Emmanuel Macron avec 23,72% des voix, Marine Le Pen avec 21.91%: le 1er tour des élections présidentielles 2017, le 23 avril, a marqué le point d’orgue de ce mois. Les deux vainqueurs s’affronteront par la voie des urnes le 7 mai 2017. Alors que les prises de positions se dessinent dans le monde médical, les propositions des deux candidats sur la santé sont passées au crible des médias. Dans ce contexte, l’annonce des résultats financiers des CHU a trouvé, elle aussi, un large écho dans la presse.
« Cette élection est un séisme pour la droite et le centre. Le 7/5, je voterai @EmmanuelMacron sans état d’âme pour contrer le #FN #Presidentielle2017 », a twitté dimanche soir dès l’annonce des résultats, Frédéric Valletoux, président de la Fédération hospitalière de France (FHF). A l’instar de Marisol Touraine qui a appelé les Français à « voter massivement » pour le chef de file d’En Marche!.
Mobilisation dans le monde de la santé pour faire barrage au FN
Plus largement « Le monde de la santé appelle très majoritairement à faire barrage au FN », annonce le 24 avril le Quotidien du Médecin. Au regard de son enquête, les syndicats des praticiens hospitaliers (SNAM-HP, INPH, CMH…) réagissent à l’unisson de la FHF, même si aucun ne donne de consigne formelle.
Chez les managers, le SMPS a réagi par la voix de son président Jérémie Sécher en indiquant être « extrêmement attentif à ce que le futur président apporte des garanties afin que la prise en charge hospitalière soit au bénéfice de toutes les populations », rapporte le quotidien médical. Une position partagée par l’Union nationale des associations agréées du système de santé (qui regroupe 72 organismes dont le CISS) et la Mutualité française.
Du côté des praticiens libéraux, la CSMF, MG France et la FMF sont sur la même ligne, même si l’on ne donne pas explicitement de consignes de vote. L’Union française pour une médecine libre (UFML), le BLOC et le Syndicat des médecins libéraux (SML) affichent une analyse plus nuancée, « signe d’une forme de désarroi », relève le Quotidien du Médecin.
Les doyens appellent officiellement à voter Macron
Pour leur part, les doyens des facultés de médecine affirment leur détermination. Ils appellent à « dépasser les différences légitimes » et à voter « contre Marine Le Pen, pour Emmanuel Macron ». Ainsi, dans le communiqué diffusé mercredi 26 avril par leur Conférence, reviennent-ils sur leurs « valeurs essentielles: le respect de l’autre, quelles que soient ses convictions et ses origines, sans lequel il n’y a pas de médecine possible; la liberté et la raison, sans lesquelles il n’y a pas de recherche possible; le souhait de transmettre à nos enfants, à nos étudiants, un monde de paix, d’ouverture et de progrès. » Autant de valeurs, à leurs yeux, « incompatibles avec le programme et les idées du Front national ».
Emmanuel Macron vs Marine Le Pen: quid de la santé ?
En attendant le scrutin définitif, l’heure fait la part belle aux analyses et aux comparatifs des deux programmes en lice. Revue de détails de leurs points communs et de leurs différences en matière de santé relevés dans la presse.
Emmanuel Macron promet d’investir 5 milliards d’euros dans la santé, en priorité pour moderniser l’hôpital, soutenir les innovations en médecine de ville et rattraper le retard français des systèmes d’information. Mais sans en préciser le financement. Le candidat d’En Marche ! prévoit aussi une stabilisation de l’objectif national des dépenses maladies (Ondam) à 2,3% de hausse annuelle jusqu’en 2022, ce qui implique 15 milliards d’euros d’économies en cinq ans.
La candidate du Front national veut, elle, supprimer l’Aide médicale d’État (AME) réservée aux clandestins (750 millions à 1,1 milliard d’euros en 2016, selon les estimations) et instaurer pour les étrangers en situation régulière un délai de carence de deux ans avant d’être pris en charge par l’assurance maladie. Une mesure jugée par beaucoup éloignée de l’éthique médicale.
Marine Le Pen entend par ailleurs lutter contre la fraude à la sécurité sociale en fusionnant carte vitale et titre d’identité, pour créer une carte vitale biométrique. Elle s’engage aussi à faire des économies sur l’Assurance maladie afin de « pérenniser son financement ». Mais sans avancer d’objectif chiffré.
Tous les deux veulent du reste évaluer les bénéfices et les inconvénients du tiers payant généralisé, plébiscité par les patients, honni par les syndicats médicaux.
Pour soigner l’hôpital: proximité des soins et hausse des rémunérations
Emmanuel Macron veut renforcer l’autonomie des établissements en diversifiant les modes de rémunération des professionnels et les modes de financement. Il vise à réduire la place de la T2A pour favoriser des financements liés à des objectifs précis et des missions de santé publique. Le leader d’En Marche! s’engage du reste à accélérer le déploiement des GHT, à développer la chirurgie ambulatoire et à renforcer la coordination des soins entre libéraux, hôpitaux, paramédicaux.
Marine Le Pen promet de maintenir au maximum l’activité des établissements de proximité y compris zone rurale et d’augmenter les effectifs de la fonction publique hospitalière.
Assurance Maladie : Macron mise sur les remboursements à 100%, Marine Le Pen veut créer un 5e risque
Emmanuel Macron maintient ses mesures phares : prise en charge à 100% des lunettes et des prothèses auditives et dentaires d’ici 2022, prise en charge à 100% des patients atteints d’HTA sévère et suppression de la cotisation maladie (et chômage). Son projet est de financer l’Assurance maladie par la CSG.
Marine Le Pen veut « créer un bouclier social pour les indépendants » en leur proposant le choix de s’affilier au régime général ou de conserver la spécificité de leur régime après une refonte totale du RSI. Elle envisage de garantir le remboursement de l’ensemble des risques pris en charge par l’Assurance-maladie et de créer un 5e risque de la Sécurité sociale consacré à la dépendance.
Médicaments: au diapason pour favoriser les génériques et la vente à l’unité
Les candidats prévoient tous deux de développer la vente de médicaments génériques. Si l’ancien ministre de l’Economie entend simplement continuer à les valoriser, la candidate frontiste vise 5 milliards d’euros d’économies, explique La Tribune. Elle se donne pour cela la possibilité de mettre en place des licences d’office pour des médicaments dont les prix demandés par les laboratoires seraient jugés excessif. Autrement dit de fabriquer le produit breveté sans le consentement du titulaire du brevet.
Les deux candidats prônent également la démocratisation de la vente de médicaments à l’unité. Emmanuel Macron argue pour cela d’une étude de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) qui chiffre le gaspillage de médicaments annuel à 7 milliards d’euros.
Contre les déserts médicaux : unanimes pour relever le numerus clausus
Emmanuel Macron projette de relever le numerus clausus, doubler le nombre de maisons de santé pluridisciplinaires d’ici à 2022 et investir dans la télémédecine.
Marine Le Pen envisage, outre l’élévation du numerus clausus et le développement des maisons de santé, d’instaurer un stage d’internat dans les zones concernées, en permettant aux médecins retraités d’y exercer avec des déductions de charges.
PMA et GPA
Emmanuel Macron est favorable à la procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes les femmes, il a cependant tempéré son propos dans le magazine Têtu, en indiquant qu’il souhaitait attendre l’avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) sur le sujet, afin qu’il y ait un vrai débat dans la société.
Il est opposé à la gestation pour autrui (GPA) qui, selon lui « pose une question sur la dignité du corps de la femme », mais promet la reconnaissance en France des enfants nés d’une GPA à l’étranger.
Marine Le Pen entend, elle, résister « Face aux pressions d’autorités supranationales » pour maintenir l’interdiction de la GPA et réserver la PMA comme réponse médicale aux seuls problèmes de stérilité.
Santé publique: focus sur la prévention et la prise en charge du handicap
Le candidat d’En Marche! fait une priorité de la prévention. Il veut pour cela, entre autres mesures, créer un service sanitaire: 40 000 étudiants en santé consacreront 3 mois à des actions de prévention dans les écoles et les entreprises. Il envisage aussi la création de maisons du sport santé pour accompagner les personnes atteintes d’affections lourdes.
Marine Le Pen veut pour sa part réorganiser et clarifier le rôle et les obligations des agences de sécurité sanitaire et alimentaire et assurer leur indépendance. Mais son principal cheval de bataille reste le handicap. Il s’agit pour elle de revaloriser l’Allocation aux Adultes Handicapés (AAH), donner plus de moyens aux Maisons Départementales des Personnes Handicapés (MDPH), développer une prise en charge » digne » de l’autisme et des troubles du spectre autistique et d’imposer un standard d’accessibilité pour les malvoyants et les malentendants.
Emmanuel Macron propose quant à lui d’augmenter de 100 euros par mois l’Allocation Adulte Handicapé (AAH) et d' » aider les aidants » (dons de RTT, départ à la retraite anticipé).
Les promesses de l’e-santé
Marine Le Pen propose de « simplifier l’administration du système, en luttant contre la gabegie financière et en investissant dans les nouveaux outils numériques pour permettre des économies durables« .
Emmanuel Macron mise quant à lui sur la télémédecine pour faire baisser les dépenses de santé. La déployer permettrait de « s’attaquer aux frais de déplacement » grâce aux consultations à distance, avance-t-il. Il vise des économies à long terme avec un plan d’investissement de cinq milliards d’euros dans la télémédecine et l’hôpital de demain.
Le profil attendu du futur ministre de la Santé
Un médecin, futur ministre de la Santé ? Alors que l’un et l’autre candidats restent encore discrets sur la composition de leurs gouvernements respectifs, le chef de file d’En Marche a agité la buzzosphère après avoir déclaré sur France 2 son souhait de confier à un médecin son futur ministère de la Santé. Dès lors la question du potentiel successeur de Marisol Touraine interroge plus largement le milieu médical.
« Dans l’attente du scrutin final de la Présidentielle 2017, la profession infirmière attend aussi beaucoup de celui ou celle qui succèdera à Marisol Touraine », relève ainsi Bernadette Fabregas sur Infirmiers.com. Et de souligner « Si la thématique » santé » n’a pas été vraiment au cœur de la campagne présidentielle, une urgence demeure : soigner la santé c’est aussi – et avant tout – soigner les soignants. Le prochain ministre des Affaires sociales et de la Santé devra en prendre rapidement la mesure. »
Sources: Quotidien du Médecin, Le point, La Tribune, Infirmiers.com, Programme de Marine Le Pen
Le bilan financier des CHU largement entendu
Le financement et la gestion des hôpitaux s’est imposée dans l’actualité au lendemain du 1er tour des présidentielles avec la présentation du bilan annuel des CHU. Des résultats en nette amélioration sur l’années 2016 avec une réduction du déficit de plus de moitié mais au détriment des investissements souligne le communiqué de la Conférence des directeurs généraux de CHU. Une information largement relayée par la presse généraliste et spécialisée.
« Les CHU ont divisé leur déficit 2016 par deux », titre le Figaro du 24 avril mais de préciser « Ce bon résultat a été obtenu grâce à des économies et des coupes inquiétantes dans les investissements ». Ces derniers ont diminué de 123 millions pour atteindre 1587 M€. Mais dans le même temps les CHU ont réussi à stabiliser leur capacité d’autofinancement alors qu’elle diminuait depuis 4 ans. En outre, les CHU ont maîtrisé l’évolution de leur masse salariale à +1.7% malgré l’impact des mesures réglementaires qui leur étaient imposées: dégel du point d’indice, protocole PPCR, hausse du nombre d’internes et étudiants affectés en CHU.
« Nous avons fait des efforts d’organisation mais nous sommes au bout de ce qui est possible. Nous ne pouvons plus demander d’efforts aux personnels, pour qui la tension est déjà forte « , prévient ainsi Jean-Pierre Dewitte, Président de la conférence des directeurs généraux de CHU.
Le bilan financier des CHU a pour le reste été largement relayé par les médias, tant dans la presse généraliste nationale via l’AFP, Europe 1, France 24, Le Point, La Croix, régionale (Ouest France, La Dépêche…) que par la presse spécialisée (Quotidien du médecin, Le Généraliste, Décision santé, Infirmiers.com, Remede.org, What’s up Doc et les agences spécialisées (APM, Hospimedia, AEF infos…)
Betty Mamane
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