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Juin 2016 : campagnes contre les prix des médicaments

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En ce mois de juin 2016, la Ligue contre le cancer, 110 cancérologues, Médecins du Monde font campagne pour dénoncer l’augmentation du prix des médicaments innovants, une menace pour le système de santé et pour le principe d’égalité d’accès aux soins. Leur prise de position a été relayée par l’ensemble des médias. Retour sur la montée d’une colère partagée par patients et médecins…
En ce mois de juin 2016, la Ligue contre le cancer, 110 cancérologues, Médecins du Monde font campagne pour dénoncer l’augmentation du prix des médicaments innovants, une menace pour le système de santé et pour le principe d’égalité d’accès aux soins. Leur prise de position a été relayée par l’ensemble des médias.  Retour sur la montée d’une colère partagée par patients et médecins

La première alerte a été donnée décembre 2015 par la Ligue. L’association rappelait que le coût global des traitements du cancer a représenté 10% des dépenses de l’Assurance maladie en 2015 contre 6,6% en 2007. Et ces dépenses devraient continuer à croître dans les prochaines années car malgré les progrès thérapeutiques, le nombre de malades atteints de cancer augmente du fait du vieillissement de la population, du dépistage précoce, des modes de vie – notamment de la consommation du tabac, d’alcool et de l’obésité. Or la Ligue prévient "Avec le prix des nouvelles molécules qui arrivent sur le marché, tel que pratiqué par les laboratoires pharmaceutiques, notre système est mis à mal". L’inquiétude est forte "Pourrons-nous tous être soignés en 2016 ? Sauvons notre système de santé " titre la pétition lancée en avril par la Ligue et qui a reçu près de 66 000 soutiens au 29 juin 2016. Dans ce document, la Ligue rappelle les principes qu’elle soutient : équité d’accès, transparence des prix des médicaments et des traitements innovants – soulignant au passage l’opacité du système. La Ligue décompose le prix du médicament : 15% à 20%  pour la recherche et développement contre 30% dédiés au marketing. Elle demande que ce prix soit aligné sur le coût réel de la recherche rappelant que celle-ci est également largement financée par le secteur public et les associations. Le prix doit également tenir compte de critères liés à l’utilisation des médicaments. Selon elle, "A court terme, le traitement d’un patient pendant un an équivaudra au revenu moyen de trois ménages français". L’association appelle aussi à une plus grande rigueur dans les déclarations des liens d’intérêt et revendique enfin la participation des associations au Comité Economique des Produits de santé.

L’affaire prend une nouvelle dimension qui dépasse la mobilisation des seuls patients quand, en mars, 110 cancérologues avec en tête Dominique Maraninchi, ancien directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et Jean-Paul Vernant, hématologue à l’hôpital de la Pitié Salpétrière, (AP-HP) dénoncent à leur tour "le coût d’abord croissant des innovations thérapeutiques en cancer devenu exorbitant". Ces traitements sont passées de 10.000 à plus de 120.000 dollars par patient et par an en une quinzaine d’années" relate le Figaro dans une tribune signée par les deux lanceurs d’alerte, le 14 mars 2016. Les praticiens constatent que "les prix des nouveaux traitements du cancer sont déterminés par l’idée que les industriels se font de ce que les marchés sont capables de supporter. Cela explique les écarts de prix très importants observés d’un pays à l’autre et permet également de comprendre pourquoi l’Imatinib (Glivec®), traitant de façon très efficace la leucémie myéloïde chronique a vu son prix passer aux États-Unis en quinze ans de 30 000 à 90 000 dollars par an, sans que le service médical rendu ait été amélioré". Et ils proposent des mesures comme une révision de la composition des prix avec un retour sur investissement raisonnable, un arbitrage transparent et des licences obligatoires pour les pays en développement afin qu’ils puissent produire et utiliser des génériques avant que les brevets ne tombent dans le domaine public.
Après l’opinion publique, la Ligue poursuit son combat sur le champ politique. Le 7 avril 2016, elle réclame de placer le sujet au cœur du calendrier politique national et international, notamment lors de la prochaine réunion du G7 des 26 et 27 mai 2016. Demande entendue par François Hollande qui a signé un éditorial dans "Le lancet" pour inviter la communauté internationale à lutter contre le prix prohibitif de certains nouveaux médicaments anti-cancer, annonce Sciences et Avenir du 4 mai 2016. Cette résolution a été largement citée par les journalistes ; une coalition internationale verra peut-être le jour.
Fort de ce soutien, la Ligue contre le cancer interpelle l’ensemble des citoyens et demande l’ouverture d’un vrai débat citoyen
En juin 2013, c’est au tour de Médecin du Monde de prendre une position avec une campagne choc "le prix de la vie" (212 000 signataires au 29 juin 2016) L’affiche qui met en cause le marché de la maladie et le cynisme des laboratoires est refusée par l’Autorité Professionnelle de la Régulation de la publicité. En voici quelques extraits "Bien placé un cancer peut rapporter jusqu’à 120 000€", "1 milliard d’euros de bénéfice, l’hépatite C on en vit très bien". Ces slogans sont repris sur les réseaux sociaux et parles medias. Dans un article publié par Top Santé le 13 juin 2016, Emilie Cailleau cite l’ONG  "les laboratoires pharmaceutiques font des marges colossales et révoltantes sur les traitements des malades" ; "la sécurité sociale n’est pas en mesure de rembourser ces traitements. Nous ne vous apprenons donc rien en disant que notre système de santé, et par conséquent notre santé, est en réel danger". Et d’interroger : "Quand il s’agit de Santé, est-ce au marché de faire la loi, ou est-ce à l’État ?"
La  Ligue propose la création d’un site internet accessible à tous sur les médicaments innovants en cancérologie et qui serait en permanence actualisé par les pouvoirs publics. Il s’agirait d’un site d’information, de débat et de vigie.
Prises à partie, les entreprises du médicament (LEEM) ripostent : « imaginer que les entreprises du médicament spéculent sur l’aggravation des maladies comme le cancer est injurieux ». Le LEEM dénonce une propagande mensongère et condamnent des « propos caricaturaux et outranciers, (…) injurieux pour les industriels et irrespectueux pour les millions de personnes qui se battent quotidiennement contre la maladie » relate Coline Garré dans le Quotidien du Médecin du 13 juin. Dans ce texte, le LEEM ouvre cependant une piste de négociation et propose d’aligner la progression de l’enveloppe des médicaments remboursés sur celle de l’ONDAM (+ 1,75 %) afin de "garantir l’accès aux nouveaux traitements sans grever les comptes de la branche maladies". Et la journaliste de rappeler que le LEEM avait déjà réagi à la campagne de la Ligue en dénonçant «l’instrumentalisation des patients et leur entourage ».

Le 21 juin le LEEM publiait une lettre ouverte dans la presse rappelant que les laboratoires rendent possibles "des perspectives de guérison ou d’allongement de l’espérance de vie avec l’arrivée d’innovations thérapeutiques majeures dans les maladies infectieuses et le cancer". Ils avancent également des données chiffrées : « Pour moins de 10 euros, on guérit d’un ulcère gastrique. Pour moins de 12 euros par an, on se protège, grâce aux vaccins, contre 12 maladies, contre la poliomyélite, la diphtérie ou la rougeole. Pour moins de 20 euros, on traite une pneumonie aiguë, évitant des séjours à l’hôpital… ». Le LEEM souligne qu’entre 1990 et 2015, l’indice du coût de la vie a augmenté de 48,4 % en France alors que l’indice des prix publics des médicaments remboursables a diminué de 37,5 %.

Enfin, le LEEM accepte la perspective d’un débat public invitant à étudier " des solutions avec objectivité et sans caricature, de manière apaisée et argumentée avec l’ensemble des acteurs du système de santé ». Et l’industrie rappelle qu’elle consacre « douze ans et un milliard d’euros par molécule » dans la recherche de nouveaux traitements "
Même préoccupation chez nos voisins européens
Le 23 juin 2016, la Belgique et les Pays Bas rendaient publiques les conclusions d’un think tank international réuni en mars et avril pour trouver des solutions à « l’impasse des prix toujours plus élevés des nouveaux médicaments ». Les décideurs sont confrontés "d’épineux dilemmes moraux" note le quotidien L’avenir : puiser dans les fonds réservés à d’autres besoins, et fragiliser ainsi l’ensemble du système de santé, ou refuser aux patients le remboursement de médicaments susceptibles d’augmenter leurs chances de survie ou leur qualité de vie». Différentes solutions ont été envisagées comme un système de développement de médicaments sans but lucratif à l’échelle de l’UE, le rachat par un consortium européen de molécules prometteuses qui répondent à des priorités de santé publique et il finaliserait les dernières phases de recherche ou encore la socialisation des médicaments et technologie de la santé qui deviendrait des entreprises publiques. Les ministres de la santé appellent eux aussi à l’ouverture d’un débat de société "pour oser sortir des sentiers battus."
En Belgique toujours, trois organismes, Test-Achats, la Ligue des Usagers des Services de Santé et le Collège Intermutualiste National, ont diffusé une pétition en ligne pour casser "la spirale des tarifs à la hausse". 
Marie-Georges Fayn  

 

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