La semaine a été marquée par … des déceptions, voire de la colère, face aux modalités de versement des primes aux professionnels soignants. Et l’annonce d’un Ségur de la Santé n’a pas calmé les esprits.
Le décret instituant l’attribution de primes exceptionnelles liées à la crise sanitaire du Covid-19 suscite nombre de réactions un peu partout en France. Comme à Bayeux où les soignants de l’hôpital toucheront 500 euros. « La logique exprimée ici omet totalement à la fois la gravité et l’aspect humain de cette crise. On ne peut sérieusement expliquer à un soignant qui a combattu le virus pendant de longues semaines que son service n’a pas accueilli « assez de malades » pour être reconnu comme un élément essentiel de ce combat. La froideur administrative le dispute ici à l’indécence », témoigne Bertrand Bouyx, député (LREM) du Bessin et de la Côte de Nacre sur le site actu.fr. Même agacement à Pau où les soignants percevront là aussi 500 euros contre 1.500 euros à Bayonne par exemple. "La décision de priver l’hôpital de Pau de la prime aux soignants à la suite de l’épidémie de Covid est inacceptable. Notre hôpital a participé en première ligne à la campagne de lutte, recevant même des patients du Grand Est. Donc on va se battre !", a réagi François Bayrou le 16 mai.
Philippe Vermesch président du syndicat des médecins libéraux, s’indigne pour sa part dans le HufffPost du 15 mai que la prime ne soit pas versée aux médecins libéraux : “Nous sommes très amers. 36 médecins libéraux sont morts depuis le début de l’épidémie. Nous avons été envoyés au casse-pipe, sans masque, sans protection. Et il y a fort à parier que ce sera la même comédie pour les tests”.
« Comme Louis XVI allait rencontrer la noblesse »
Dans ce contexte, l’annonce dans le Journal du Dimanche par Olivier Véran d’un «Ségur de la santé» dès le 25 mai est accueillie avec méfiance. Interrogée par l’AFP, Mireille Stivala, secrétaire générale de la CGT Santé «déplore d’apprendre par voie de presse l’annonce d’une négociation qu’on réclame depuis plus d’un an» et se dit «dubitative sur le contenu».
«Je ne vois rien de concret dans ces annonces » déclare pour sa part Patrick Pelloux au journal l’Union, appelant à «écouter les personnels, au lieu de venir comme le fait Emmanuel Macron à La Salpêtrière comme Louis XVI allait rencontrer la noblesse».
Les syndicats de praticiens hospitaliers – Jeunes médecins, avenir hospitalier, APH, CMH, INPH, Snam-HP – ont pour leur part pris acte « de l’annonce par le gouvernement de l’ouverture imminente de la négociation indispensable sur l’avenir du système de santé ». Ils poursuivent : « Baptisée cette fois « Ségur de la Santé », ce lancement effectué à grand renfort de médiatisation nous laisse perplexe sur la conception que les pouvoirs publics ont du dialogue social. Plutôt que de s’adresser aux syndicats représentatifs des personnels hospitaliers, l’exécutif choisit ses propres interlocuteurs et utilise les médias nationaux pour informer les professionnels hospitaliers. Il s’agit là d’un très mauvais message, que nous espérons voir corriger dans les meilleurs délais afin que les termes de dialogue social ne soient pas des mots vides. Après plus de 2 mois de lutte contre une pandémie qui a éprouvé durement les limites de notre système de santé et épuisé les professionnels tant en métropole que dans les territoires ultramarins, il serait temps que le gouvernement s’attache à concrétiser les promesses du Président de la République. Nos organisations proposent depuis des mois des mesures concrètes, nécessaires pour restaurer de manière durable les missions du service public hospitalier. Cela passe notamment par un financement à la hauteur des besoins de nos concitoyens, une gouvernance hospitalière rénovée associant les professionnels aux décisions stratégiques, et un investissement massif dans les carrières hospitalières. Nous exigeons des pouvoirs publics des actes concrets, un calendrier resserré et un dialogue social de qualité et non plus des concertations sans fin. »
« New deal »
Interrogé par le Figaro, Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France rappelle pour sa part que « l’épidémie est une occasion historique pour lancer un «New Deal» du système de santé. La FHF réclame des mesures immédiates pour que la digue ne cède pas. Commençons par mieux rémunérer les personnels de santé, notamment les professions où nous avons le plus de difficultés à recruter, comme les infirmières et les aides-soignantes. Il faut simplifier les grilles statutaires, fusionner les premiers échelons pour permettre d’avoir de vrais gains sur la feuille de salaires. »
Retenons également la tribune publiée le 18 mai dans Libération par les architectes Jérôme Brunet, Antoine Kersse et Julia Tournaire qui appellent à une nouvelle conception architecturale pour faire face à l’urgence : « Face à un système de santé maintenu à flux tendu, l’hôpital doit trouver les moyens d’une dépressurisation à long terme de ses services et personnels. Il doit embrasser l’incertitude et être prêt à tout soigner, sans chercher à répondre spécifiquement à un programme donné. Il ne peut être un espace ajusté et doit au contraire être capable, en cas d’urgence, de déployer certaines fonctionnalités sur d’autres. Ainsi pré-pensés, les secteurs déjà équipés de la chirurgie ambulatoire pourraient être rapidement convertis en services de soins intensifs. D’autres espaces, comme les chambres d’hébergement conventionnelles, pourraient être dimensionnés et agencés de telle sorte à pouvoir facilement accueillir des soins vitaux. Et, enfin, le pré-équipement des espaces neutres tels que le hall, les attentes ou les zones de stationnement, permettrait d’augmenter provisoirement la capacité générale de l’hôpital. »
Et enfin un chiffre : « Covid-19 : 28 millions d’opérations chirurgicales reportées mondialement dans les hôpitaux ». Comme le souligne Sciences & Avenir le 21 mai : « Pour tenter de quantifier l’impact de cette initiative à l’échelle internationale, des chercheurs de l’université de Birmingham ont lancé le projet COVIDSurg, à travers lequel ils ont réussi à déterminer le nombre exact d’opérations chirurgicales annulées sur une période de 12 semaines dans tous les pays impliqués. Les résultats de cette étude menée dans 190 pays ont été publiés dans la revue British Journal of Surgery. »