Réseau coopératif d’achats groupés de 56 hôpitaux, dont 32 CHU-CHR, UniHA a, depuis sa création en 2005, contribué à professionnaliser cette fonction et à dégager des économies sur les fournitures, consommables et médicaments. En 2011, UniHA a négocié pour 1, 521 milliard d’euros de marchés groupés et généré 141 millions d’euros d’économie. Une contribution non négligeable au redressement des finances publiques. En congrès les 29 et 30 mars 2012 à Marseille, le groupement a invité des directeurs généraux, directeurs des achats et fournisseurs à échanger autour des nouveaux enjeux et des nouvelles pratiques d’achat hospitalier. L’accent a notamment été mis sur l’approche des coûts complets, exemple à l’appui avec la démonstration toulousaine
Achats en coûts complets
Le raisonnement en « coût complet » amène l’acheteur à poser un regard différent sur les acquisitions. La check list d’un coût complet se divise en coûts d’achat, d’acquisition, de possession (stockage et emprise), d’utilisation (énergie, consommables), des défaillances (maintenance) et de la fin de vie.
Appliqué à un générateur de dialyse la durée du marché s’est basée sur la durée de vie maximale réglementaire de l’appareil, à savoir sept ans. Un coût annuel de fonctionnement est arrêté sur la base d’une activité prévisionnelle sur la globalité du parc, soit 15 000 séances de dialyse conventionnelle et 3 000 séances d’hémodiafiltration. Côté maintenance, le coût de référence a été retenu comme étant celui d’une révision annuelle de chaque appareil.
« Finalement, c’est le coût des consommables qui a fait la différence entre les offres reçues. Nous avons également pris en compte l’installation et la mise en service du matériel, la formation des techniciens et utilisateurs», explique Cédric Carcaillon.
Pour l’acheteur, l’exercice consiste aussi à savoir utiliser une approche fonctionnelle de la définition du besoin, tant pour se garder des oublis qu’éviter d’ajouter de la surqualité au regard du besoin réel. Il doit également renforcer en permanence sa transversalité par rapport aux autres directions acheteuses afin d’objectiver les coûts induits, d’identifier les impacts d’éléments captifs, de connaître la décomposition des coûts, d’adapter la durée du marché à la durée de vie du matériel, d’utiliser le levier coût complet pour favoriser l’approche écoresponsable et faire émerger l’offre qui soit réellement la plus avantageuse.
Tableau achat traditionnel comparé au tableau achat en coûts complets
Dans cette vision traditionnelle mais partielle, la non prise en compte du consommables par l’acheteur amène la société D dans un positionnement très favorable au niveau du critère financier avec une offre a minima 26% plus faible que les offres concurrentes. Le poids de l’investissement y représente 87% du coût total. Le choix de la société retenue se fait donc essentiellement par le critère financier qui crée un différentiel prépondérant.
Dans le cas du coût complet, la prise en compte du consommables et de la durée de vie de 7 ans de l’équipement par l’acheteur, amène la société B en 1ère position sur le critère financier et non plus la société D. Le poids des consommables y représente 75% du coût total alors que l’investissement ne pèse plus que 21%. Le choix de la société retenue se fait donc essentiellement sur la qualité du matériel et de la prestation associée.
Perspective : Acheter en coût complet pour intégrer les besoins de financement ?
Intégrer dans les appels d’offres des solutions de financement en cohérence avec les conditions d’utilisation des équipements (mise à niveaux des solutions logicielles, capture des innovations technologiques, ajustement aux modes de prise en charge des patients…) peut apporter une réponse aux difficultés de financement des établissements publics de santé rencontrées depuis quelques mois.
Autre approche innovante qui suit sur le parcours du patient et s’intéresse au coût global des médicaments facturés à l’Assurance Maladie : la mesure d’impact des prescriptions hospitalières sur les dépenses ambulatoires.
Fréquemment utilisée sur le marché de la biologie, la notion de coût par patient pourrait être mobilisée sur d’autres segments d’achats. C’est ainsi que le CHU de Bordeaux a abordé la prise en charge d’une cure médicamenteuse, prenant en compte son administration en milieu hospitalier et en médecine ambulatoire. L’offre du candidat est appréciée sur l’ensemble du parcours du patient. En effet, il est souvent observé que le prix d’un médicament est très compétitif à l’hôpital, pour encourager les équipes médicales hospitalières à le prescrire, mais se révèle beaucoup plus coûteux lorsque le patient se le procure ensuite en officine. L’Assurance Maladie invite les établissements hospitaliers à mesurer l’impact de leurs prescriptions sur le niveau des dépenses ambulatoires.
Le projet présenté au CHU de Bordeaux répond aussi à cette finalité.
Une étude de comparaison de coût de traitements médicamenteux d’hormones digestives , équivalents thérapeutiques par indications avec pour rationnel les indications validées en France (RCP des AMM), a été menée au CHU de Bordeaux en 2011.
L’indicateur était le coût de traitement journalier (CTJ), à l’hôpital et en ville (prix administrés selon le remboursement SS ).
Les coûts retenus étaient les coûts directs médicaux discriminants, soit le coût d’acquisition des médicaments.
A l’issue d’une consultation nationale, les résultats ont conduit à l’établissement d’un tableau de coût par indication par patient par produit, dont voici un extrait :
Indications |
Produits ATC H |
Posologie | CTJ en € |
CTJ ville en € |
---|---|---|---|---|
Adénomes hypophysaires thyréotropes |
octréotide LP | 10-30mg tous les 28j |
37,17 à 50,11 |
39,75 à 53,46 |
octréotide | 100mcg X 3/j | 11,03 | 40,15 |
Ce tableau montre que le choix d’un produit moins coûteux à l’hôpital, comme l’octréotide forme immédiate, entraîne des gains estimés à environ 900 euros par mois et par patient pour le traitement des adénomes hypophysaires thyréotropes.
L’impact de ce choix sur les prescriptions relais de ville va dans le même sens, des gains estimés à environ 360 euros par mois et par patient.
Choisir selon des critères hospitaliers a permis de minorer des dépenses ambulatoires. Mais l’exemple incite surtout chaque décideur hospitalier à se placer dans une vision globale de l’assurance maladie, le parcours de soins du patient, dans l’esprit de la loi HPST.
(1) Un générateur de dialyse permet de maintenir normale la composition du sang d’un patient atteint d’une insuffisance rénale chronique, en débarrassant le sang de ses déchets, de l’eau en excès et des électrolytes (potassium, calcium…).