Un état des lieux des pratiques du prélèvement d’organes en Haute-Normandie a été réalisé durant une période de 10 mois sur les sites du Groupe hospitalier du Havre et du CHU de Rouen. Les résultats montrent qu’il est possible d’augmenter le taux de prélèvement en signalant de façon systématique les morts encéphaliques, en faisant appel à la coordination, en formant les équipes à la prise en charge des donneurs et de leur famille…
Méthodologie
L’étude a porté sur les pratiques de recensement et d’approche des personnes en mort encéphalique et leur « inscription » dans une procédure de prélèvement. Elle a été effectuée grâce au programme Donor Action (programme européen destiné à apporter une aide aux hôpitaux pour améliorer leur pratique, la détection et la prise en charge des donneurs potentiels) et avec le soutien de l’Etablissement Français des Greffes.
L’enquête a été menée dans les services de réanimations chirurgicales et médicales de Rouen et du Havre et dans l’unité de soins intensifs de neurochirurgie de Rouen. Elle a été conduite selon 2 axes :
– La revue des dossiers médicaux afin de rechercher trois éléments essentiels pour les donneurs potentiels : Identification de la personne en mort encéphalique et confirmation de ce diagnostic, alerte appropriée de la coordination locale des prélèvements d’organes, processus de consentement et de déroulement du prélèvement d’organes.
– L’enquête d’opinion hospitalière pour évaluer l’attitude personnelle des membres de l’équipe et leurs connaissances à propos du processus du don d’organes et de transplantation et pour juger le degré de confiance dans le processus, l’impact des formations reçues, les besoins de formation théorique et pratique exprimés par les personnels.
Des résultats précieux
Sur les dix mois de l’étude 256 patients sont décédés dans un des cinq services de réanimation. La première remarque qui s’impose est le grand nombre de donneurs potentiels : 199 personnes sur les 256 inclus soit 77 %. Ceci justifie tout l’intérêt apporté à cette population des patients des services de réanimation.
La seconde remarque est le nombre élevé de patients ayant présenté des signes cliniques de mort encéphalique alors que seulement 46 % d’entre eux bénéficient d’une confirmation du diagnostic. Dans plus de la moitié des cas (54 %), la mort encéphalique n’est pas confirmée.
On constate ensuite que 11 patients ayant une mort encéphalique confirmée ne font pas l’objet d’un signalement à la coordination des prélèvements et des greffes. Il serait intéressant de connaître de façon précise les raisons pour lesquelles il n’y a pas eu d’appel de la coordination. C’est probablement l’un des domaines où des progrès plus sensibles pourraient être faits. Les explications diffèrent selon l’unité et ses habitudes de fonctionnement.
De tels renseignements sont susceptibles de guider au mieux des mesures correctrices qui pourraient être envisagées en concertation avec les différents intervenants au sein de ces unités.
L’enquête d’opinion hospitalière montre une adhésion importante des soignants au principe du prélèvement d’organes. Elle fait cependant apparaître un certain nombre de dysfonctionnements qui doivent être l’objet d’interrogations. L’un des plus évidents est la différence qui existe entre une approbation personnelle globale des soignants et la difficulté des équipes face à la prise en charge des donneurs. Par ailleurs, apparaît de façon évidente la difficulté qu’ont les soignants à aborder les problèmes de mort encéphalique et les demandes de don d’organes auprès des familles. De façon concomitante apparaît une demande de formation et de réactivité de la coordination des prélèvements et des greffes. Ces deux éléments doivent conduire à poursuivre et à renforcer, de façon peut-être plus adaptée à chacune des unités, des actions d’information et de formation à ces différents problèmes.
Aujourd’hui le travail se poursuit avec un soutien fort de l’Agence Régionale de l’Hospitalisation dans le but de mettre en place de façon pérenne le réseau de prélèvement entre Rouen et Le Havre puis de l’étendre à Dieppe et Evreux.
Si l’on fait l’hypothèse (basse) d’un taux de consentement restant constant à 50 %, il est intéressant de noter que si les 73 personnes en état de mort encéphalique repérées par cette étude avaient bénéficié d’une confirmation diagnostique, d’un appel, d’un signalement à la coordination des prélèvements et greffes et d’une approche systématique de la famille, c’est 36 ou 37 prélèvements d’organes qui auraient pu être réalisés sur la période. La Haute-Normandie ayant une population de 1,7 millions d’habitants, le taux de prélèvements de la région aurait donc été de 20 prélèvements par millions d’habitants. C’est précisément le chiffre objectif que s’est fixé l’Etablissement Français des Greffes. Il supposerait un fonctionnement idéal de l’ensemble du processus.
Docteur Edgar Menguy, Médecin des hôpitaux, Réanimation chirurgicale – CHU de Rouen
Le prélèvement : bientôt une pratique courante au sein des établissements hospitaliers
Plusieurs mesures peuvent contribuer à faire progresser la pratique du prélèvement d’organes en France :
. Harmoniser les organisations et les pratiques entre les différents établissements
. Fournir des indicateurs d’activité plus proches de la réalité et des attentes d’un système de prélèvement d’organes
. Inscrire la pratique du prélèvement d’organes dans une démarche continue d’amélioration de la qualité au niveau des acteurs de terrain eux mêmes.
. Améliorer la communication entre les différentes équipes impliquées dans la démarche transversale par excellence qui représente le prélèvement d’organes au sein des établissements hospitaliers
L’expérience Normande initiée par le CHU de Rouen sera reprise par l’Etablissement Français des Greffes sur l’ensemble des centres de prélèvements !
D’après un texte du Dr Edgar Menguy