Les équipes médicales et scientifiques ont besoin d’échantillons génétiques de qualité pour poser le diagnostic des maladies et poursuivre la recherche de traitements. La banque de génomes du CHU de Nancy joue un rôle clé dans le dispositif : les 3 000 extractions d’ADN réalisées chaque année servent principalement aux équipes nancéiennes pour diagnostiquer (mucoviscidose, dystrophies musculaires, hémochromatose, prédisposition aux cancers colorectal et du sein, etc. ) ou pour mener des recherches (notamment sur les syndromes d’Aicardi et de Rett, maladies génétiques neurologiques touchant spécialement les filles) pour lesquels l’établissement est centre de référence. L’autre partie des ADN extraits est conservée ou envoyée à des laboratoires extérieurs français ou étrangers : des demandes systématiquement soumises à l’aval du médecin et de son patient. Visite guidée.
Le génome est l’ensemble du matériel génétique d’un individu codé dans son ADN. « Au CHU de Nancy, l’identification des caractéristiques génétiques est exclusivement destinée à des fins médicales et à la recherche thérapeutique », prévient le Pr Jonveaux, responsable du laboratoire de Génétique dont fait partie la banque de génomes. Cette activité est parfaitement encadrée : déclarations officielles, traçabilité, démarche qualité. « L’information du patient est la plus complète et adaptée possible. La signature d’un formulaire de consentement autorisant la conservation de son ADN est obligatoire en précisant les raisons de cette conservation et donc la finalité médicale», précise-t-il.
Prise de sang « classique » ou biopsie de peau : faits par les soignants qui suivent le patient, les prélèvements sont envoyés au laboratoire de Génétique du CHU et transmis à la banque de génomes. « Nos deux activités principales sont la culture cellulaire et l’extraction d’ADN » décrit Florence Rousselet, l’Ingénieure responsable de la banque. La culture cellulaire (technique qui fait croître les cellules hors de l’organisme) sert essentiellement à la conservation de matériel en vue d’études ultérieures. « Deux types de cellules sont cultivées : les lymphocytes B et les cellules fibroblastiques situées dans la peau. Ces dernières sont destinées au diagnostic des maladies métaboliques ne pouvant pas être effectué à partir d’un prélèvement sanguin. »
Tout est conçu pour préserver les prélèvements d’éventuelles contaminations dans la salle de culture : pression différentielle, gants et vitres de protection. C’est ici que les cellules lymphocytaires sont « immortalisées », c’est-à-dire exposées à un virus pour leur faire acquérir la capacité de se multiplier à l’infini, à l’instar des cellules cancéreuses. Les échantillons ainsi obtenus ont une viabilité étendue et offrent davantage de temps aux manipulateurs. « Le caractère « immortel » des cellules lymphoblastiques est toutefois à relativiser car il peut s’altérer au fur et à mesure des décongélations », nuance Florence Rousselet. Pour éviter un choc thermique, les cellules sont d’abord congelées à – 80°C avant d’être plongées dans l’une des cuves d’azote liquide à – 180°C. Gants, blouse et masque sont indispensables pour se protéger des projections. L’ensemble des conservateurs et des étuves est relié au système d’alarme du PC Sécurité de l’hôpital qui nous avertit de toute baisse de température. La décongélation avant toute utilisation doit être rapide : 5 minutes dans un bain-marie à 37°C.
Afin de mener des recherches approfondies à partir de l’ADN, il faut dans un premier temps l’isoler des autres composants de la cellule. « L’extraction effectuée par un automate dure 1 heure : élimination des globules rouges puis des globules blancs, fixation de l’ADN grâce à des billes magnétiques attirées elles-mêmes par l’aimant de l’automate et rinçage », décrit l’ingénieure. Des prélèvements à titre réservataire peuvent également être pratiqués et conservés lorsqu’un nourrisson atteint d’une maladie rare décède : « Réalisées à la demande du médecin, les études menées par la suite sur le prélèvement d’ADN, peuvent permettre de préciser le diagnostic de maladie génétique et donc d’évaluer le risque de récurrence de cette maladie au sein de la famille. » explique le Pr Jonveaux.
Des questions fondamentales se posent avec acuité pour l’avenir de l’unité : nécessité d’étendre la surface des locaux de stockage et d’investir dans de nouveaux conservateurs, ou de faire appel à de nouvelles techniques de conservation comme la lyophilisation, et évolution de la réglementation sur la durée de conservation, qui est jusqu’à présent illimitée dans le temps.
L’installation de la banque de génomes sur le site de Brabois du CHU de Nancy a été en grande partie financée par l’Association Française des Myopathies et donc le Téléthon. « Une fois par an, nous organisons des portes ouvertes pour les donateurs de l’AFM, rappelle le Pr Philippe Jonveaux, un moyen très apprécié pour donner un aperçu concret de l’utilisation des dons envoyés à l’association. »