Un projet de recherche clinique international coordonné par le CHU de Tours vient d’apporter la preuve de l’efficacité du décubitus ventral chez les patients non intubés souffrant de pneumonie grave à SARS-COV2. L’expertise tourangelle a permis l’analyse statistique d’un ensemble de données à une échelle encore jamais égalée. Une publication dans la prestigieuse revue The Lancet Respiratory Medicine revient sur les résultats de ce meta-trial international.
Cela fait maintenant une dizaine d’années que le bénéfice du décubitus ventral (acte de placer sur le ventre) sur des patients intubés, souffrant de syndrome de détresse respiratoire, est établi. Avant la pandémie, l’utilisation de cette technique était en revanche pratiquement inexistante sur des malades non intubés. La pression sur les lits et les respirateurs de réanimation a, dès le début de la première vague de la crise sanitaire, imposé une reconsidération de la question. Plusieurs équipes, en particulier chinoises, rapportaient un recours au décubitus ventral mais aucune évaluation scientifique n’avait été menée pour en tester les effets à large échelle. Jusqu’à maintenant. Grâce à un projet de recherche clinique international coordonné à Tours, on a désormais la preuve de l’efficacité du décubitus ventral vigile chez les patients non intubés souffrant de pneumonie grave à SARS-COV2.
Généalogie du projet
Printemps 2020. Alors que la première vague pandémique déferle sur le monde, le Dr Yonatan Perez, chef de clinique assistant de Médecine Intensive Réanimation à la Faculté de Médecine et au CHRU de Tours, dépose avec succès un projet à l’appel d’offre inter-régional du Programme Hospitalier de Recherche Clinique (PHRC), intitulée High Prone COVID-19. Il s’agit alors d’évaluer le décubitus ventral vigile chez les patients souffrant de pneumonie grave à SARS-COV2, nécessitant une assistance respiratoire par oxygène à haut débit nasal mais non intubés. Une approche de prise en charge ventilatoire totalement originale.
« En mars 2020, comme tous les médecins français, nous voyions la vague arriver et nous nous posions les mêmes questions : comment faire pour ne pas avoir à intuber les patients gravement atteints par la COVID et ne pas voir nos services de réanimations submergés ? La technique du décubitus central vigile de patients no intubés semblait très prometteuse. Cependant, elle n’avait jamais été évaluée de façon scientifique rigoureuse. », raconte le Dr Yonatan Perez.
A cette même période, d’autres équipes initient dans le monde des essais randomisés similaires. Plutôt qu’une approche concurrentielle, c’est la mise en commun des données et des efforts qui est privilégiée. Reste à savoir comment.
Justement, il se trouve que la Dr Elsa Tavernier, statisticienne au centre d’investigation clinique du CHRU de Tours, avait développé au cours de sa thèse des méthodes de recherche clinique permettant l’analyse prospective simultanée de plusieurs essais randomisés. Ces théories statistiques dérivées des méta-analyses classiques n’avaient jusqu’ici jamais été testées grandeur nature. Une occasion à ne pas manquer !
Le méta-trial : un design d’étude internationale inédit
Autour du Pr Stephan Ehrmann, l’équipe s’est lancée dans la mise en œuvre concrète du premier méta-trial, combinant prospectivement les données issues de 6 essais menés conjointement aux Etats-Unis, au Canada, en Espagne, en Irlande, au Mexique et en France. Afin d’harmoniser les protocoles de chaque essai, le comité de pilotage de cette grande étude transnationale s’est réuni par visioconférence. Il a également convenu des principes de fonctionnement du projet collaboratif. Un plan d’analyses intermédiaires commun a été mis sur pied, prévoyant d’analyser les données agrégées tous les 200 patients. Ainsi, le méta-trial a permis, en unissant les efforts des chercheurs et cliniciens éparpillés sur les continents, de se donner les moyens de répondre à la question de l’intérêt du décubitus ventral vigile chez les patients non intubés en un minimum de temps, et avec un maximum de force sur le plan statistique.
« Moins de 16 mois se seront écoulés entre l’initiation du projet et sa publication. Au-delà des résultats positifs de l’étude avec un bénéfice prouvé pour les patients, mener à terme ce projet dans le contexte pandémique qu’on connaît aura été une formidable aventure humaine », se réjouit le Dr Yonatan Perez.
Le 20 août dernier, la revue The Lancet Respiratory Medicine est revenue sur les résultats ce méta-trial né en pleine crise et rassemblant des professionnels de 41 centre au travers le monde.