« Nous observons qu’il y a une récupération correcte des fonctions reproductives, et surtout, nous en arrivons à la conclusion qu’il faut attendre un an avant de tenter de faire un enfant », a conclu le Pr. Louis Bujan* du CHU de Toulouse après une étude nationale qui a duré plus de 4 ans.
Les résultats montrent également que «le principal risque d’une tentative de procréation trop précoce est une transmission d’anomalies du génome provoquées par le traitement adjuvant, malgré un retour de la fertilité. » met en garde l’expert. Telles sont les conclusions de l’étude GAMATOX qui a rassemblé 129 patients volontaires atteints d’une tumeur des cellules germinales et un groupe de 257 hommes fertiles.
Pour cette étude les CECOS de Caen, Clermont-Ferrand, Grenoble, Marseille, Paris Cochin, Paris Tenon, Rouen et Toulouse ont collecté des échantillons chez des hommes atteints d’un cancer du testicule avant tout traitement puis ensuite à 3, 6, 12, 24 mois de la fin du traitement. Une radiothérapie a été pratiquée chez 67 des patients atteints d’un séminome pur, et le reste du groupe a été traité par chimiothérapie de type BEP : bléomycine, étoposide et cisplatine. Les patients suivant une chimiothérapie ont été classés en deux groupes en fonction du nombre de cycles (≤ 2, >2).
Avant tout traitement, les patients atteints d’un cancer du testicule avaient un volume d’éjaculat, une concentration en spermatozoïdes, une vitalité et une motilité plus faibles que les hommes témoins. Trois mois après la fin du traitement, la qualité du sperme avait baissé dans tous les groupes.
La qualité moyenne du sperme collecté par les CECOS était progressivement restaurée, jusqu’à atteindre une qualité statistiquement proche de la normale au bout de 12 mois après la fin d’une chimiothérapie de deux cycles ou moins, et de 24 mois dans les autres groupes. Les auteurs ont calculé qu’à terme, 92% des patients suivant 2 cycles de BEP ou moins retrouvent une qualité normale de sperme, contre 63% dans le groupe suivant plus de 2 cycles et 86% dans le groupe sous radiothérapie. Le type de tumeur n’avait en revanche pas d’impact sur le rétablissement de la qualité du sperme. Une fois ajusté pour l’âge, les antécédents de cryptorchidie ou le tabagisme, seul le type de traitement adjuvant avait un effet statistiquement significatif sur la probabilité d’un retour à la normale.
Les chercheurs se sont aussi intéressés aux éventuels dommages de la chromatine et aux cassures de l’ADN du spermatozoïde. Ils ont noté une grande proportion de défauts la première année après la fin du traitement, et plus particulièrement dans le groupe traité par radiothérapie six mois après la fin du traitement.
Les résultats publiés sont les premiers d’un programme hospitalier de recherche clinique national (PHRC) GAMATOX, coordonné par l’équipe toulousaine et impliquant huit CECOS du réseau de la Fédération Française des CECOS (Caen, Clermont-Ferrand, Grenoble, Marseille, Paris Cochin, Paris Tenon, Rouen et Toulouse). Antérieurement, d’autres travaux avaient été rapportés mais le plus souvent sur un petit nombre de patients et de façon rétrospective ce qui en limitait les conclusions. GAMATOX est la première étude prospective comportant un nombre important de sujets.
Ces conclusions seront complétés par les résultats concernant les anomalies des chromosomes du spermatozoïde après traitement qui vont être publiés prochainement.
« Cette étude qu’il convient de poursuivre souligne l’importance de la préservation de la fertilité et du suivi après les traitements tout en apportant des informations pertinentes afin de conseiller les patients souhaitant avoir des enfants », concluent les auteurs. Une recherche qui s’intègre totalement dans les objectifs du Plan Cancer III.
* Professeur Louis Bujan – praticien hospitalier au CHU de Toulouse, directeur du groupe de Recherche en Fertilité Humaine (Toulouse III) et président de la Fédération Française des Centre d’Étude et de Conservation des OEufs et du Sperme humain (CECOS) –