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Dépistage du mélanome : ce scanner crée un avatar numérique de la peau 

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Crédit photo : Réseau CHU.
Il y a quelques semaines, le Vectra 3D prenait ses quartiers dans le tout nouveau centre de dépistage automatisé du mélanome Marseille, situé à l'hôpital de la Conception (AP-HM). Concrètement, il permet à un patient qui aurait de nombreux grains de beauté de voir l'ensemble de sa peau scannée en images haute définition et reconstituée sous la forme d'un avatar numérique. Une avancée importante dans le dépistage du mélanome, véritable problème de santé publique. Reportage.

Occupant près de la moitié de la pièce, il rappelle les décors du film “Interstellar”. 2,5 mètres de hauteur, des lignes épurées, mais surtout 92 appareils photos à peine cachés et qui participent pleinement à sa singularité. Car si le Vectra est le seul scanner 3D du genre à avoir été installé en France à ce jour (il existe quelques modèles en Europe et en Asie), c’est bien parce qu’il laisse entrevoir des avancées significatives dans le dépistage du mélanome, une tumeur cancéreuse agressive.

Carole Andry connaît le sujet plutôt bien. “Je m’occupe de patients à qui l’on retire des lésions de la peau tous les jours”, explique à notre micro cette infirmière évoluant au bloc dermatologique de l’hôpital voisin de la Timone. Lorsque nous la rencontrons, Carole Andry a troqué la blouse pour un short et une brassière de sport. Aucun footing de prévu a priori, mais bien un passage éclair dans le fameux Vectra. “Je suis également concernée en tant que patiente puisque j’ai un grand nombre de grains de beauté que j’ai depuis ma toute jeune enfance et je fais surveiller régulièrement. Quand j’ai su que cet appareil arrivait sur l’hôpital de la Conception, je me suis rapprochée des médecins du service. Je n’ai jamais été confrontée à une situation à risque mais ayant de trop nombreux grains de beauté, je ne suis pas à même de savoir lesquels pourraient apparaître éventuellement et être dangereux”, conclut-elle. Bras écartés, visage fixe et yeux clos, il ne suffit que d’une fraction de secondes aux flashs pour crépiter, signals que l’appareil vient d’enregistrer la totalité de l’enveloppe corporelle qui s’est présentée à lui. 

Toutes les caractéristiques d’un grain de beauté grâce à l’IA

Quelques minutes plus tard, Carole Andry a quitté la pièce, mais son avatar numérique, lui, a bien pris place sur l’écran du Dr Jilliana Monnier, dermatologue et chercheur qui a mené l’examen : “C’est vraiment une technologie récente et très innovante qui va permettre de faire le suivi photographique standardisé beaucoup plus rapidement […] par rapport aux anciens systèmes qui, eux, prennent les parties corporelles les unes après les autres […] D’avoir un système qui est très rapide pour nous aider dans notre consultation de dépistage va, d’une part, nous faire gagner du temps et, ensuite, pour les contrôles et les suivis, nous permettre de voir très rapidement s’il y a un nouveau grain de beauté ou pas.” Finie donc la surveillance lésion par lésion. Face à son ordinateur, le Dr Monnier tourne et retourne la représentation du corps photographié, zoome sur les lésions situées dans la zone du ventre. C’est alors qu’apparaissent une multitude de petits triangles blancs, chacun d’entre eux venant s’associer à un grain de beauté en particulier. Lorsque la souris se fixe sur l’un d’eux, une série de caractéristiques (taille, couleur, irrégularité des bords, contraste, zone anatomique etc. apparaissent) s’imposent au regard de la spécialiste. Un résultat détaillé, rendu possible grâce à un “processus d’Intelligence Artificielle sous-jacent intrinsèque au Vectra 3D”, poursuit le Dr Monnier. 

Autre rendu tout aussi étonnant, la présence de ce qui s’apparente à une grosse lune tachetée sur la partie droite de l’ordinateur. En réalité, il s’agit tout simplement de l’ensemble des grains de beauté de Carole Andry (plusieurs centaines), réunis dans un unique cercle. L’avantage ? “On peut ainsi comparer plus facilement les lésions pigmentées les unes par rapport aux autres.”

13 nouveaux cas pour 100 000 habitants

Depuis l’arrivée du scanner dans les murs de l’AP-HM, les demandes d’examens se sont multipliées. Pour prioriser les patients qui en ont “réellement besoin”, le Dr Monnier demande à ce qu’un dermatologue ou médecin traitant lui adresse un courrier justifiant la prise de rendez-vous. A terme, ce sont mille patients volontaires qui devraient participer à la constitution d’une base de données dans le cadre du projet de recherche Self-DETECT, porté par le  Dr Jilliana Monnier, le Pr Jean-Jacques Grob, le Pr Caroline Gaudy-Marqueste,  (service de dermatologie et cancérologie cutanée, AP-HM)  en collaboration avec les Pr Merad et Dr Iguernaissi du LIS (Laboratoire Informatique et Systèmes), le Dr Jacques Nunes du Centre de Recherche en Cancérologie de Marseille, et le service de dermatologie et cancérologie cutanée de l’hôpital de la Timone. 

Si ce système innovant doit progressivement intégrer une stratégie de dépistage du mélanome au sein de la population, c’est bien parce que le mélanome constitue “un problème de santé publique”. Selon l’AP-HM, l’incidence de cette tumeur cutanée est en augmentation en France, avec une incidence estimée à 13 nouveaux cas par an pour 100 000 habitants, malgré les politiques de prévention mises en place. Face à ces chiffres, la détection précoce constitue donc un enjeu primordial pour diminuer la mortalité du mélanome, le taux de survie à cinq ans se situant entre 82% et 99% lorsque celui-ci est détecté rapidement – contre 30% à 50% lorsque le mélanome évolue à un stade métastatique. 

Adrien Morcuende

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