L’insuffisance cardiaque est une maladie chronique grave qui entraîne de fréquentes réhospitalisations ; certaines pourraient être évitées par une action en amont et une éducation du patient à sa maladie. Fort de ce constat, le CHU de Caen propose aux patients concernés, souvent âgés, une éducation thérapeutique prolongée et un suivi clinique en sortie d’hospitalisation, visant à les rendre acteurs de leur maladie. Un système innovant, importé du Canada, a été mis en place sous l’impulsion du Pr Gilles Grollier.
L’éducation thérapeutique est débutée à l’hôpital avec l’établissement d’un diagnostic éducatif fixant des objectifs négociés entre les patients et les soignants (impératifs liés à la maladie, desiderata et acceptation du patient). S’en suivent des entretiens individuels et des ateliers portant sur la pathologie, sur son traitement, sur l’activité physique, sur la diététique et sur les signes d’alerte devant amener à une consultation rapide.
Avec l’accord des patients, un dispositif de télémédecine de Suivi Clinique A Domicile (SCAD) est installé chez eux pour une durée de 3 mois. Il repose sur un recueil et un envoi à distance de données au moyen d’un terminal dédié à écran tactile permettant la saisie et la lecture d’informations médicales : paramètres de suivi relatifs à l’état de santé (poids, oedème, dyspnée [essoufflement], toux, tension artérielle…), conseils et informations adaptés en matière de règles hygiéno-diététiques et de respect du traitement. L’ensemble des informations échangées est analysé par une infirmière gestionnaire au CHU de Caen.
En fonction des indications données par les patients, des messages leur sont adressés, générés automatiquement par un algorithme de suivi. Ce dernier a été élaboré par une équipe médicale du CHU de Caen (Dr Annette Belin, Dr Rémi Sabatier) et paramédicale bas-normande en collaboration avec l’équipe canadienne de NewIT Santé qui a développé le dispositif. Le terminal autorise en outre une communication directe par téléphone ou courriel entre l’infirmière, le patient et le médecin traitant. "Ce système permet une éducation thérapeutique prolongée de l’insuffisant cardiaque souvent âgé. C’est un service de surveillance offert aux médecins traitants dont l’objectif est que le patient l’appelle suffisamment tôt pour éviter une réhospitalisation" insiste le Dr Annette Belin.
"Le SCAD est proposé à tous les patients en état de recevoir une éducation thérapeutique et l’acceptant. Ils sont par ailleurs dûment avertis qu’il ne s’agit pas d’un système de surveillance d’événements urgents". Bien accepté par les patients et par le personnel paramédical et médical, l’utilisation de ce dispositif s’avère facile et accessible. Le SCAD a été développé dans plusieurs hôpitaux : CHU de Caen, Cherbourg, Flers, St Lô, Alençon, Hôpital Côte Fleurie, et Centre William Harvey La pertinence de ce type de prise en charge est évaluée par une étude randomisée, SEDIC (suivi éducatif à domicile de l’insuffisant cardiaque) dont le CHU est promoteur. Au 30 avril 2010, 495 patients insuffisants cardiaques ont ainsi été éduqués en Basse-Normandie, 112 équipés du SCAD dont 52 au CHU de Caen. Le SCAD sera dans l’avenir élargi à d’autres populations de patients.
Le SCAD est promu par l’Association régionale APRIC (Amélioration de la Prise en Charge de l’Insuffisance Cardiaque) soutenue et financée par le Conseil Régional de Basse-Normandie, l’Union Régionale des Caisses d’Assurance Maladie et l’Agence Régionale d’Hospitalisation (ARS depuis Avril 2010).
L’insuffisance cardiaque en France
En France, entre 500 000 et 1 000 000 de personnes souffrent d’insuffisance cardiaque et 120 000 nouveaux cas sont diagnostiqués tous les ans. L’insuffisance cardiaque chronique est une maladie grave touchant essentiellement des patients âgés, à l’origine de 32 000 décès par an. L’évolution de l’insuffisance cardiaque traitée est remarquable par les nombreux épisodes d’aggravation succédant à des périodes de stabilisation. Ces épisodes d’insuffisance cardiaque aiguë nécessitent le plus souvent une hospitalisation en urgence, et s’accompagnent d’une mortalité importante, d’un taux de réhospitalisation élevé et d’une altération sensible de la qualité de vie du patient. Un patient hospitalisé pour insuffisance cardiaque aiguë sera de nouveau hospitalisé dans l’année dans 43% des cas. Plus de la moitié de ces réhospitalisations pourraient être évitées par une meilleure éducation des patients à la gestion de leur maladie. C’est tout l’objectif du SCAD.