Le futur sera tridimensionnel et dynamique
Née naturellement de la chirurgie stéréotaxique, la neurochirurgie est la première discipline à avoir bénéficié de l’intégration progressive des techniques modernes d’imagerie (CT et IRM) et de la chirurgie assistée par ordinateur à la fin des années 80. Quinze années plus tard, on ne compte plus les domaines d’applications (chirurgie cardiaque, chirurgie maxillo-faciale, odontologie, ophtalmologie, orthopédie, radiothérapie?).
Pouvait-il en être autrement ?
Pour répondre à cette question, il suffit de se souvenir que l’homme est, par essence, tridimensionnel, et que tout acte chirurgical n’est que la réalisation, dans un espace à trois dimensions, d’un geste technique visant à mettre en correspondance deux objets 3D. (ex : positionner un instrument chirurgical à un endroit précis, positionner une prothèse selon une orientation prédéfinie).
Ce concept posé, il apparaît clairement que, si l’on dispose d’un système d’acquisition permettant d’obtenir une représentation tridimensionnelle du corps humain et d’une méthode permettant de mettre en correspondance les outils chirurgicaux avec ces données lors de l’intervention, on dispose alors d’un système de chirurgie assistée par ordinateur parfaitement fonctionnel.
Principes fondamentaux
Quelque soit l’application considérée, toute intervention repose sur trois phases successives d’acquisition, de décision et d’action selon une méthodologie définie par l’Université de Grenoble à la fin des années 80.
Acquisition
Elle a pour but de collecter toutes les informations possibles sur le patient à opérer et de les confronter aux connaissances à priori détenues par les experts médicaux pour créer un modèle numérique 3D spécifique du patient. Toutes les modalités d’imagerie médicale sont utilisables à ce stade. (CT, IRM, radiologie numérique, échographie, PET, SPECT), On recueillera également des informations fonctionnelles (doppler, ECG,) et mécaniques (modèle par éléments finis).
Décision
C’est la phase de planification de l’intervention chirurgicale, celle où l’on décide ce que sera le geste réalisé, ce que seront le type, la forme et la taille des prothèses implantées. A ce stade, la puissance des systèmes informatiques permet aujourd’hui de simuler les gestes chirurgicaux et de prendre des décisions sur la base d’une information tridimensionnelle objective et quantifiée. La décision finale est constamment contrôlée et validée par le chirurgien avant le passage à la réalisation du geste lui-même.
Action
Optimiser la réalisation d’un geste chirurgical n’a que peu d’intérêt si l’on est ensuite incapable de réaliser ce geste avec une précision identique à celle obtenue lors de la planification. Pour cela il faut tout d’abord établir le lien entre les données du patient et le patient lui-même dans la salle d’opération : c’est le recalage. Basée sur la mise en correspondance de points, de surfaces anatomiques, ou de repères fixes, cette étape influence de façon importante la précision du geste opératoire.
Lors de la réalisation du geste lui-même, le chirurgien peut être guidé par des systèmes passifs qui lui laissent toute liberté dans la réalisation de son geste. C’est la « Navigation » assistée par ordinateur, durant laquelle le chirurgien visualise, en temps réel, la position de ses instruments sur les images obtenues en pré-opératoire ou per-opératoire. Il peut ainsi se situer vis-à-vis des structures anatomiques, dont certaines ne sont même pas visibles dans le champ opératoire. La précision mais aussi la sécurité du geste s’en trouvent significativement améliorées.
D’autres systèmes dits semi-actifs fonctionnent en limitant l’espace d’évolution du chirurgien.
Ils permettent ainsi de sécuriser le geste opératoire en interdisant de sortir d’un cadre de déplacement prédéfini lors de la planification.
Probablement les plus précis, mais certainement les plus coûteux, les systèmes actifs réalisent une partie du geste chirurgical de façon autonome. C’est la « Robotique », utilisée lorsqu’une dextérité particulière est nécessaire parfois en coordination avec des systèmes de téléopération.
Chaque procédure suit un cadre théorique rigide qui permet d’assurer la sécurité et la qualité du geste réalisé. Mais ce cadre rigide laisse toujours une large place à l’innovation.
Ainsi, depuis Novembre 2001, l’équipe du professeur LEFEVRE et le LATIM testent une nouvelle méthode de traitement d’image qui permet d’obtenir un modèle 3D spécifique du patient sans aucune imagerie pre-opératoire.
Cette technique appelée « BONE MORPHING » repose sur la déformation de modèles osseux moyens qui viennent fusionner avec des nuages de points obtenus en moins de 2 minutes par le chirurgien durant l’intervention. Totalement révolutionnaire, cette technique permet aujourd’hui de poser des prothèses totales de genou avec une précision inférieure au millimètre, ceci sans le moindre examen radiographique pré-opératoire.
Grâce au partenariat qui lie la société PRAXIM (détentrice du brevet) et le LATIM, le CHU de Brest est aujourd’hui le premier centre Français à utiliser cette technologie dans le cadre d’un essai clinique randomisé de grande envergure. Si l’évaluation clinique des nouvelles technologies est indispensable avant d’en envisager la diffusion à une large échelle, notre structure participe également aux développements complets d’applications nouvelles. Universitaire dans l’âme, les membres de l’équipe n’oublient pas l’enseignement et participent à l’organisation de « Learning center » nationaux au cours desquels des chirurgiens de toute la France sont invités à venir se former à ces nouvelles techniques. Le prochain séminaire aura lieu à Brest en Juillet 2002 et sera consacré à la pose de prothèse totale de genou.
Fondée sur un concept simple qui arrive progressivement à maturité, la chirurgie assistée par ordinateur ne cesse de préoccuper les chercheurs depuis 20 ans ; il est maintenant du ressort de la communauté médicale d’en évaluer l’intérêt, d’en préciser le potentiel probablement énorme et d’en fixer les limites sur les bases d’études d’évaluations sérieuses.
(1) le Laboratoire de Traitement de l’Information Médicale ou LATIM est né de la collaboration entre l’équipe du Professeur Christian LEFEVRE et l’Ecole Nationale Supérieure des Télécommunications de Bretagne. La qualité des travaux qui y sont menés a permis à cette équipe d’obtenir en Janvier 2001 le label d’équipe INSERM.
* d’après un article d’Eric STINDEL ? AHU Orthopédie ? Informatique Médicale – pulsations -CHU de Brest