La découverte majeure de l’équipe du LabPart du CHU de Tours apporte un nouvel espoir aux patients souffrant de liaisons artérielles longues -thrombose de l’aorte ou des artères iliaques et dont les veines ne peuvent être utilisées pour un pontage. A terme, ces malades pourront bénéficier d’une innovation dans le domaine des biomatériaux. Spécialisés dans la recerche sur la paroi artérielle, l’équipe du LabPart a eu l’idée de fixer sur les prothèses veineuse en polytétrafluoroéthylène ou dacron des cellules souches mésenchymateuses (CSM) indifférenciées. Ces cellules souches adultes multipotentes ont pour propriété de se différentier en plusieurs types de cellules en particulier vasculaires. Elles permettent la régénération des tissus et évitent les risques de thrombose qui pesaient jusqu’à présent sur ces prothèses synthétiques.
En trente ans et malgré de nombreuses recherches aucun progrès significatif n’a été réalisé dans le domaine des prothèses vasculaires.
Au CHRU de Tours les espoirs renaissent grâce à une découverte sur des cellules souches. Jusqu’à présent les prothèses synthétiques fonctionnaient mal. Deux matériaux sont surtout utilisés, le polytétrafluoroéthylène (plus connu sous le nom de téflon et aussi utilisé dans les vêtements Goretex) et le dacron. Ces biomatériaux ne sont pas rejetés par l’organisme, ne sont pas cancérigènes, et ont d’excellentes propriétés mécaniques. Par contre ils sont thrombogènes c’est-à-dire qu’une goutte de sang déposée sur ces matériaux va coaguler très rapidement. Une artère normale comprend trois couches de cellules. Les cellules endothéliales forment la paroi interne du vaisseau et sont directement au contact du sang. Elles ont la capacité de contrôler la coagulation du sang. Ainsi du sang stagnant sur des cellules endothéliales fonctionnelles ne coagule pas. Ces cellules endothéliales reposent sur une couche de cellules musculaires (la média).
Pourquoi les prothèses synthétiques thrombosent-elles ?
Parce qu’elles ne se recouvrent pas de cellules endothéliales lorsqu’elles sont implantées sur une artère. Dans les années 80, l’idée de cultiver des cellules endothéliales du malade puis de les fixer sur la prothèse a suscité de grands espoirs. Cependant les prothèses synthétiques, même recouvertes de ces cellules continuaient d’être thrombogènes. On s’est rendu compte que ces cellules fonctionnaient mal. Pour qu’une cellule endothéliale fonctionne correctement, il faut qu’elle repose sur une couche de cellules musculaires. Pour obtenir une belle pelouse il faut un bon sous-sol ! Dès lors il faudrait cultiver puis fixer sur les prothèses une couche de cellules musculaires puis une couche de cellules endothéliales. En dehors de quelques équipes, le concept de création in vitro d’un néo vaisseau a été abandonné compte tenu du coût secondaire à l’extrême complexité des procédés de fabrication.
La recherche sur la paroi artérielle
La volonté de cette équipe est de faire une recherche qui puisse avoir une application clinique. Pour répondre au problème du caractère thrombogène des prothèses vasculaires, les chercheurs du Labpart ont eu l’idée de recouvrir les prothèses d’une couche de cellules souches mésenchymateuses(CSM). Ces CSM ont l’avantage de se fixer facilement sur les prothèses et de se multiplier très rapidement, ce qui est important car les malades à ponter sont souvent en situation critique.
Les CSM sont des cellules souches adultes multipotentes qui peuvent se différentier en plusieurs types de cellules en particulier vasculaires et permettent la régénération des tissus. Les CSM semblent être présentes dans la plupart des organes mais la source tissulaire de référence est la moelle osseuse. Une équipe a déjà utilisé des CSM pour améliorer les prothèses vasculaires. Dans cette étude les CSM étaient d’abord différentiées in vitro en cellules musculaires et cellules endothéliales avant d’être implantées sur la prothèse, ce qui ne procure pas d’avantage par rapport à l’implantation directe de cellules musculaires et endothéliales en particulier en terme de temps. L’équipe du Labpart a fait l’hypothèse que des cellules souches mésenchymateuses indifférenciées déposées sur une prothèse vasculaire pourraient se différentier en cellules musculaires et cellules endothéliales sous l’effet des forces de cisaillements induites par le flux sanguin.
L’étude a été réalisée sur des rats. De la moelle osseuse a été prélevée et des CSM ont été isolées puis cultivées. Ces CSM ont été marquées puis déposées sur une prothèse vasculaire qui a ensuite été implantée sur l’aorte du rat. Dans le groupe témoin étaient implantées des prothèses vasculaires sans cellules. Dans le groupe CSM toutes les prothèses restaient perméables ce qui n’est pas le cas dans le groupe témoin. Après 2 semaines in vivo, les CSM qui avaient été implantées sous forme d’une monocouche se différentiaient en une couche multicellulaire de cellules musculaires lisses. Cependant les cellules musculaires obtenues avaient un profil physiologique différent dans la mesure où elles ne possédaient pas de propriétés contractiles possiblement parce que la prothèse vasculaire sous-jacente n’était elle-même pas compliante. D’autre part, apparaissait une couche complète de cellules endothéliales ce qui n’était pas le cas dans le groupe témoin.
Les marqueurs montraient cependant que ces cellules endothéliales ne provenaient pas des CSM. Les CSM ont donc permis une endothélialisation physiologique probablement à partir de progéniteurs circulants.
L’équipe du Labpart de Tours a donc montré pour la première fois sur un modèle animal que des cellules souches mésenchymateuses indifférenciées déposées sur une prothèse vasculaire ensuite implantée sur l’aorte du rat se différentiaient en cellules musculaires lisses qui avaient la capacité de se recouvrir d’une monocouche de cellules endothéliales.
Ces résultats doivent être confirmés sur d’autres modèles animaux puis chez l’homme. Dans le futur les CSM pourront empêcher la thrombose des prothèses vasculaires. Ces travaux constituent un espoir majeur après 30 ans de vaines recherches.
Le LabPart est une équipe de recherche de la Faculté de médecine de Tours. Cette jeune équipe multidisciplinaire est composée de physiologistes, chirurgiens cardiovasculaires, cardiologues, néphrologues, pharmacologues.
Les limites des traitements actuels
Le tabac, le cholestérol, le diabète, l’hypertension artérielle, le vieillissement favorisent la formation de plaques d’athérome qui vont obstruer les vaisseaux. Les lésions artérielles de courte longueur sont traitées par angioplastie par ballonnet avec le plus souvent mise en place d’un stent. Les lésions longues sont traitées par pontage.
Un matériel prothétique peut être utilisé avec des taux de perméabilité corrects sur des artères de gros calibre, ce qui est le cas lorsque l’on traite par exemple une thrombose de l’aorte ou des artères iliaques. Par contre, les résultats sont médiocres si l’on utilise ces prothèses pour réaliser des pontages sur des artères de petit diamètre. Aussi faut-il utiliser une artère ou une veine du malade pour ponter une artère coronaire ou des artères au niveau de la jambe. Les pontages coronaires sont de courte longueur et il est pratiquement toujours possible d’utiliser les artères mammaires ou un segment de veine saphène.
Les pontages entre l’artère fémorale et les artères de jambe sont des pontages de grande longueur, de l’ordre de 50 à 70 centimètres. La veine grande saphène, qui est une veine superficielle accessoire (c’est elle qui est retirée chez les malades ayant des varices) est le meilleur matériel pour réaliser ces longs pontages. Malheureusement, elle n’est pas toujours utilisable. Elle peut être de trop petit diamètre, avoir déjà été utilisée pour un pontage, ou avoir été retirée lors du traitement des varices.
C’est en particulier dans ces cas qu’il faudrait pouvoir disposer d’un matériel prothétique plus performant que ceux actuellement disponibles. C’est probablement l’un des seuls domaines de la médecine qui n’a connu, malgré une recherche intense, aucun progrès significatif depuis plus de 30 ans.
D’après un article de Mirza A, Hyvelin JM, Rochefort GY, Lermusiaux P, Antier D, Awede B, Bonnet P, Domenech J, Eder V.
Undifferentiated mesenchymal stem cells seeded on a vascular prosthesis contribute to the restoration of a physiologic vascular wall. J Vasc Surg. 2008 Mar 6; [Epub ahead of print]- PMID: 18329228 [PubMed – as supplied by publisher]