemble des établissements. La reprise doit donc s’organiser selonla fédération «avec une approche concertée entre les établissements du territoire en ciblant des activités prioritaires. En cas de tension ou de difficulté d’organisation, l’ARS devra réguler la reprise compte-tenu du risque de résurgence de l’épidémie et des pénuries en médicaments notamment».
Une reprise d’activité de l’ensemble du parcours patient
La reprise doit concerner l’ensemble du parcours patient. Le déconfinement et la reprise de l’activité seront également conditionnés à la fluidification de l’aval de l’hospitalisation en court séjour. À ce titre, il sera nécessaire de fournir, notamment aux services de SSR, les moyens en personnel, en lits et en matériel, afin d’absorber les patients Covid et les patients souffrant d’autres pathologies et en provenance de services ayant repris une partie de leur activité.
« Afin que le parcours des patients se déroule sans blocage préjudiciable pour eux comme pour les équipes, toutes les structures de santé et médico-sociales doivent donc être préparées à accueillir consultants, patients, résidents, et à assurer la prise en charge», recommande la FHF.
Des circuits en EHPAD sécurisés
« Il est important de relancer les admissions en EHPAD avec des circuits sécurisés, estime la fédération. Le test systématique à l’entrée est indispensable».
Les entrées devront se faire, selon elle, en informant systématiquement sur le statut du résident vis-à-vis du Covid, avec un renforcement des EPI en suffisance et par la définition d’une zone covid+ dans l’EHPAD. La FHF considère du reste primordial d’intensifier la mobilisation des GHT et de poursuivre l’attribution de moyens supplémentaires en personnel aux EHPAD (réserve sanitaire, volontaires professionnels libéraux, personnels mis à disposition par le GHT). Elle précise que dans ce contexte «tout comme la réouverture sécurisée aux familles, le retour des bénévoles et des animateurs doit être organisé et sécurisé : la reprise de ces activités est une nécessité sanitaire vitale pour éviter les syndromes d’abandon et de mélancolie et éviter une autre vague de décès».
La compensation financière des surcoûts liés à la crise
Des garanties financières sont nécessaires pour compenser les surcoûts liés à l’organisation de filières dédiées et les pertes de recettes et garantir la prise en charge à 100% des séjours COVID+. y compris hors réanimation, afin que les patients ne se retrouvent pas avec un reste à charge s’ils ne sont pas préalablement ALD ou s’ils n’ont pas de mutuelle.
Jusqu’à la fin de la crise, la FHF prône «le principe d’une garantie complète des recettes des hôpitaux publics» et propose que «la collectivité compense intégralement les surcoûts engendrés par cette organisation, par abondement de l’ONDAM hospitalier». En pratique, cela implique d’étendre la garantie de financement des hôpitaux et des EHPAD publics jusqu’à la fin de la crise, de compenser intégralement les surcoûts en termes de dépenses engagées par les établissements pour réorganiser les filières de soins (mesures RH, compensation de dépenses supplémentaires pour réorganiser les filières, etc.) et de compenser les pertes de recettes pour les établissements.
La prise en compte des besoins des professionnels de santé
Le cadre de déconfinement doit enfin prendre en compte les besoins des professionnels de santé et l’organisation de renforts pour garantir congés et reprise d’activité. La FHF préconise d’accompagner les nouvelles réorganisations RH occasionnées par la reprise progressive d’activité et veiller à l’accompagnement des professionnels de santé afin de ne pas créer de de rupture dans les équilibres organisationnels trouvés par les établissements. Les facilités de gardes d’enfants, de transports et de logement accordées aux soignants doivent ainsi pouvoir être poursuivies jusqu’à la fin de la crise. Le maintien de filières de soins et d’unités COVID va nécessiter des renforts d’effectifs sur le moyen terme.
La période estivale et l’organisation des congés doivent être accompagnées pour veiller à ce que les personnels puissent partir en congés, en particulier dans les régions les plus touchées par l’épidémie (répit des équipes).
Au-delà du déconfinement, un véritable plan attendu
Au-delà de la problématique du déconfinement, la fédération réitère sa volonté de voir se mettre en place «un véritable plan massif pour l’hôpital public», comme annoncé par le Président de la République, lors de son discours du 25 mars à Mulhouse. La FHF insiste sur la nécessité d’octroyer à l’hôpital public davantage de moyens pour ses futurs investissements ainsi que pour la revalorisation des carrières de son personnel soignant. «Il est impératif de poser très rapidement les bases d’un New Deal pour l’hôpital, d’autant plus que l’épidémie n’est pas finie. Nos hôpitaux et nos ehpad publics ont tenu mais il faut rester mobilisés. La préoccupation autour du déconfinement ne doit pas entrainer une baisse de vigilance», réagit son président, Frédéric Valletoux à la suite des annonces du Premier Ministre.