Les équipes de recherche du CHU de Nancy se sont étoffées de nouveaux acteurs : des chercheurs INSERM et CNRS recrutés dans le cadre de contrats locaux d’interface depuis juin 2012. Une initiative originale de l’établissement lorrain, qui élargit sa politique de recherche engagée avec l’Université de Lorraine (55 000 étudiants) et les collectivités territoriales (Région, département, Grand Nancy…). Tous sont aussi partenaires pour porter et organiser une spécificité lorraine en matière de recherche : le vieillissement pathologique des organes et des tissus. Ce partenariat comprendra pour leCHU, l’ouverture d’un « Hôtel à projets » qui accueillera de nouveaux chercheurs et de nouvelles équipes de recherche dans un lieu unique et pour l’Université, la structuration des liens forts avec des cursus en sciences expérimentales et en sciences humaines, avec l’objectif à terme de création d’entreprises et l’emploi pour la région. Explications du Pr Pierre-Yves Marie, chef du pôle des Structures de Soutien à la Recherche du CHU de Nancy.
La Lorraine va se centrer sur le vieillissement que l’on qualifie de pathologique car anormalement rapide, celui qui commence quasiment dès la naissance et qui porte en lui les germes des maladies se déclarant plus tard, généralement à partir de 65 ou 70 ans. Il s’agit de mettre en lumière ses mécanismes et d’œuvrer pour améliorer à terme les conditions de vie. « La prévention du vieillissement pathologique, c’est assez nouveau » commente le Pr Marie, « il faut bien le différencier du vieillissement normal car le but de notre programme n’est bien évidement pas de découvrir des élixirs de jouvence… Les études épidémiologiques et de santé publique montrent que la plupart des maladies d’origine cardiovasculaire, ostéoarticulaire, neurologique ou même certains cancers, apparaissent tardivement parce que des facteurs ont favorisé cette émergence : prédispositions génétiques, mais aussi conditions de vie, habitudes alimentaires et environnement. Etre malade à 70 ans, c’est le plus souvent la conséquence de processus pathologiques qui ont débuté beaucoup plus tôt et de manière tout à fait silencieuse. L’idée, c’est donc d’appliquer l’adage : mieux vaut prévenir que guérir ! »
Le site hospitalo-universitaire de Nancy dispose à la fois de laboratoires de recherche expérimentale et d’unités de recherche clinique qui travaillent déjà sur ces questions de prévention, en particulier dans les domaines cardio-vasculaire (insuffisance cardiaque, hypertension) et ostéoarticulaire (arthrose), les maladies environnementales ou nutritionnelles comme le diabète, mais aussi en cancérologie ou en neurologie. Ce sont les points forts de l’établissement, 10e au classement Sigaps des CHU français. Un groupe de travail s’est organisé, composé de 8 médecins chercheurs et du directeur de la recherche du CHU, emmené par le Pr Patrick Netter, directeur scientifique du département Sciences Du Vivant du CNRS. « Le but est de favoriser les synergies et les interactions fortes entre l’établissement public hospitalier, les organismes publics de recherche (CNRS, INSERM, INRIA…), l’Université et les collectivités territoriales. » explique Pierre-Yves Marie. « Nous avons déjà une grande richesse en chercheurs et en médecins travaillant dans le domaine du vieillissement pathologique ou dans des domaines frontières. L’objectif est de rassembler et d’organiser ces forces vives et les moyens disponibles pour aboutir à des progrès concrets dans la compréhension et dans la prévention du vieillissement pathologique, avec des conséquences bénéfiques sur la santé de la population. »
Concrètement, il s’agit aussi pour le CHU d’être capable d’attirer et de retenir en Lorraine des chercheurs qui travaillent dans le domaine de la biologie-santé ou dans des domaines très proches qui peuvent être utiles comme les mathématiques, l’informatique, la chimie, sans oublier certaines sciences humaines et sociales comme la psychologie. C’est l’objectif des 12 contrats d’interface, dont 6 sont directement à la charge du CHU de Nancy et en place depuis juin 2012, une première évaluation étant prévue à la fin des 12 premiers mois. Ce sont des chercheurs seniors de grande renommée qui bénéficient de ces contrats, et si nécessaire, ils peuvent être épaulés par des chercheurs post doctorants à temps plein. Ces derniers sont engagés pour un an par l’Université de Lorraine avec des fonds provenant essentiellement des collectivités territoriales.
Dans les projets de recherche, l’accent est mis sur la valorisation économique avec les dépôts de brevets et, en toile de fond, la création d’entreprises et donc d’emplois sur la région. « Certes, la recherche représente un investissement pour le CHU, mais c’est aussi une source de retombées multiples pour l’ensemble des partenaires qui s’y investissent » développe le Pr Pierre-Yves Marie, « les publications obtenues grâce à ces chercheurs vont rapporter des fonds au CHU, mais aussi favoriser les dépôts de brevets et, nous l’espérons aussi, les créations d’entreprises. »
Et les patients dans tout ça ? Des études comparatives ont démontré que globalement, les patients ont des meilleurs indices de soins dans les services qui font aussi beaucoup de recherche et que les patients inclus dans des études ont très souvent une meilleure espérance de vie, même lorsqu’ils ne bénéficient que de traitements conventionnels. Explication : des études de recherche menées chez des patients, obligent à mettre en place des procédures d’évaluation et de contrôle de qualité qui sont permanentes et au-dessus de ce qui se fait pour des soins conventionnels. Investir dans la recherche, c’est donc aussi accroître la qualité de soins, et celle de la formation du personnel médical ou paramédical car on enseigne bien ce qu’on connaît bien.
Cependant, la thématique du vieillissement des organes et des tissus est large et il ne suffit pas de multiplier les chercheurs et les travaux de recherche dans ces domaines pour faire de la bonne recherche. Le CHU de Nancy en est convaincu : rien ne peut se faire seul et tout doit être pensé, travaillé et organisé avec l’Université de Lorraine et en concertation avec les collectivités territoriales pour lesquelles le projet se doit d’avoir un impact économique et sociétal. « Si nous voulons peser vraiment et si nous voulons que la Lorraine devienne une réelle référence en matière de recherche et d’innovation sur cette thématique, c’est bien sûr possible, mais il faudra alors consentir à des investissements supplémentaires en terme de personnels, d’appareils de recherche et de consommables. Surtout, il faudra aussi progresser en matière de coordination et d’efficience » détaille le Pr Marie. « Ce n’est pas uniquement de plus de moyens dont nous avons besoin, mais surtout de moyens mieux organisés et mieux coordonnés entre l’Université, le CHU et les collectivités territoriales. »
D’ores et déjà, des projets de création d’entreprises sont dans les cartons des partenaires régionaux, plus ou moins directement portés par cet axe de recherche sur le vieillissement des organes et des tissus : l’un sur des techniques originales d’analyse combinée des gènes et de leurs expressions, au service des laboratoires de recherche et des industriels ; l’autre sur de nouveaux médicaments « modulateurs » de l’inflammation car elle joue un rôle capital dans les maladies du vieillissement ; un suivant sur la télésurveillance des patients insuffisant cardiaques, un quatrième sur un laboratoire évaluant le risque des nouvelles prothèses lorsque les patients ont un examen d’IRM et enfin, un dernier projet sur les examens d’imagerie moléculaire utilisant la tomographie par émission de positons au carbone 11.
L’enjeu est de taille dans une région comme la Lorraine que la crise actuelle n’épargne pas, où le CHU de Nancy devient, au fil du temps et des restructurations diverses, le plus gros pourvoyeur d’emplois, et où la population est plus vieillissante que la moyenne nationale. Pour que le défi soit relevé, il faut que des pages soient définitivement tournées et que de nouvelles s’écrivent ensemble : tel est le défi relevé par l’innovation nancéenne !