Une étude inédite menée par l’Institut Curie révèle que le COVID-19 n’est pas plus fréquent chez les patients atteints de cancer que dans la population générale. L’infection au SARS-CoV-2 n’apparaît pas non plus comme un facteur d’aggravation et ne provoque pas de surmortalité chez ces patients. Ces travaux, en cours de soumission, ont été menés sur près de 200 patients*.
Si les toutes premières observations suggéraient que les patients atteints de cancer seraient plus à risque d’une infection au SARS-CoV-2 et présenteraient un risque de surmortalité, ces nouvelles données livrent aujourd’hui un tout autre éclairage sur l’incidence, la gravité et la mortalité liées au COVID-19 chez les patients atteints de cancer.
« Très rapidement, dès le début de l’épidémie en France, nous avons mis en place au sein de l’Institut Curie, un registre qui nous a permis de surveiller en temps réel tous nos patients diagnostiqués COVID+ ou suspectés de l’être, soit au total près de 200 personnes. Notre objectif: recueillir les informations pour évaluer l’incidence du COVID-19, comprendre les conséquences de l’infection et identifier des facteurs de risque spécifiques chez nos patients», explique le Dr Paul Cottu, chef adjoint du département Oncologie médicale à l’Institut Curie et coordinateur de l’étude.
Pas de sur-risque ni de surmortalité liés au COVID-19
Entre mi-mars et début mai 2020, l’Institut Curie a donc répertorié près de 200 patients pris en charge pour des cancers de différents types et diagnostiqués COVID+. Chacun d’eux, traité en ambulatoire ou hospitalisé, a fait l’objet d’un suivi actif pendant 28 jours.
Sur l’ensemble des patients suivis, les cancers du sein représentaient le groupe le plus important (40%), suivis par les tumeurs hématologiques et des poumons (13% pour les deux). Parmi ces patients, 88% suivaient un traitement anticancéreux (chimio-, hormono-, radio-immunothérapie, thérapie ciblée ou chirurgie) et 69% d’entre eux présentaient un cancer avancé, avec métastases.
Les analyses cliniques, les données d’imagerie et les résultats des tests PCR ont révélé que l’incidence du COVID-19 chez ces patients (1,4%) était très proche de celle de la population générale. De plus, le taux de mortalité dans cette cohorte était de 19%, un taux similaire à celui de la population générale (atteignant 20 %) suggérant l’absence de surmortalité liée à l’infection au SARS-CoV-2 chez les patients atteints de cancer.
Vers une prise en charge mieux ciblée en période de COVID
L’approche globale de cette étude a permis de mettre en évidence que la gravité du COVID-19 dépend beaucoup plus de la sévérité initiale de l’infection que des caractéristiques du patient ou du cancer dont il est atteint. Il est crucial de tenir compte de ces résultats dans l’évaluation clinique initiale des patients, de poursuivre le suivi de ces patients, et d’adapter leur prise en charge.
« Les informations générées par notre étude sont très précieuses pour la prise en charge des patients, sachant que pour les deux-tiers d’entre eux, certaines chirurgies et certains traitements, ne pouvant se faire à distance ont été modifiés ou retardés. Elles ouvrent la voie à des soins plus sûrs et individualisés pour les patients atteints de cancer à l’ère COVID-19, conclut le Dr Paul Cottu. Aujourd’hui, il est urgent de relancer la dynamique de prise en charge des patients en cours de traitement ou de diagnostic pour leur cancer ».
Betty Mamane
*Référence: Characteristics and outcome of SARS-CoV-2 infection in cancer patients. Clémence Basse, Sarah Diakite, Vincent Servois, Maxime Frelaut, Aurélien Noret, Audrey Bellesoeur, Pauline Moreau, Marie-Ange Massiani, Anne-Sophie Bouyer, Perrine Vuagnat, Sandra Malak, François-Clément Bidard, Dominique Vanjak, Irène Kriegel, Alexis Burnod, Geoffroy Bilger, Toulsie Ramtohul, Gilles Dhonneur, Carole Bouleuc, Nathalie Cassoux, Xavier Paoletti, Laurence Bozec, Paul Cottu. https://medrxiv.org/cgi/content/short/2020.05.14.20101576v1