L’actualité santé de ce mois de janvier 2015 a été dominée par l’attentat de Charlie hebdo et par le traumatisme collectif qui s’ensuivit mais aussi par la solidarité planétaire qui s’est exprimée. En ce début d’année, les chroniqueurs rendent également compte des tensions autour de la future loi santé. Au milieu de ces événements, une nouvelle réjouissante se dégage : la forme retrouvée du deuxième patient porteur d’un cœur Carmat.
Charlie Hebdo, gérer le choc collectif du 7 Janvier
Onde de choc au sein de la population. L’attentat contre Charlie Hebdo, les prises d’otages des jours suivants et le terrible bilan de 17 personnes tuées ont provoqué un sentiment d’horreur au sein de la société française. Sous la plume de Fanny Lesbros, Libération du 17 janvier revient sur cette semaine traumatisante marquée par l’assaut de terroristes contre un journal satyrique, l’assassinat d’un policier vécu en direct et projeté en boucle, deux prises d’otages, la liberté d’expression menacée… la sidération d’un peuple.
Ce traumatisme collectif s’est traduit par une consommation accrue de médicaments contre le stress et l’angoisse : entre le vendredi 9 et le mardi 13 janvier « les Français ont acheté 18,2 % de boîtes d’anxiolytiques ou de somnifères de plus qu’habituellement » selon le Celtipharm, société spécialisée dans le recueil et le traitement des donnés de santé en temps réel.
De leur côté, les psychiatres ont constaté une recrudescence de maux de tête, de ventre, de tachycardie, de tremblements, d’angoisses. Une centaine d’habitants du quartier de Charlie Hebdo ont eu recours à la cellule de soutien mise en place par le Samu.
Aujourd’hui, les professionnels manquent de recul pour apprécier les conséquences de ces violences sur le psychisme des français. Avec le temps les symptômes devraient s’estomper et la résilience faire son œuvre.
Crispation autour de la future loi Santé : l’extension du tiers payant aux généralistes qui appellent à la grève de la télétransmission
Depuis longtemps en place à l’hôpital, le tiers payant évite au patient d’avancer les frais et la future loi Santé prévoit son extension aux médecins généralistes. Il s’agit selon la ministre d’une avancée sociale, « d’un progrès ». Mais cette nouvelle disposition indigne les médecins qui appellent au boycott de la télétransmission.
La «guérilla administrative» débute le 5 janvier. Pour marquer leur opposition, les médecins abandonnent la saisie électronique et reviennent à l’antédéluvienne feuille de soins manuscrite qu’ils adressent à l’Assurance maladie avec l’espoir avoué d’engorger ses services. Et il risquent d’y parvenir ! Selon le Parisien « 92 % des actes sont télétransmis aujourd’hui ». Cette grève pénalisera en premier les patients qui verront leur délai de remboursement passer de 4 à 5 à plusieurs semaines.
Les arguments de la ministre : 1/3 des français disent qu’ils renoncent aux soins pour des raisons financières. De plus les français ont trop souvent le réflexe de l’hôpital et cette mesure éviterait l’encombrement des urgences. Enfin, la ministre rappelle aussi que les médecins » sont rémunérés pour télétransmettre la feuille de soins. » rapporte l’AFP du 6 janvier.
Sur RMC/BFM du 6 janvier, la ministre de la santé confirme que le tiers payant sera maintenu. « L’hôpital ne peut pas tout faire. Je veux que la médecine de proximité soit renforcée. » déclare Marisol Touraine qui souligne que cette mesure a reçu l’appui d’associations de patients et de consommateurs
Les généralistes redoutent surtout de nouvelles lenteurs administratives et un retard dans les remboursements « parfois deux ans » pour certaines caisses constate amèrement Bertrand Legrand, médecin nordiste et créateur d’un Observatoire du tiers payant – propos repris dans 20 Minutes.
L’examen de la loi santé est reporté en avril
Un certain nombre d’articles seront «aménagés et réécrits» notamment «sur la manière dont on organise les relations entre les professionnels dans les territoires.» a expliqué la ministre à la radio. Il s’agit de « lever les ambiguïtés. » Le 20 janvier la ministre annonçait la constitution d’un groupe de réflexion sur la généralisation du tiers payant qui sera déployé progressivement d’ici à 2017. Un autre groupe veillera à supprimer le « risque d’étatisation de la médecine dans les région » pointé par la CSMF. Un 3ème groupe étudiera la vaccination en pharmacie ; mesure, elle aussi décriée par les médecins. Le 4ème aura en charge le dossier sur la place des cliniques dans le service public hospitalier
Des questions restent en suspens comme « la formation universitaire et l’alignement du tarif des consultations des généralistes sur celui des spécialistes – 23 à 25 euros » note Guillaume Guichard dans le Figaro du 20 janvier.
Cœur Carmat : le 2ème patient greffé en très bonne santé
Retour en arrière : le 18 décembre 2013, une première implantation du cœur Carmat était tentée sur un homme de 76 ans. Mais ce malade cardiaque devait décéder 75 jours plus tard, le 2 mars 2014.
Le 5 août 2014 au CHU de Nantes une nouvelle implantation était conduite dans la plus grande discrétion sur un patient de 68 ans. 5 mois (150 jours) plus tard, en janvier 2015, le public découvrait cette nouvelle prouesse dans les journaux TV et se réjouissait d’apprendre que tout allait bien pour le malade qui avait pu rentrer à son domicile. Selon France info du 19 janvier, il n’est plus question de survie mais de « nouvelle vie« . Le Pr Carpentier, père du cœur artificiel, emploie même le mot « miracle » « devant un homme qui marche mieux que lui !
Hôpital public : pallier la crise de vocations médicales
Le 20 janvier, l’ex-sénateur Jacky Le Menn, mandaté par le SNPHAR-E, syndicat d’anesthésistes* remettait un rapport à Marisol Touraine : 60 pages pour rendre à nouveau attractive la profession de médecin hospitalier. Parmi les propositions, l’AFP a retenu « une meilleure reconnaissance du temps de travail, de son décompte et du temps additionnel réalisé, la modification de la grille salariale pour un début de carrière plus rémunérateur, l’aménagement des fins de carrière via la réduction ou la suspension de la participation à la permanence des soins ou encore la possibilité de bénéficier du cumul emploi-retraite… » à suivre.
*membre de l’intersyndicale Avenir Hospitalier
Marie-Georges Fayn