CSAPA : combattre la dépendance sans tabou !

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Créée en 1982, l’Unité fonctionnelle d’accueil et de traitement des toxicomanies (UFATT) était à l’origine une association. Lorsqu’elle a été reprise par le CHU en 1994, le Pr Henri Lambert, alors chef du service des urgences, décide de renforcer la prise en charge des toxicomanes : des patients trop souvent stigmatisés. En 2011, le CHU de Nancy rassemble le CCAA (Centre de Cure Ambulatoire en Alcoologie) et l’UFATT pour fonder le CSAPA (Centre de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie), une structure visant à soigner autant l’alcoologie que la toxicomanie, et dont le chef de service est le Pr Raymund Schwan. Immersion dans ce service de soins où se reconstruisent des parcours de vie.

Créée en 1982, l’Unité fonctionnelle d’accueil et de traitement des toxicomanies (UFATT) était à l’origine une association. Lorsqu’elle a été reprise par le CHU en 1994, le Pr Henri Lambert, alors chef du service des urgences, décide de renforcer la prise en charge des toxicomanes : des patients trop souvent stigmatisés. En 2011, le CHU de Nancy rassemble le CCAA (Centre de Cure Ambulatoire en Alcoologie) et l’UFATT pour fonder le CSAPA (Centre de Soins, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie), une structure visant à soigner autant l’alcoologie que la toxicomanie, et dont le chef de service est le Pr Raymund Schwan.
Aujourd’hui encore, le regard porté sur les personnes dépendantes de la drogue n’a pas beaucoup évolué, en témoigne la difficulté pour les familles de se mobiliser pour créer des associations de patients. C’est dans ce contexte que l’équipe du CSAPA du CHU de Nancy porte ses missions d’une prise en charge de qualité de ces patients en souffrance. Immersion dans ce service de soins où se reconstruisent des parcours de vie.
En grec, « toxicomanie » signifie « la folie du poison ». Une définition qui résume bien l’enfer de cette pathologie souvent taboue, que le grand public stigmatise volontiers à travers une condamnation unanime de la toxicomanie dans ses diverses expressions. Dans une société qui porte haut la maîtrise de soi-même, être toxicomane relève d’une faiblesse et d’une vulnérabilité dérangeante. Le Dr Vincent Laprévote, psychiatre au CSAPA du CHU de Nancy, explique : « Aujourd’hui, nous parlons plus d’addiction que de toxicomanie, d’autant plus que certains processus de dépendance sont parfois communs à toutes les substances, qu’elles soient licites ou illicites. » D’où la nécessité de sortir la notion de toxicomanie du champ de la moralité pour la recentrer sur le médical comme au CSAPA. Pour les médecins et les soignants de l’Unité, la question de l’illégalité du produit ne se pose pas. Soumis au secret médical, ils restent discrets sur les prises en charge et posent le soin en priorité.
Environ 300 personnes consultent chaque mois pour toxicomanie, soit sur avis de leur généraliste soit par une démarche personnelle. D’autres enfin, consultent au CSAPA parce qu’ils sont soumis par la justice à une mesure d’injonction thérapeutique. En conséquence les degrés de motivation et le désir de guérir varient d’un patient à l’autre : « L’important est d’accepter la personne là où elle en est. Sur ces 300 patients, 280 environ sont toxicomanes à l’héroïne », précise le Dr Laprévote. « Une dépendance à laquelle s’ajoutent généralement d’autres addictions : cannabis, psycho stimulants, alcool, tabac. La spécificité de l’héroïne, c’est qu’elle prend une place énorme dans la vie des gens, voire toute la place. L’équipe médicale met tout en œuvre pour diminuer cette place. »
Au CHU de Nancy un cheminement progressif pour les toxicomanes est prévu de façon à ce que l’entrée dans le système de soins soit la plus facile possible. Pour les premières consultations, le patient peut se présenter spontanément, sans rendez-vous et garder l’anonymat. Il a la possibilité de voir un soignant très rapidement (infirmier ou éducateur) mais rien n’est précipité : l’équipe du CSAPA se laisse le temps de faire connaissance avec le patient avant de construire une réponse adaptée à ses besoins. Puis un rendez-vous avec un médecin est fixé, le temps d’attente pour la consultation n’excédant pas 8 jours.
L’équipe du CSAPA est pluridisciplinaire : médecins généralistes, psychiatres, psychologues, intervenants sociaux (assistantes sociales et éducateurs), infirmiers, diététicienne ont tous un rôle à jouer et contribuent à une prise en charge optimale. Chaque patient est suivi par un binôme « médecin + éducateur » ou « médecin + infirmier », de façon à lui proposer des rendez-vous  toutes les semaines, plusieurs fois par semaine, voire tous les jours. Le rôle des psychiatres est essentiel, en atteste l’expérience du Dr Laprévote, parce que la dépendance est une maladie psychiatrique et qu’elle est souvent associée à d’autres troubles psychiatriques, comme la schizophrénie, les troubles bipolaires ou les troubles de la personnalité. « Les maladies mentales sont sur-représentées parmi les consommateurs d’héroïne. En plus des addictions, nous sommes alors amenés à travailler sur ces troubles psychiatriques. » 

Pour sortir de la dépendance, deux grands types de traitement

–          Le sevrage : il s’agit d’un arrêt brutal de la drogue, du jour au lendemain, au cours d’une prise en charge médicale intensive d’une dizaine de jours, souvent à l’hôpital. Après cette période, le patient est incité à prendre de la distance avec son environnement habituel. Il s’agit en post-cure, de réorganiser ses relations affectives, sociales, professionnelles, financières. « Il faut parfois plusieurs tentatives de sevrage pour que cela réussisse », rappelle le Dr Laprévote. 
–          La substitution : « Les 2 médicaments de substitution disponibles permettent de maintenir un taux de produit stable dans le sang et agissent au même endroit que l’héroïne dans le cerveau », explique le psychiatre. La substitution permet au patient de gérer son manque. Même si le patient reste dépendant d’une substance psycho active qui agit sur son corps, il évite au moins les trois principaux risques liés à la prise d’héroïne : la mort par overdose, les risques infectieux liés à la prise du produit et la totale dégradation de sa vie sociale. « Avec les traitements de substitution, les décès par overdose ont été divisés par 10 ! »,  constate le Dr Laprévote. Le CHU de Nancy est le seul Centre Méthadone de la ville : assurer ces primo-prescriptions est une des missions principales du CSAPA.
Pour autant, la guérison n’est pas qu’une question de médicaments. « On dit souvent qu’une addiction, c’est la rencontre entre une personne, sa personnalité, un produit et un environnement social : il est capital de prendre tout cela en compte.», explique le psychiatre. Bien souvent, l’addiction se substitue à un certain nombre d’angoisses et de conflits présents chez les patients. « Avec un traitement de substitution qui le rééquilibre, le patient va de nouveau se confronter à ses problèmes quotidiens. » Au CSAPA, l’équipe médicale sert de révélateur pour pointer certaines peurs enfouies et si les souffrances sont telles qu’elles ne peuvent être apaisées, il faut amener le patient à se reconstruire avec.
Traiter la toxicomanie, c’est accompagner le patient dans un long cheminement vers une vie plus équilibrée. C’est pourquoi le CHU de Nancy fonctionne en étroite collaboration avec une structure intermédiaire baptisée L’Echange : un Centre d’Accueil et d’Accompagnement à la Réduction des Risques pour Usagers de Drogues (CAARUD) : les personnes toxicomanes peuvent y obtenir des seringues stériles, bénéficier d’un dépistage VIH ou hépatite, rencontrer un infirmier, avoir un repas, laver leur linge, prendre une douche. Bien souvent, l’Echange est un premier pas avant de s’orienter vers le CSAPA et permet de remettre les pieds dans un lieu de sociabilité. « Mais nous avons encore du travail. Généralement, la toxicomanie commence entre 16 et 25 ans. Les patients qui viennent consulter ont souvent entre 25 et 35 ans : une période trop longue ! » déplore le Dr Laprévote. Pour faire face et prévenir encore plus tôt, un accueil « Consultation Jeunes consommateurs » sera ouvert dans les prochaines semaines à la Maison des Adolescents de Nancy : libre à chaque jeune de s’y rendre les mercredis après-midi, sans rendez-vous et de manière anonyme, pour bénéficier de l’écoute de professionnels.

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