11 000 salariés et professionnels de santé du CHU interrogés dans le cadre du suivi épidémiologique d’AZF.
L’Institut de veille sanitaire mène une enquête transversale auprès de 50 000 travailleurs de l’agglomération toulousaine et des sauveteurs intervenus lors de la catastrophe. Les personnels du CHU représentent plus de 20 % des destinataires du questionnaire de suivi.
Comment mesurer un choc collectif ?
Professeur dans le service d’épidémiologie du CHU de Toulouse, conseiller scientifique à l’Institut de veille sanitaire, le Pr Thierry Lang coordonne depuis un an le suivi épidémiologique de la catastrophe : « Autant nous avons pu établir assez tôt les conséquences environnementales de la catastrophe et dresser un bilan rassurant, autant le versant médical et sanitaire doit rester l’objet d’une attention soutenue, au long cours. »
Le 9 juillet dernier, un rapport intermédiaire comportait notamment le descriptif des enquêtes en cours de lancement ou à venir. Un programme à cinq ans – dix ans pour le suivi de mortalité. « Il y a encore quelques années, une catastrophe se soldait par un bilan clairement énoncé : tant de morts, tant de blessés. AZF démontre qu’en matière de santé individuelle comme de santé publique, les niveaux d’analyse se superposent. Outre les blessés qui ont consulté dans les jours qui ont suivi le drame, l’Institut de veille sanitaire s’applique à prendre en compte les consultations tardives, par exemple pour stress lié à la catastrophe, dans la période que nous nommerons ici la post-urgence ; les conséquences qui ne donnent pas lieu à réparation : des retentissements sur la santé collective, comme une éventuelle augmentation des infarctus.
L’Institut cherche ainsi à mesurer l’impact global, hors de toute nosologie spécifique, c’est-à-dire les conséquences d’un choc collectif non repérable, non mesurable chez les victimes prises isolément. » Cette démarche permettra de tirer le maximum d’enseignements de la catastrophe. Durant cette première année, une part importante du travail de l’Institut a consisté à confronter des fichiers de victimes d’origines diverses, non homogènes, non reliés entre eux. Les enquêtes vont permettre, en revanche, de cerner des échantillonnages cohérents, dans l’optique du suivi épidémiologique.
Un programme renforcé
« Il y a au moins deux domaines que le suivi épidémiologique a mis en évidence, poursuit le Pr Lang : les troubles auditifs et la santé mentale. La DDASS a prévu un dépistage des troubles auditifs chez les adultes ; elle a pris également l’initiative d’un groupe de travail pour renforcer le suivi psychologique. »
Ces deux dimensions figurent bien entendu dans le questionnaire que vont recevoir 11 000 professionnels du CHU. « L’élaboration du questionnaire, soumis à l’autorisation de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés), a demandé pas moins de 29 versions successives, confie le Dr Éloi Diène, médecin épidémiologiste de l’Institut de veille sanitaire. Sa confidentialité sera respectée avec un soin scrupuleux. Les personnes enquêtées auront, quoi qu’il en soit, la possibilité de ne pas remplir les parties nominatives. » L’Institut fait appel toutefois à 5 000 personnes volontaires, parmi les 50 000 interrogées, pour accepter de participer à un suivi de « cohorte » sur cinq ans.
Cette évaluation est la première de cette ampleur depuis la catastrophe. Elle va permettre d’accéder à une meilleure prise en compte des conséquences sanitaires de l’explosion à court et moyen termes.
Un réseau pilote de veille sanitaire au CHU de Toulouse
Engagées bien avant la catastrophe, des discussions entre le CHU et l’Institut de veille sanitaire ont abouti, durant l’été 2002, à la signature d’une convention prévoyant l’étude d’un réseau pilote de veille sanitaire en Midi-Pyrénées.
Si AZF a retardé le lancement officiel de cette étude, la collaboration entre le CHU et l’Institut de veille sanitaire est étroite depuis un an. Les médecins du CHU ont ainsi participé à la mise au point de la méthodologie et du contenu de l’enquête lancée auprès des salariés.
Un an après l’explosion : éléments pour un bilan
• La préfecture de Région fournit les données suivantes : 30 personnes sont décédées à la suite de l’explosion. Le lendemain de la catastrophe, on recensait 2 242 personnes blessées, dont 782 hospitalisées, une trentaine dans un état grave. Deux semaines plus tard (4 octobre), 76 blessés étaient encore hospitalisés.
• Les données recueillies par le CHU (PMSI, département d’Information médicale) pour les deux journées du 21 et du 22 septembre :
– 814 patients ont été pris en charge dans les différents sites du CHU de Toulouse (compte non tenu de blessés légers arrivés à l’hôpital dans les premières minutes, qui n’ont pu être enregistrées dans le contexte d’urgence) ;
– 558 sont repartis le jour même ;
– 226 ont été hospitalisés au moins une nuit : 33 % sont sortis le lendemain, 30 % après 7 nuits ou plus.
Fréquence des pathologies prises en charge chez les 558 patients repartis le jour même
Traumatismes de la tête :44,2 %
Troubles mentaux et du comportement:12,2 %
Traumatismes du membre supérieur (sauf poignet et main):10,1 %
Traumatismes du poignet et/ou main : 9,3 %
Traumatismes du thorax, abdomen, lombes, bassin : 7,2 %
Traumatismes du membre inférieur (sauf cheville et pied): 7,0 %
Traumatismes du cou : 5,1 %
Traumatismes de la cheville et/ou pied : 4,9 %
Principales pathologies prises en charge pour les 226 patients hospitalisés au moins une nuit
Traumatismes de la peau et des tissus sous-cutanés : 22 %
Traumatismes du système nerveux : 21 %
Traumatismes de l’appareil musculo-squelettique et du tissu conjonctif :20 %
Autres pathologies :12 %
Traumatismes de l’oeil 10 %
Maladies et troubles mentaux : 7 %
Traumatismes multiples graves : 6 %
Traumatismes des oreilles, du nez, de la gorge, de la bouche et des dents : 2 %
Dans nombre de cas, des traumatismes (oculaires, ORL et psychiques notamment) n’ont pas revêtu d’emblée un caractère d’urgence et ont été traités dans les jours suivants.