La morgue de l’hôpital devient « Espace d’accueil mortuaire ». Plus qu’un simple changement d’appellation, cette nouvelle dénomination marque une volonté de promouvoir la notion de service : Il s’agit d’offrir aux familles en situation de deuil le meilleur accueil et le meilleur accompagnement possible.
Sous l’impulsion de Mme Ceaux, coordinatrice générale des soins et de Chantal Bertrand, cadre de soins, le service a évolué : formation du personnel, rénovation des locaux, édition de deux livrets l’un pour les famille en situation de deuil et l’autre pour les deuils dans le cadre de procédures judiciaires, élaboration d’une check liste à l’attention du personnel pour les guider dans l’accomplissement des taches administratives, nouvelle signalétique. Autant d’aménagements qui traduisent le désir de prendre en charge de manière plus humaine les familles en situation de deuil.
Il y a trente ou quarante ans, être affecté aux chambres mortuaires était une punition. La morgue, excentrée par rapport au reste de l’hôpital, symbolisait l’exil des «personnels difficiles». Avec la professionnalisation du secteur, une page est tournée. Intégré au service de médecine légale, l’espace fait partie du Pôle Santé Société. Il emploie 11 agents dont six sont aides-soignants.
«Toute la journée, on travaille avec des morts et avec les familles des morts. Dans les secteurs de soins, on travaille avec des vivants et en équipe pluridisciplinaire. Nous recevons des gens en grande détresse, relate Chantal Bertrand. A Rangueil, 70 % des défunts relèvent d’une procédure médico-légale. Ce sont toujours des morts violentes. Cela crée une atmosphère insoutenable à laquelle nous devons faire face. D’autant que nous avons des contraintes réglementaires contraires à l’accompagnement des familles endeuillées : Nous sommes souvent les premiers à devoir leur annoncer qu’ils ne peuvent pas voir leur être cher puisque le permis d’inhumer judiciaire n’a pas été délivré par les autorités compétentes. C’est difficile à faire comprendre. Il faut trouver également les mots justes pour annoncer par exemple que le corps est difficilement visible, car il est mutilé, abîmé. Même si les aides-soignants suivent une formation d’une semaine spécifique pour ce secteur, c’est avant tout une question de feeling. En fonction du regard ou de l’attitude de la personne qui est en face, le soignant adapte son accompagnement.
Côtoyer la mort au quotidien : un métier éprouvant
Assistant du médecin légiste ou en charge de l’accueil des familles, le rôle de l’aide-soignant est chargé d’émotion. Un aide-soignant reste difficilement plus de trois ans. D’emblée, il est demandé aux candidats à l’affectation d’assister à une autopsie : 90% renoncent à l’issue de cette séance.
Témoignages
Thierry, 48 ans, agent de maîtrise au sein du secteur depuis une dizaine d’années : «Quand on a tout vu et tout vécu, de la catastrophe d’AZF à l’accident d’avion militaire, on a envie de sortir de là, car les petites choses de la vie quotidienne deviennent trop dérisoires.. »
Audrey, 25 ans, agent hospitalier qualifié : « Il faut être fort, tenir, ne pas pleurer. C’est difficile quand on est face aux parents d’un jeune homme de 27 ans, l’âge de mon frère, qui s’est suicidé. Un bon équilibre entre vie privée et vie professionnelle est indispensable. »
Laurence,29 ans, aide-soignante «c’est dur de ne pas faire de transfert. Mais, entre nous on s’entraide. Et je me sens bien dans ce que je fais. De plus, nous avons la reconnaissance et les remerciements des familles. Ce n’est pas forcément le cas ailleurs. »
L’activité du service en 2007
2 646 défunts reçus et 3 539 présentations de corps. Pour chacune d’elle le personnel rencontre la famille. Mission particulièrement délicate voire insupportable quand les décès concernent des enfants
120 autopsies judiciaires
300 examens de corps
100 autopsies scientifiques enfants et adultes
L’espace d’accueil mortuaire comprend une chambre mortuaire et un lieu de culte pour la célébration des funérailles