12 malades ont reçu un implant innovant, un greffon aortique conçu à partir d’une matrice biologique, un morceau de tissu aortique prélevé sur un donneur, pour remplacer les voies aériennes, trachées et bronches, entre 2009 et 2017. Les patients greffés souffraient de lésions, en majorité cancéreuses, très évoluées et complexes de l’arbre respiratoire. Certains patients, pour lesquels aucun traitement n’existait, sont considérés aujourd’hui comme étant guéris et la solution de remplacement est devenue totalement biologique. Cette avancée majeure dans le domaine de la greffe d’organes artificiels, tous organes confondus, est le résultat d’une dizaine d’années de recherche du Pr Emmanuel Martinod, chef du service de chirurgie thoracique et vasculaire à l’hôpital universitaire Avicenne (Bobigny) et de son équipe. Elle a fait l’objet d’une publication dans la revue JAMA du 20 mai 2018 et d’une présentation en avant-première au congrès international de l’American Thoracic Society à San Diego. C’est la 126e première mondiale des CHU de France !
Le remplacement possible de l’appareil trachéo-bronchique par une matrice aortique rigidifiée par un stent a fait l’objet d’une étude prospective par le Pr Emmanuel Martinod, chef du service de chirurgie thoracique et vasculaire de l’hôpital universitaire Avicenne AP-HP et professeur à l’UFR de Santé Médecine Biologie Humaine (SMBH) de l’Université Paris 13, et le Pr Eric Vicaut, chef de l’unité de recherche clinique de l’hôpital Lariboisière AP-HP et professeur à l’université Paris Diderot.
Le protocole prévoyait deux grandes étapes
1°) l’ablation de la lésion par des méthodes chirurgicales habituelles ;
2°) la reconstruction des voies respiratoires à partir d’une allogreffe aortique cryopréservée. Un stent sur mesure a été inséré dans le greffon et aucune immuno-suppression n’a été utilisée.
Le greffon se compose de tissu aortique prélevé dans le cadre des prélèvements multi-organes réglementés par l’Agence de la Biomédecine.
Ces interventions ont pu être réalisées à l’issue de dix années de recherche dans le laboratoire de recherches bio-chirurgicales (Université Paris-Descartes/Fondation Alain Carpentier) et grâce à la collaboration de plusieurs services des Hôpitaux Universitaires Paris Seine Saint-Denis, de l’AP-HP ainsi que des équipes françaises.
Vingt patients (treize hommes et sept femmes âgés de 24 à 79 ans) ont été inclus dans cette série prospective en chirurgie. Pour sept d’entre eux, il a finalement été décidé durant l’intervention de suivre le traitement conventionnel (sans implantation de l’organe artificiel).
L’intervention a permis d’éviter l’ablation complète du poumon pour ceux qui souffraient de lésions bronchiques évoluées. La greffe trachéo-bronchique est en effet indiquée chez des patients étant en impasse thérapeutique ou souffrant de lésions tumorales proximales broncho-pulmonaires.
Cinq patients ont bénéficié d’une transplantation trachéale, un de la carène, sept des bronches souches et sept d’un traitement conventionnel. La mortalité à 90 jours a été de 5 %. Il n’y a eu aucune complication grave liée au greffon ou au stent. Ce dernier a pu être enlevé chez la majorité des malades en moyenne à 18,2 mois. Avec un suivi maximal de sept ans et un mois, la grande majorité des patients respire aujourd’hui à l’aide du greffon qui s’est transformé. Les résultats sont donc encourageants pour la majorité d’entre eux.
Le greffon, rigidifié par un stent, a permis la régénération du cartilage
L’organe artificiel est progressivement devenu, après implantation, une structure fonctionnelle proche de la trachée et des bronches. L’épithélium (couche cellulaire superficielle) s’est complètement reconstitué à partir de la trachée adjacente. De nouveaux cartilages se sont formés au niveau de la trachée, ce qui permet le maintien de la fonction des voies aériennes après ablation du stent. Des cellules de la matrice aortique, mais surtout des cellules souches des patients, ont donc permis la reconstruction d’un véritable organe artificiel très proche de celui d’origine.
reconstruction d’un véritable organe artificiel très proche de celui d’origine @APHP
A : voies aériennes natives (trachée, carène, bronches)
B : allogreffe aortique cryopréservée (matrice biologique)
C : stent
D : sutures
E : cartilages nouvellement formés permettant l’ablation du stent
Ces résultats représentent un progrès déterminant dans le domaine de la greffe d’organes artificiels. D’autres travaux permettront de mieux comprendre les mécanismes impliqués et de proposer ce type de traitement à de plus en plus de malades.
Pour en savoir plus visionner l’nterview du Pr Martinod, chef du service de chirurgie thoracique et vasculaire de l’hôpital universitaire Avicenne – AP-HP
Marie-Georges Fayn