Le genre d’histoire qui fait du bien. Il y a quelques jours, on apprenait que la fabrication d’un médicament rare, voire disparu du marché depuis quelques années, avait permis de sauver la vie de 27 patients, dont celle de Raphaël, quinze ans. Pour cet adolescent greffé du foie en juin 2020, les choses se compliquent quelques mois plus tard, alors qu’il présente des troubles du transit à répétition qui rappellent des gastro-entérites. Dans les couloirs de l’hôpital Femme Mère Enfant, le Dr Noémie Laverdure, pédiatre, songe alors à une infection rare. Et c’est auprès du Dr Meja Rabodonirina, biologiste spécialisée en parasitologie et mycologie, que cette hypothèse va se confirmer.
Dans l’organisme du jeune garçon, on constate la présence de l’Enterocytozoon bieneusi, champignon responsable de diarrhées sévères et particulièrement dangereuses pour les patients immunodéprimés. Pour Raphaël comme pour tous ceux qui reçoivent un traitement immunosuppresseur, impossible de lutter contre un tel envahisseur, le système immunitaire étant trop affaibli. La bonne nouvelle, c’est qu’il existe un remède : la fumagilline, antiparasitaire utilisé depuis les années 50. La mauvaise vient de la pharmacie centrale des HCL : les derniers stocks ont été écoulés en mars 2020, la fumagilline n’étant plus produite depuis 2019.
Un espoir venu de Hongrie
Si un traitement permet momentanément un arrêt des diarrhées, il ne peut être une solution viable sur le long terme. Il faut donc trouver de la Fumagilline et vite. Les pharmaciens de Fripharm, plateforme de Fabrication, de Recherche et d’Innovation pharmaceutique implantée à la pharmacie de l’hôpital Edouard Herriot, frappent à la porte de fournisseurs chinois, indiens ou encore européens. L’espoir arrivera finalement de Hongrie, où 300 grammes de matière première (Aspergillus fumigatus) servant à produire le précieux médicament sont disponibles. Le transport à moins 80°C de ce véritable trésor, particulièrement sensible aux écarts de températures et à la lumière, se fait sans encombre depuis l’est du continent.
Août 2021. Grâce au travail des pharmaciens qui transforment ce reliquat de matière première en médicament, le calvaire de Raphaël s’arrête. D’autres patients seront soignés après lui, à l’image de Sofienne, qui a vu ses maux de ventre arriver cinq ans après sa greffe de rein (source BFM TV), ou encore d’une patiente qui avait perdu 20 kilos en un an.
En un an et demi, ce sont vingt-sept doses personnalisées qui ont été produites pour traiter des patients d’un peu partout (Lyon mais aussi Grenoble, Rennes, Nantes, Bordeaux, Paris, Clermont-Ferrand). Mais le stock n’est pas illimité. A raison d’une dose de 50 mg, ce sont logiquement deux cents patients maximum qui pourront bénéficier de la fumagilline produite par Fripharm. Une quantité insuffisante lorsqu’on sait qu’une centaine de personnes immunodéprimées sont atteintes par des microsporidies chaque année en France. La fumagilline pourrait donc une nouvelle fois passer du statut de denrée rare à introuvable.
Actuellement nous cherchons un chimiste qui puisse reproduire cette poudre (...).
Dr Camille Merienne, pharmacien aux Hospices Civils
Face à cette réalité d’un stock qui réduit comme peau de chagrin, l’équipe de Fripharm est en recherche d’une start-up capable de relancer la production du principe actif de la fumagilline. “Actuellement nous cherchons un chimiste qui puisse reproduire cette poudre en grade pharmaceutique de façon à permettre, soit à un industriel de reprendre la production du médicament soit à des pharmacies hospitalières de faire des doses au cas par cas pour des patients”, a expliqué le Dr Camille Merienne, pharmacien aux Hospices Civils de Lyon, sur les ondes de RCF Lyon.
Un retour en arrière ne semble donc clairement pas envisageable dans les esprits. Pourtant, le coût d’une relance de production, estimé à plus d’un million d’euros, pourrait freiner les potentiels candidats…
La rédaction avec les HCL