A Montpellier, les cellules remplacent les systèmes d’analyse conventionnels. Des chercheurs du CHU, de l’Inserm, du CNRS, en lien avec l’université de Stanford ont réussi à transformer des bactéries en “détecteurs biologiques" capables de signaler une pathologie sur la simple présence de molécules caractéristiques dans l’urine ou le sang. En l’occurrence, des bactéries ont été programmées pour mesurer le glucose dans l’urine de patients diabétiques. Plus besoin de faire appel à des réactifs chimiques, ni à aux automates pour analyser les échantillons biologiques et restituer une réponse d’intérêt diagnostique.
« Nos équipes montpelliéraines ont fait sortir la biologie synthétique de la recherche fondamentale en l’appliquant à la santé. Et nous avons démontré qu’il était possible de greffer les bactéries pour qu’elles diagnostiquent des paramètres biologiques. Cette preuve de concept est une première mondiale qui va bouleverser la médecine dans les dix prochaines années. Elle ouvre la voie à une nouvelle approche diagnostique et thérapeutique des maladies » s’enthousiasme le Pr Eric Renard, chef du département d’Endocrinologie, Diabète, Nutrition (CHU de Montpellier).
Reconnue par la communauté scientifique, cette avancée a fait l’objet d’une publication en mai 2015 dans le prestigieux journal américain « Science Translational Médicine ».
Pour le patient la médecine biologique sera synonyme de souplesse – plus besoin de se déplacer dans un labo pour faire les dosages. Pour les gestionnaires, elle représentera un gisement d’économies. Plus besoin d’équipement couteux pour réaliser certains examens… Les chercheurs imaginent déjà de futurs développements avec des pansements intelligents contenant ces bactéries modifiées qui diagnostiqueraient l’infection et libèrerait un médicament antibiotique. Ces travaux pourraient aussi être appliqués à l’ingénierie de la flore microbienne notamment pour traiter les maladies intestinales.
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La biologie synthétique, ou programmation des cellules, permet de créer ou de transformer des bactéries pour en faire des moyens d’analyse biologique ou des vecteurs d’action thérapeutique. Le principe est similaire à du codage informatique. Les chercheurs ont ainsi réussi à programmer des bactéries. Les nouvelles cellules créées agissent comme des mini-robots autonomes. Elles peuvent détecter dans un environnement, a priori hostile, comme l’urine, des paramètres biologiques et transmettre ces informations. Pour réaliser cette prouesse, les chercheurs ont introduit l’équivalent d’un programme informatique dans l’ADN des micro-organismes.
Le transcriptor : pièce maitresse de la programmation génétique Le transistor est l’élément central des systèmes électroniques modernes. Il joue à la fois le rôle d’interrupteur et d’amplificateur de signal. En informatique, en combinant plusieurs transistors, il est possible de construire des "portes logiques", c’est à dire des systèmes répondant à différentes combinaisons de signaux selon une logique prédéterminée. Par exemple une porte logique “ET” à deux entrées produira un signal uniquement si deux signaux entrant sont présents. Tous les calculs effectués par les appareils électroniques que nous utilisons quotidiennement, comme les smart-phones, reposent sur l’utilisation de transistors et de "portes logiques". Lors de son séjour postdoctoral à l’université de Stanford aux Etats-Unis, Jérôme Bonnet a inventé un transistor génétique, le transcriptor. L’insertion d’un ou plusieurs transcriptors dans les bactéries les transforme en calculateurs microscopiques. Les signaux électriques utilisés en électronique sont remplacés par des signaux moléculaires contrôlant l’expression génique. Ainsi, il est à présent possible d’implanter dans les cellules vivantes des “programmes” génétiques simples en réponse à différentes combinaisons de molécules.
Pour ce travail innovant, les équipes de Jérôme Bonnet (CBS, Inserm U1054, CNRS, Université de Montpellier), de Franck Molina (SysDiag, CNRS) associées au Professeur Eric Renard (CHRU de Montpellier), encadrant Alexis Courbet (doctorant au CNRS et interne en pharmacie), et de Drew Endy (Université de Stanford) ont appliqué cette nouvelle technologie à la détection de signaux pathologiques dans des échantillons cliniques. Les échantillons cliniques sont des milieux complexes dans lesquels la détection de signaux est difficile. Les auteurs ont utilisé les capacités d’amplification du transcriptor pour détecter des marqueurs pathologiques présents même en très petite quantité. Ils ont aussi réussi à stocker durant plusieurs mois le résultat du test dans l’ADN des bactéries.
Cette étude ultra innovante illustre le projet 3S (Stratégie de Spécialisation Intelligente ou Smart Specialisation Strategy) proposée à l’Europe par la région Languedoc Roussillon. Explications sur https://www.youtube.com/watch?v=QE70BI2MiGk&feature=youtu.be
Montpellier : un écosystème autour de la recherche en santé
La chaine d’innovation débute avec la recherche translationnelle une forme de pluridisciplinarité où la recherche cognitive s’imbrique au développement d’applications cliniques pour le patient. Les équipes de Jérôme Bonnet (Inserm, CNRS, Université de Montpellier), de Franck Molina (SysDiag, CNRS) associées au Pr Eric Renard (CHRU de Montpellier) et à Alexis Courbet (doctorant au CNRS et interne en pharmacie) ont collaboré pour transformer les bactéries en outils diagnostiques.
Cette coopération a été facilitée par la proximité de tous les acteurs : des experts exerçant dans un hôpital de grande envergure (CHRU Montpellier), des centres de recherche (INSERM, CNRS et Université de Montpellier) et des sites de développement préindustriel de l’analyse biologique.
Montpellier est en effet une des rares villes d’Europe où ces compétences hautement spécialisées et complémentaires se retrouvent dans un rayon de 3 km, créant une synergie et une émulation au bénéfice du patient.
* Jérôme Bonnet (Inserm, CNRS, Université de Montpellier), de Franck Molina (SysDiag, CNRS) associées au Pr Eric Renard (CHRU de Montpellier) et à Alexis Courbet (doctorant au CNRS et interne en pharmacie) en lien avec l’université de Stanford (Etats Unis).