Les patients hospitalisés dans le service de psychiatrie dirigé par le docteur Rachel Bocher ont participé à des ateliers de création animés par des étudiants de l’école des Beaux-arts de Nantes. Pour le plaisir, simplement.
Réalisées sur papier kraft, les grandes fresques colorées accrochées au mur dans le pavillon Pierre Janet, à Saint-Jacques, ne dépareraient pas dans une galerie. Elles sont l’oeuvre de groupes de patients hospitalisés dans le service de psychiatrie 5 dirigée par le docteur Rachel Bocher, amateur d’art et convaincue de longue date de l’importance de la pratique artistique pour les malades mentaux… comme pour tout un chacun : « Il ne s’agit pas de thérapie, précise-t-elle. Pas question pour les soignants d’interpréter les oeuvres, ni pour les intervenants d’intervenir sur l’aspect thérapeutique. Il s’agit seulement de permettre aux malades mentaux d’exprimer leur sensibilité exacerbée et aussi de se présenter sous un nouveau jour, d’être regardés différemment, pour la qualité de ce qu’ils font. L’art ne soigne pas… mais il fait du bien. »
Depuis vingt ans, avec l’aide d’un réseau personnel tissé dans le milieu de l’art, Rachel Bocher fait entrer en psychiatrie la pratique artistique sous plusieurs formes : théâtre avec la compagnie Royal de Luxe, bande dessinée avec l’école des Mines, arts plastiques en partenariat avec le musée et l’école régionale des Beaux-arts de Nantes (Erban)… Cette année encore, des étudiants en 3e ou 4e année à l’Erban sont venus animer des séances auxquelles participaient librement des personnes hospitalisées ou dans le cadre d’une post-hospitalisation, à raison d’une dizaine de participants par atelier. Les soignants sont partie prenante : « Chacun est à sa place, une dynamique peut s’instaurer, à partir de consignes à mettre en oeuvre. La pratique artistique amène une structuration de l’image et de la pensée. Elle installe aussi une certaine égalité face à l’art, représente une ouverture, une revalorisation narcissique. Les ateliers constituent de plus des espaces de liberté en dehors du cadre institutionnel, dans lesquels les patients peuvent se laisser aller à leur créativité, avec pour seules contraintes des consignes thérapeutiques et artistiques ».
Les séances, qui bénéficient d’un financement de la direction régionale des affaires culturelles (Drac), ont lieu en dehors des unités de soin et contribuent aussi à des effets de stabilisation. À travers les relations qui se nouent via cette pratique, entre patients comme entre soignants et patients, ces derniers réapprennent à être ensemble : « L’art permet de dépasser la problématique de leur pathologie. Ils peuvent parler d’autre chose. »
Du côté des étudiants volontaires, l’expérience est également très positive. Ces stages, intégrés dans leur cursus, comportent aussi des séminaires théoriques sur l’inconscient, la névrose, la psychose… « Ces jeunes gens font entrer ici un vent d’air du temps, d’actualité. Ils apportent avec eux les concepts du moment, parlent un langage auquel les patients sont très sensibles, qu’ils s’approprient. »
Moins d’une dizaine de services de psychiatrie en France proposent à leurs patients cette fenêtre sur la pratique artistique chère à Rachel Bocher : « La maladie, c’est mortifère. L’art, c’est aussi la vie. Je fais mienne cette citation d’André Malraux : « Il faut introduire les moyens de l’art dans la vie, non pour en faire davantage de l’art, mais pour en faire davantage la vie » ».