Au terme d’une enquête intitulée « Consolider l’an 1, préparer l’an 2 des GHT » à laquelle ont répondu 562 directrices, directeurs d’hôpital et élèves directeurs en stage, l’Association des Directrices et des Directeurs d’hôpital (ADH) a formulé des recommandations à l’attention du gouvernement et des autres parties prenantes (CNG, ARS, EHESP…).
Premier sujet de préoccupation, l’évolution des fonctions des Directeurs d’hôpital (DH). Si « la qualité des relations de travail entre directions d’un GHT est globalement appréciée par 42% des DH interrogés », un tiers la juge « moyenne ». En revanche, la qualité des relations entre communautés médicales est jugée moyenne, voire mauvaise par plus de 73% des DH. L’organisation en GHT sur l’intérêt du poste a eu un impact favorable pour 41% des DH, défavorable pour 27% d’entre eux et sans répercussion pour 31% d’entre eux. L’avis des DH est plus tranché concernant les conséquences sur leurs conditions de travail car presqu’un DH sur deux considère que celles-ci lui sont défavorables. L’Association relève : « La profession insiste particulièrement sur la dimension chronophage du dispositif et l’alourdissement de la charge de travail : la multiplication des instances, les temps de trajets allongés, les réunions qui s’additionnent. La complexité des procédures induite par les GHT explique également le sentiment des DH de voir leurs conditions de travail en pâtir. »
Autre enseignement majeur, 30% des personnes interrogées estiment que les GHT ont amélioré les coopérations avec les acteurs privés non lucratifs (établissements, HAD), tandis que 50% des DH ont répondu négativement. Le projet médical partagé – qui est perçu comme modérément à correctement abouti pour 60% des répondants n’a conforté la permanence des soins sur le territoire que pour 1 répondant sur 10, mais près de 4 répondants sur 10 mentionnent une amélioration en cours. Les auteurs de l’étude relèvent : « Sur les 169 DH ayant répondu que le déploiement du PMP a permis de conforter sur le territoire la permanence des soins, 24 ont précisé les facteurs de réussite, à savoir : la bonne entente entre les chefs de services, les médecins et équipe de direction, la volonté des acteurs et de la direction. »
La coopération avec la médecine de ville s’annonce elle
naissante. « Sur les 258 personnes qui ont confirmé que leur GHT a permis d’améliorer les coopérations avec la médecine de ville, seuls 20 DH ont apporté des précisions en citant principalement la télémédecine, les Plateformes territoriales d’appui, les coopérations avec les radiologues de ville, les plateformes SI Ville-Hôpital. » Tandis que les coopérations en matière de système d’information
stagnent. « Seul un quart des DH estime que le GHT a eu une influence positive sur ce point ». Bonne nouvelle : l’impact des GHT sur l’amélioration des coopérations en matière d’achat apparait, elle, plus favorable pour les deux tiers des DH. « La mise en place d’une seule direction des achats est actuellement la meilleure coopération réussie dans ce domaine. Autres coopérations mentionnées : les assurances, la pharmacie, la biologie, les achats de matériels lourds (tels que les scanners et les échographies) et l’alimentaire. »
Personnalité morale. Selon la majorité des DH interrogés, doter les GHT d’une personnalité morale « permettrait d’améliorer nettement leur fonctionnement (38 répondants). La fusion et les directions communes viennent juste après (20 répondants pour la fusion et 14 pour les directions communes). »
« L’an 2 des GHT » fait quant à lui débat. Entre laisser les acteurs locaux choisir le mode de coopération le plus adapté et fusionner les établissements publics, le cur des DH balance. La direction commune vient en troisième position. Les DH sont en revanche très nombreux à souhaiter une évolution du cadre législatif « pour davantage impliquer la médecine de ville, et intégrer le secteur médico-social et privé non lucratif. Il est mis l’accent sur la nécessité de « donner du temps aux membres de trouver un fonctionnement équilibré et aux équipes de construire une histoire commune ». Une simplification des règles et normes applicables (autorisations au niveau GHT, réduction du nombre d’instances,…), mais aussi des parcours des patients/des cadres de coopérations.
Les principaux facteurs de réussite plébiscités sont la transparence et l’information au sein du GHT, une politique nationale plus claire sur la conduite des restructurations et une meilleure gestion des carrières et des parcours DH. Réduire le nombre d’instances du GHT arrive en 4ème position.
Les 5 principaux enseignements de l’enquête
1. Un An 1 GHT encore à la croisée des chemins
– Une forte hétérogénéité des situations locales et de la perception des GHT avec des retours très contrastés sur des sujets majeurs : périmètre du GHT, impact sur les organisations médicales et supports, relations de travail.
– Des projets en cours en matière de coopérations médicales, de permanence des soins et de mutualisation des fonctions support.
– Un besoin d’apaisement : la qualité des relations de travail au sein du GHT entre les directions est jugée moyenne ou mauvaise par 58% des répondants, et à 73% entre les communautés médicales.
– Un niveau de transparence et d’information perfectible, y compris sur les flux financiers.
2. Des outils qui ne facilitent pas le déploiement de l’esprit GHT
– Un modèle de financement qui ne favorise pas la coopération territoriale.
– Un système d’information cloisonnant.
– Un mécanisme de mise à disposition limitée dans le temps qui peut être un obstacle aux projets territoriaux à long court.
3. Une demande forte de simplification
– Une charge de travail accrue au sein d’un mille-feuille institutionnel qui n’est pas soutenable dans le temps.
– La nécessité de redonner du temps au temps sans superposer à nouveau de nouvelles réformes.
4. L’évolution du métier de DH reste un sujet de préoccupation – Près d’un DH sur deux considère que les GHT ont un impact défavorable sur les conditions de travail, et seulement 11% considèrent que cet impact sera favorable.
– Un besoin réitéré d’accompagnement via la formation et le coaching dans le domaine du management territorial notamment.
– La demande d’une meilleure reconnaissance statutaire et indemnitaire des contraintes d’exercice territorial.
5. Un accueil favorable au principe d’un modèle plus intégratif
– Un rappel de l’importance de déployer des systèmes d’information communs et opérationnels.
– Un souhait d’ouvrir le GHT aux libéraux, ESPIC, au médicosocial, aux maisons de santé pluridisciplinaire.
– Une disposition semble-t-il plutôt positive vis-à-vis des fusions/directions communes et d’une reconnaissance de la personnalité morale aux GHT plus particulièrement de la part des directeurs adjoints.
Les 5 orientations à promouvoir selon l’ADH pour consolider l’An 1 et préparer l’An 2 des GHT
1. Consolider l’An 1 des GHT – Valoriser et visibiliser des expériences réussies et opérationnelles : plateforme de diffusion au niveau ministériel, retours d’expériences en région sous l’égide de l’ARS.
– Clarifier le rôle des ARS dans la structuration des filières des GHT versus celui des instances de gouvernance du GHT.
– Ne pas superposer de nouvelle réforme, accompagner et faciliter les démarches en cours.
– Assouplir la clé de répartition des établissements au budget G.
2. Faire évoluer les outils
– Prioriser l’accélération de la mise en place d’un système d’information commun au sein des GHT.
– Proposer des séminaires de codéveloppement, de coaching et des formations au management agile à destination des équipes médicales et de direction des établissements du GHT.
– Construire un modèle de financement au parcours.
3. Simplifier et assouplir
– Simplifier la gouvernance/les procédures en supprimant les instances redondantes
– Simplifier l’exercice territorial en développant des outils de télécommunication de type visioconférence.
– Simplifier les règles d’achats avec une plus grande homogénéisation entre GHT.
4. Mieux accompagner la carrière de DH et valoriser l’exercice territorial – Renforcer l’attractivité par des dispositifs plus incitatifs : prime territoriale/reconnaissance statutaire/évolution des postes.
– Proposer des formations en phase avec les nouveaux besoins d’animation territoriale.
– Accompagner « à la carte » les parcours au niveau régional et national, avec une plus forte articulation entre l’ARS et le CNG.
5. Proposer des modèles plus intégratifs mais sans solution univoque
– Préparer culturellement, managérialement et règlementairement l’ouverture des GHT à d’autres structures.
– Clarifier la stratégie nationale en matière de restructuration, de fusion et de direction commune.
Notes
1 – Cette enquête a été élaborée par un groupe de travail (Guillaume Pradalié, Céline Wasmer, Nathalie Seigneurin, Guillaume Ducolomb, Elodie Doreau) piloté par la vice-présidente chargée de la promotion du métier, Florence Arnoux.