« Juste aux corps » est l’aboutissement de la volonté du CCN – Ballet de Lorraine et du CHU de Nancy de faire se rencontrer des univers qui n’ont jamais été aussi éloignés et proches en même temps. Celui des danseurs portés par le libre mouvement. Celui des hospitaliers guidés par des gestes professionnels. Celui des malades, ponctuels ou chroniques, aux corps fragilisés.
Soutenu par la Direction Régionale des Affaires Culturelles de Lorraine, ce partenariat culturel ambitieux et inédit a lié l’établissement public de santé lorrain au centre chorégraphique national de janvier à juillet 2012, autour d’actions aussi bien collectives et ouvertes à tous, que ciblées et adaptées à des publics spécifiques. Retour sur ces rendez-vous exceptionnels qui ont fait tomber les frontières pour rapprocher le monde hospitalier et le monde artistique.
Un « happening » pour les personnels de l’hôpital
Lever de rideau en forme de coup-de-poing pour lancer officiellement à l’intérieur du CHU de Nancy le partenariat avec le Ballet de Lorraine en février 2012 : l’organisation d’impromptus dansés au sein même de l’un des selfs du personnel durant la pause déjeuner, avec une quinzaine de danseurs.
Alors que les usagers du restaurant se sont installés aux tables comme à leur habitude, certains visages se figent, ayant capté un son bizarre…qui rompt le brouhaha quotidien de leur pause repas. Du bruit ? De la musique ? Pas sûr… Les conversations professionnelles et personnelles se sont interrompues. Des silhouettes inconnues ont envahi l’espace et se sont glissées dans les allées en bouleversant les codes.
Éparpillés dans l’ensemble du self, des corps dessinent dans l’espace des arabesques, d’autres se plantent en un grand écart vertical inouï, certains font des portés majestueux pendant que d’autres étirent leurs corps sur le sol. Du jamais vu dans cet espace professionnel hospitalier. La musique s’affirme à travers de fortes percussions en même temps que les danseurs s’approprient la scène insolite. Ils montent sur les tables, jouent avec les chaises pour oser finalement inviter des personnels de l’hôpital à partager une danse improvisée. Les applaudissements éclatent à la fin des prestations. Surpris, intrigués, dérangés, enthousiasmés peut-être, mais surtout pas indifférents…
Ateliers avec les jeunes patients de Pédopsychiatrie
Apprendre à être attentif à ses émotions et à l’écoute de l’autre : ambition des ateliers organisés pour les patients du service Pédopsychiatrie hébergé à l’hôpital d’enfants du CHU de Nancy et rattaché au Centre Psychothérapique de Nancy Laxou.
Les patients volontaires – adolescents et parfois plus jeunes, accompagnés des infirmières du service, se sont retrouvés une fois par mois dans les locaux du Ballet, pour une heure d’atelier. Guidés par l’un des danseurs, les groupes formés par les patients, les soignantes et les autres danseuses et danseurs du Ballet, ont réalisé des exercices pour prendre conscience de leur respiration, évacuer les tensions et rendre leur corps à l’écoute. Puis c’est en musique qu’ils ont exploré le rapport à l’autre et le dialogue à travers le mouvement : les bras s’effleurent, les mains se serrent, les corps s’animent, courent et improvisent des chorégraphies étonnamment harmonieuses. Une expérience originale vécue avec intensité et satisfaction par tous les participants de février à juillet à raison d’une fois par mois. Convaincues des bienfaits apportés aux patients, les infirmières évoquent avec le Ballet l’idée de prolonger durablement le partenariat.
En direct sur la télé de l’hôpital d’enfants
En mars, la danse, invitée spéciale de l’émission diffusée en direct depuis le studio de Télé 8 dans l’ensemble des chambres de l’hôpital d’enfants du CHU de Nancy. Christophe, chorégraphe au Ballet de Lorraine, et les danseuses Marie-Séverine et Jennifer, ont partagé leur passion et leur métier avec les jeunes téléspectateurs. Démonstration de mouvements classiques autour de la barre de danse et improvisation contemporaine : un grand écart de style pour montrer aux gamins toute la richesse de l’art chorégraphique. Des reportages vidéo ont permis de mieux connaître la compagnie lorraine, de l’entraînement quotidien aux tournées. En contact direct par téléphone avec les enfants, l’équipe du Ballet a également participé à tous les rendez-vous de l’émission mensuelle : les jeux, le concours de grimace ou encore la recette de cuisine.
« Tous à la barre ! » à l’hôpital
Le parvis du Bâtiment des spécialités médicales Philippe Canton du CHU de Nancy a été exceptionnellement investi par le Ballet de Lorraine pour un cours de danse à la barre donné au grand public à la fin du mois de juin. Baptisé « Tous à la barre ! », le rendez-vous bien connu des Nancéiens depuis plusieurs années, s’est donc installé pour la première fois à l’hôpital. Un dispositif impressionnant avec une exigence : préserver la libre circulation des patients, visiteurs et professionnels et l’accès au bâtiment hospitalier.
Le temps s’est comme suspendu durant cet après-midi de juin lorsque les danseuses et danseurs du Ballet de Lorraine ont partagé les exercices à la barre avec un public amateur et hospitalier. Une heure zen sous le soleil où, guidée par la voix du danseur Christophe Béranger et les accords de musique, la centaine de participants a reproduit en s’appliquant, les écartés, les bras en couronne ou encore les étirés pour la partie classique. C’est dans les exercices de danse moderne que « l’art de l’être » a montré tout son pouvoir quand il a fallu partager sa force avec son voisin de barre et lui faire confiance pour trouver un équilibre.
Rencontre transgénérationnelle au jardin
Le jardin « art, mémoire et vie » de l’hôpital St Julien, espace à visée thérapeutique pour les patients atteints de la maladie d’Alzheimer, a reçu le Ballet de Lorraine en juillet pour une intervention inscrite dans le cadre des ateliers transgénérationnels portés par une idée simple : réunir la famille d\’un patient hospitalisé autour d\’une activité commune et conviviale.
Plus d’une trentaine de patients du service Soins de suite et réadaptation à orientation gériatrique, de l’Unité Cognitivo Comportementale et de l’unité Soins palliatifs, accompagnés de leur famille et des soignants, ont été littéralement « envoûtés » par les chorégraphies improvisées sur la musique de « Mozart l’Egyptien » de Hugues de Courson. Les danseuses et danseurs se sont spontanément appropriés l’espace : escalade des sculptures, jeux avec l’eau des fontaines et complicité avec la végétation. Une mise en scène des corps acrobatiques, poétiques et athlétiques contrastant avec ceux, souvent engoncés dans les fauteuils roulants, des patients. Portés par ce souffle vital et celui du vent, ils ont réalisé avec les danseurs des arabesques simples principalement axées sur les mains qui tendaient un fil invisible tissé par l’imagination et que chacun a laissé s’envoler en agitant ses doigts dans un au revoir collectif.
Une action en droite ligne du concept fondateur du jardin : réunir en un même lieu tout ce qui contribue à stimuler les mécanismes cognitifs des patients comme les sens, la mémoire, le langage et les émotions.