Le 16 avril 2002, le Pr Cribier, cardiologue au CHU de Rouen, signait une première mondiale : l’implantation d’une valve aortique par voie percutanée. Ce jour là, il a sauvé d’une mort certaine un patient de 57 ans, atteint de valvulopathie, trop fragile pour supporter une opération traditionnelle. 10 ans plus tard, 50 000 personnes dans le monde ont bénéficié de cette avancée thérapeutique. Histoire d’une innovation qui a vu le jour grâce à la détermination d’un scientifique rouennais de génie, le Pr Alain Cribier…
Dès 1985, le Pr Alain Cribier a concentré tous ses efforts sur le rétrécissement aortique causé par les dépôts calcaires. Il a cherché une alternative à la technique chirurgicale traditionnelle qui implique l’ouverture du thorax au niveau du sternum et une circulation extracorporelle puisque le cœur doit être arrêté ; une opération beaucoup trop lourde pour des patients âgés ou souffrant de maladies associées. En 1985, le Pr Cribier réalisait la 1ère dilation valvulaire aortique mondiale pour ballonnet. Cette technique, rapidement appliquée à travers le monde, connaîssait malheureusement un taux de récidive élevé, 80% à un an. Pour le Pr Alain Cribier et son équipe, une solution s’est imposée : compléter la dilatation par la mise en place d’une valve artificielle par cathétérisme cardiaque à l’aide d’un stent valvulé. Ainsi est né le concept de "stent intra-valvulaire aortique. En 1993 une évaluation en post-mortem sur des patients décédés de rétrécissement aortique l’aide à caractériser le nouveau dispositif. "L’implantation d’un stent permettait de maintenir la valve malade ouverte de façon satisfaisante. Il fallait que ce stent ait des dimensions qui permettent, une fois en place, de ne pas obstruer les artères coronaires situées juste au-dessus de la valve aortique, ni de léser la valve mitrale, qui se situe juste en-dessous" explique le Pr Cribier.
Restait ensuite à mettre au point une valve artificielle à l’intérieur du stent pour assurer la fonction valvulaire… Les réticences étaient nombreuses et il fallut 5 ans pour recueillir les financements nécessaires via une start up créée aux USA (Percutaneous Valve Technologies, PVT). Encore 5 autres années pour que les premiers prototypes de valve voient le jour en 2000. La valve était composé de péricarde bovin suturé à l’intérieur d’un stent en acier expansible au moyen d’un ballonnet gonflable. Suivent les premiers tests en laboratoire. Plus de 100 implantations valvulaires ont été ensuite réalisées chez l’animal (mouton) par l’équipe du Pr Cribier à l’Institut Monsouris et la première implantation chez l’homme effectuée sous anesthésie locale en passant par la veine fémorale au pli de l’aine, s’est déroulée au CHU-Hôpitaux de Rouen, le 16 Avril 2002".
Depuis de nouvelles voies ont été explorées "En passant la valve par l’artère fémorale, au pli de l’aine plutôt que par la veine fémorale, notre technique est devenue à la portée de toutes les équipes", précise le Pr Cribier. En 2005, la voie transapicale a été tentée. La bioprothèse est introduite par la pointe du coeur au prix d’une petite ouverture du thorax puis la voie trans-aortique a été tentée, une intervention qui ne requiert qu’une petite ouverture du sternum.
À l’heure actuelle, ces deux techniques d’implantation permettent de répondre à toutes les situations.
La technique continue à être perfectionnées. Actuellement, les innovations viennent des nouveaux modèles de valve et de l’ouverture du protocole à des patients plus jeunes et moins sévèrement malades.
En 2007 : la consécration
En 2007, une grande étude (Etude PARTNER) a été mise en place aux USA sous l’égide de la FDA comportant une randomisation des patients à haut risque et une évaluation comparative à un an des résultats avec la chirurgie cardiaque habituelle ou avec le traitement médical pour les sujets absolument inopérables. Plus de 1 200 patients ont été inclus dans 23 centres et des résultats très favorables ont été récemment publiés. La FDA a donné le mois dernier un avis favorable pour la commercialisation aux Etats Unis pour les patients non opérables (40% de vies sauvées à 1 an), ce qui va conduire à l’ouverture de 400 centres dans ce pays pour les implantations.
Et demain : la transmission de ce savoir et des gestes dans un Medical Training Center
Dans sa dynamique d’innovation, le CHU-Hôpitaux de Rouen prévoie la réalisation en 2014 du Medical Training Center sur le pôle d’activités Rouen Innovation Santé. Ce centre d’entraînement et de simulation aux techniques biomédicales de haut niveau renforcera la transmission des savoir-faire et le transfert des technologies, ouvrant une voie de développement de l’innovation, en amont et en aval de la recherche. La nouvelle plate-forme ressource sera accessible aux autres équipes et partenaires. Le Professeur Cribier est le coordonnateur médical de ce projet multidisciplinaire
La valvulopathie par rétrécissement aortique fibreux et calcifié
Normalement, cette membrane, fine comme du papier à cigarette, se ferme et s’ouvre pour offrir un large orifice (± 4 cm²). Dans le rétrécissement aortique, elle ne peut s’ouvrir complètement en raison de son épaisseur et des dépôts calcaires, limite sévèrement l’ouverture et l’orifice aortique (< 1 cm²), entravant le passage du sang vers l’aorte. Les premiers signaux d’alerte sont un essoufflement à l’effort, des douleurs d’angine de poitrine, des vertiges ou des syncopes. Mais la valvulopathie peut entraîner la mort subite.
Le rétrécissement aortique calcifié est la valvulopathie la plus fréquente dans les pays développés. Environ 6% des sujet de plus de 65 ans en sont atteints et sa prévalence augmente très vite avec l’âge. La mortalité est redoutable dès l’apparition des symptômes, atteignant environ 80% à deux ans, ceci justifiant l’indication du remplacement valvulaire chirurgical au moindre signe d’intolérance (dyspnée, syncope, angine de poitrine).
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