Le Dr André Chaumont et Annick Lenormand du SAMU 35 n’oublieront pas ce 22 juillet 2006. Ils ont participé à une mission de rapatriement de réfugiés du Liban à partir de Chypre. Ils témoignent…
Samedi 22 juillet 2006, aéroport de Roissy, terminal F, quinze personnes embarquent à bord d’un 747 d’Air France, destination Larnaka à Chypre. L’objet de la mission dirigée directement par le ministère des Affaires étrangères (MAE) est de ramener 475 réfugiés en provenance de Beyrouth. Trois personnels du MAE, des membres de la Croix Rouge, et deux équipes médicales, une du SAMU 92 et une du SAMU 35 (un médecin du SAMU, le Dr André Chaumont, et une infirmière anesthésiste, Annick Le Normand).
Nous savons peu de choses concernant les passagers à prendre en charge, sauf qu’il y aurait deux patients sur brancard et beaucoup d’enfants.
Temps de vol, quatre heures, qui nous permet de mettre au point notre stratégie avec le personnel de bord et les représentants du MAE, en particulier de réserver l’espace avant (classe affaires) à la médicalisation en cours de voyage, seules quatre places sont gardées pour des V I P dont nous n’avons pas l’identité.
Chypre, ciel bleu, 30 degrés, des navires de guerres en nombres au large, et sur le tarmac un gros porteur américain : mise en ambiance immédiate. L’aéroport est plein d’une foule que l’on sent stressée, prise en charge par des équipes croix rouge, pompiers, agents du MAE reconnaissables à leur polo floqué d’un drapeau bleu-blanc-rouge. En zone d’embarquement, une équipe du SAMU 81 prend en charge les pathologies courantes, ils nous dressent un premier aperçu des passagers ; deux patients en brancard : une femme enceinte de 8 mois et demi ayant des contraction toutes les 30 minutes !!, une patiente porteuse d’une thrombo- phlébite, et en fauteuil une malade diabétique, insuffisante respiratoire sous oxygène. La liste nous semble bien maigre, car elle ne correspond pas a celle élaborée par les médecins du ferry qui recensent une dizaine de patients à avoir « à l’oeil ».
Les surprises arriveront en vol ne nous faisant pas regretter notre choix du blocage de plus de 15 sièges. (en fait de peur de ne pas embarquer, ils n’avaient pas signalés leur état).
Trois heures après, redécolage de Chypre, cette fois avion plein, 475 passagers, dont 45 enfants de moins de 2 ans, 60 enfants plus grands, des français, des franco libanais, venant de Beyrouth, de Tyr, certains ayant été exfiltrés par les commandos français après avoir erré sous les bombardements de Beyrouth sud, vers la montagne, puis vers l’est.
Rapidement le personnel de bord repère les problèmes : femmes enceintes qui vont présenter des malaises dont une avec des contractions. Au total, quatre seront ramenées en zone médicalisées, mais il n’y aura pas de naissance à bord de ce vol ! D’autres problèmes se pressentent, un certain nombre d’enfants souffre de gastro-entérites (notre collègue nous avait prévenus que certains avaient bu de l’eau non potable avant leurs évacuation), conseils, prescription de médicaments en vol, un enfant de dix ans à la limite de la perfusion sera hospitalisé à son arrivée àParis. Au fil du vol, la situation se complique, crises de nerf, malaises, le coté psychologique devient plus évident, l’équipe se redistribue les rôles, Annick prend en charge les patients en brancard et l’arrière de l’appareil, le médecin du 92 et moi-même gèrons la zone médicale et l’infirmière du 92 et moi intervenons dans la cabine. Les drames se dévoilent, familles séparées, femme seule ayant perdu tous les siens dans les décombres de sa maison ; après quatre heures de présence rassurante de l’équipe médicale, le besoin de raconter un petit bout de ce qu’ils viennent de vivre apparaît. La guerre est bien là !
Samedi 22 juillet, à 19h30, le vol spécial AF 2001 se pose à Roissy, au bas de la passerelle ambulances, membres du ministère, de la PAF, secouristes, etc. attendent. Madame Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes, nous adresse ses remerciements par chef de cabinet interposé.
Il nous reste à confier nos passagers aux équipes de l’aéroport (le terminal 3 est entièrement réquisitionné), cela prendra deux heures de débarquement en douceur !
21h, fin de mission, un véhicule de gendarmerie nous ramène au T3 ; l’agitation y règne encore, secouristes, cellules CUMP ont pris le relais ! Nous croisons l’équipe suivante (SAMU 92 et SAMU 31), le sixième vol sanitaire repart dans la soirée.