L’étude Insight, pilotée par le Pr Bruno Dubois, directeur du centre des maladies cognitives et comportementales de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP) et professeur de neurologie à Sorbonne Université, montre l’existence de mécanismes de compensation chez les sujets porteurs de lésions de la maladie d’Alzheimer pour maintenir leurs performances intellectuelles et mnésiques.
L’étude Insight, pilotée par le Pr Bruno Dubois, directeur du centre des maladies cognitives et comportementales de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (AP-HP) et professeur de neurologie à Sorbonne Université, montre l’existence de mécanismes de compensation chez les sujets porteurs de lésions de la maladie d’Alzheimer pour maintenir leurs performances intellectuelles et mnésiques.
L’étude INSIGHT-preAD, pour “INveStIGation of AlzHeimer’s PredicTors in subjective memory complainers – Pre Alzheimer’s disease”, dirigée par le Pr Bruno Dubois et menée par des équipes AP-HP, Inserm, CNRS et Sorbonne Université au sein de l’Institut du cerveau et de la moelle épinière (ICM) et de l’Institut de la mémoire et de la maladie d’Alzheimer (IM2A), à l’Hôpital Pitié Salpêtrière AP-HP, en collaboration avec la cohorte Memento, vise à observer chez des sujets âgés de plus de 70 ans, bien portants et sans trouble cognitif, les facteurs de développement de la maladie d’Alzheimer.
Promue par l’Inserm, cette étude montre, à 30 mois de suivi, que la présence de lésions amyloïdes (lésions Alzheimer) n’a pas d’impact sur la cognition et le comportement des sujets qui en sont porteurs. Ses résultats, publiés le 27 février 2018 dans la revue Lancet neurology, suggèrent l’existence de mécanismes de compensation chez les sujets porteurs de ces lésions.
Des essais cliniques trop tardifs
Les médicaments actuellement en développement dans le traitement de la maladie d’Alzheimer montrent une efficacité significative sur les lésions cérébrales des patients, sans toutefois réduire de manière conjointe les symptômes. Les essais thérapeutiques seraient ainsi réalisés trop tardivement, chez des patients trop avancés dans la maladie. D’où l’idée de tester l’efficacité des traitements de façon plus précoce, c’est-à-dire au début ou avant même l’apparition des symptômes chez des patients porteurs de lésions cérébrales de la maladie d’Alzheimer. Ce qui nécessite de bien comprendre les marqueurs de la progression de la maladie à son stade pré-clinique.
L’étude INSIGHT-preAD vise à identifier ces facteurs de développement.
Elle s’appuie sur le suivi longitudinal (dans le temps) d’une cohorte active, lancée en mai 2013 à la Pitié-Salpêtrière AP-HP, de 318 patients volontaires âgés de plus de 70 ans, avec une plainte de mémoire subjective mais dont les performances cognitives et mnésiques sont normales.
Les participants ont accepté au départ que l’on détermine la présence ou non de lésions de la maladie d’Alzheimer (lésions dites « amyloïdes ») dans leur cerveau grâce à un examen d’imagerie. 28% d’entre eux étaient porteurs de lésions même s’ils n’en présentaient à ce stade aucun facteur.
A leur entrée dans l’étude INSIGHT-preAD, aucune différence n’était observée entre les sujets amyloïdes positifs et amyloïdes négatifs dans les tests cognitifs (mémoire, langage, orientation), fonctionnels et comportementaux. Aucune différence n’était observée entre les sous-groupes dans l’intensité de la plainte de mémoire, ni en neuro-imagerie structurelle (IRM) ou métabolique (PET-FDG).
L’étude INSIGHT-preAD prévoyait ensuite un suivi avec bilan neuropsychologique, électroencéphalogramme et actigraphie tous les ans, ainsi que des prélèvements sanguins (pour la recherche de biomarqueurs) et des examens de neuro-imagerie (IRM, PET-FDG et PET-amyloïde) tous les deux ans.
Les équipes ont analysé l’ensemble des données recueillies au démarrage de l’étude et à deux ans, en plus d’une évaluation clinique des sujets volontaires à 30 mois de suivi.
Elles n’ont pas noté de changement significatif entre les sujets amyloïdes positifs et ceux négatifs pour l’ensemble des marqueurs (comportementaux, cognitifs, fonctionnels) observés ainsi qu’en neuro-imagerie. En revanche, l’électroencéphalogramme montrait chez les patients porteurs de lésions une modification de l’activité électrique des régions antérieures de leur cerveau, notamment frontales, pour un maintien de leurs performances intellectuelles et mnésiques. A deux ans et demi de suivi, seuls quatre sujets ont progressé vers la maladie d’Alzheimer. A leur entrée dans l’étude, ces patients présentaient des facteurs prédictifs, comme un âge plus avancé, une concentration de lésions amyloïdes plus élevée et un volume hippocampique diminué.
Ces résultats montrent ainsi que la présence de lésions amyloïdes cérébrales ne s’accompagne pas de modifications cognitives, morphologiques, métaboliques ou fonctionnelles chez les patients porteurs de ces lésions. Ils suggèrent l’existence de mécanismes de compensation confortés par les modifications électro-encéphalographiques observées.
La progression vers la maladie d’Alzheimer de ces patients âgés en moyenne de 76 ans est donc faible, ce qui témoigne d’une réserve cognitive importante pour ce type de population. Poursuivre ce suivi est donc nécessaire pour déterminer si ce constat se vérifie toujours après une plus longue période.
L’étude INSIGHT-preAD fera l’objet d’un nouveau point d’étape en 2022.
Ces travaux bénéficient d’un soutien financier du Ministère de la Recherche (Investissement d’avenir), de la Fondation Plan-Alzheimer et du laboratoire Pfizer.
Source :
Cognitive and neuroimaging parameters and brain amyloidosis in individuals at risk of Alzheimer’s disease (INSIGHT-preAD): a longitudinal observational study
Prof Bruno Dubois MD, Stephane Epelbaum MD, Francis Nyasse, Hovagim Bakardjian PhD, Geoffroy Gagliardi, Olga Uspenskaya MD, Marion Houot PhD, Simone Lista PhD, Federica Cacciamani, Marie-Claude Potier PhD, Anne Bertrand MD, Foudil Lamari PhD, Habib Benali PhD, Jean-François Mangin PhD, Olivier Colliot PhD, Remy Genthon MD, Marie-Odile Habert MD, Prof Harald Hampel MD for the INSIGHT-preAD study group