Entrée dans le vocabulaire commun il y a quelques années, l’endométriose reste une maladie complexe et pas toujours simple à appréhender. Pour les femmes qui en souffrent, une sur dix en moyenne, elle est souvent synonyme de douleurs intenses pendant la période des règles, au point de les clouer au lit des jours entiers. Des symptômes imputables à la présence d’endomètre (muqueuse utérine) en dehors de l’utérus, et qui, lorsqu’il est localisé au niveau du rectum, peut causer une atteinte digestive impliquant diarrhées et constipation.
Cette dégradation de la qualité de vie, Alisson Soum en a fait les frais dès ses dix ans, âge auquel elle a eu ses règles. Ce n’est pourtant qu’une fois adulte que la jeune femme mettra un nom sur le mal qui lui gâche l’existence. “ A cause de fortes douleurs, j’ai fini à l’hôpital à l’âge de dix-neuf ans, nous raconte-t-elle par visio. On m’a fait une échographie et c’est là qu’on m’a dit que j’avais une endométriose. Je ne connaissais pas le terme. Le lendemain, je suis passée au bloc opératoire.” Alisson ne le sait pas encore, mais son calvaire n’est pas arrivé à son terme
“Fast-Track” ou penser le soin de manière globale
Après ce premier passage à l’hôpital, la jeune femme qui vit à Frouzins, à une vingtaine de kilomètres de Toulouse, subira une dizaine d’opérations, dont une colostomie ou encore, plus récemment, une ablation des trompes. C’est le Dr Elodie Chantalat, chirurgien gynécologique et anatomiste au CHU de Toulouse, qui a assuré les dernières interventions, réponse chirurgicale qui s’insère dans un projet d’accompagnement plus global : “Cette patiente illustre vraiment la maladie endométriosique puisqu’elle a subi cette errance diagnostique pendant plusieurs années. Une fois qu’elle a été prise en charge, la maladie s’est montrée récidivante. Elle a été opérée plusieurs fois avant d’arriver au CHU. Quand elle est arrivée, il y a eu une prise en charge multidisciplinaire, avec une consultation de la douleur, également une prise en charge de sa fertilité, ce qui était essentiel.”
Ce parcours de soins, dans lequel sont impliqués près de quinze services hospitaliers, a été baptisé “Fast-Track”. Le Dr Elodie Chantalat le concède volontiers, ce n’est pas tant la rapidité de la prise en charge pluridisciplinaire qui est à souligner, mais davantage le fait de permettre aux patientes d’accéder à un accompagnement balisé, fluide et sécurisant, et ce de l’adolescence jusqu’à la ménopause. “ L’idée est de flécher et de faciliter. Les rendez-vous seront pris pour les patientes, elles verront des médecins experts de la pathologie [médecins spécialistes de la douleur, gynécologues médicaux, psychologues, sexologues], accèderont à des consultations mutualisées. Cela diminue cette errance diagnostique qui altère la qualité de vie et qui est difficile à vivre pour les patientes.”, explique-t-elle.
“Aujourd’hui, il ne peut pas y avoir un médecin qui décide de la prise en charge de la patiente. Il faut une vraie collaboration multidisciplinaire.”
Dr Elodie Chantalat
“J’ai vraiment été très bien encadrée, par des personnes qui savent de quoi elles parlent, qui prennent cette maladie au sérieux”, poursuit Alisson Soum, qui se souvient encore des remarques qu’elle pouvait entendre enfant : “On me disait que c’était dans la tête ou que j’étais stressée. C’était normal d’avoir mal. Or, ce n’était pas du tout normal.” Depuis deux ans, la jeune femme suit un traitement qui, en l’empêchant d’avoir ses règles, la soulage des douleurs qui l’ont si longtemps harcelée.
Des mécanismes aux origines difficiles à expliquer
Si, à l’image de l’accompagnement aux accents novateurs proposé au CHU de Toulouse, les parcours de soins ne reposent plus uniquement sur des chirurgies lourdes et mutilantes, comme c’était le cas il y a encore quelques années, l’endométriose continue d’imposer aux spécialistes sa part de mystère. “Ce qu’on ne comprend pas bien, c’est la genèse de la maladie. Pendant les règles, l’endomètre, au lieu de s’écouler seulement par le vagin, refluerait par les trompes pour aller s’implanter dans le ventre […] Mais pourquoi chez certaines patientes cette lésion qui s’est déposée s’implante et se développe ? Pourquoi chez certaines patientes cette lésion va être absorbée par le péritoine et disparaître ? Cela, on ne le comprend pas bien.”, analyse le Dr Elodie Chantalat qui n’a toutefois pas de doutes sur l’origine multifactorielle de cette pathologie oestrogéno-dépendante (génétique, immunitaire etc.).
Pour progresser dans la compréhension des mécanismes de l’endométriose, le CHU de Toulouse a lancé “EndoTreat”, un projet de recherche soutenu par l’association Endo-France et la région Occitanie, et qui se fait en collaboration avec différents acteurs médico-chirurgicaux publics et privés, tels que plusieurs laboratoires Inserm ou encore la start-up Urosphère, spécialisée dans la création d’organoïdes de l’appareil urinaire. Selon la direction de la communication du CHU, ce projet d’une durée de trois ans, “qui inclura vingt-cinq patientes ayant des lésions multi-sites (ovaire, digestif, urinaire, diaphragme, ligaments utéro-sacrés), a trois objectifs : caractériser les lésions et élucider le rôle des récepteurs aux oestrogènes en fonction de leur site anatomique en développement ; créer de nouveaux modèles d’études de l’endométriose ; cribler des candidats médicaments pour proposer, à terme, de nouveaux traitements aux malades.”
Adrien Morcuende
Retrouvez ici notre dossier consacré à l’Endométriose.
Les Chiffres clés :
10% des femmes sont atteintes d’endométriose en France
75% d’entre-elles souffrent de douleurs chroniques invalidantes
40% ont des difficultés pour avoir un enfant
7 ans. C’est le temps qu’il faut en moyenne pour diagnostiquer la maladie
20%. Taux moyen de récidive de récidive de la maladie