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La psychiatrie en voie de banalisation

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Souffrant encore de stigmatisation sociale, la psychiatrie du XXIème siècle remet en question le regard que la société porte sur elle. Pour « dédramatiser » les soins dispensés aux personnes vivant avec un trouble psychique, expliquer les nouvelles approches thérapeutiques et les accompagnements sur mesure, des semaines d’information et des conférences sont organisées. En 2014, un pas de plus sera franchi si la santé mentale et les troubles psychiques bénéficient du précieux label «Grande cause nationale»*. Au CHRU de Montpellier, les célébrations du centenaire de l’hôpital de la Colombière relèvent de cette même volonté de communiquer pour lever les incompréhensions. A travers un entretien avec le Pr. Jean-Philippe Boulenger, chef du pôle psychiatrie, Réseau CHU fait le point sur une spécialité longtemps restée à l’écart des disciplines phares des hôpitaux universitaires...

Souffrant encore de stigmatisation sociale, la psychiatrie du XXIème siècle remet en question le regard que la société porte sur elle. Pour « dédramatiser » les soins dispensés aux personnes vivant avec un trouble psychique, expliquer les nouvelles approches thérapeutiques et les accompagnements sur mesure, des semaines d’information et des conférences sont organisées. En 2014, un pas de plus sera franchi si la santé mentale et les troubles psychiques bénéficient du précieux label «Grande cause nationale»*. Au CHRU de Montpellier, les célébrations du centenaire de l’hôpital de la Colombière relèvent de cette même volonté de communiquer pour lever les incompréhensions. A travers un entretien avec le Pr. Jean-Philippe Boulenger, chef du pôle psychiatrie, Réseau CHU fait le point sur une spécialité longtemps restée à l’écart des disciplines phares des hôpitaux universitaires…
Mais tout d’abord quel est l’âge réel de la psychiatrie ?
Pr. Jean-Philippe Boulenger Contrairement à ce que pensent nombre de nos concitoyens, la psychiatrie n’est pas née avec Freud. En témoigne la tradition très ancienne de soins psychiatriques dispensés dans le monde arabe qui remonte au VIème siècle. Suite à la conquête de la péninsule ibérique par les musulmans on retrouve en Espagne des établissements psychiatriques datant du XIIIème siècle. En France, une loi protégeant les malades mentaux a été instituée dès 1838 et depuis cette époque chaque département a dû se doter de ce qu’on appelait alors un asile d’aliénés.
Quelle est la place de la psychiatrie dans la société actuelle ?
Pr. J-P Boulenger
Avant tout  un éclaircissement. Trop souvent on confond psychiatrie et santé mentale. Or la santé mentale s’intéresse au bien-être psychique et émotionnel et aux variations normales de nos émotions, de nos anxiétés, de nos joies ou de nos peines …  Alors que la psychiatrie s’intéresse aux excès pathologiques et invalidants qui se caractérisent par des symptômes, c’est-à-dire des retentissements fonctionnels importants et durables sur la vie sociale, familiale et professionnelle. Une distinction que précise bien le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-V) élaboré par l’Association Américaine de Psychiatrie (AAP) et publié en mai 2013. Bien qu’il ne fasse pas l’unanimité cet ouvrage de référence a le mérite de fixer les limites de ce qui est pathologique et nécessite donc un traitement quel que soit la nature de ce dernier
La psychiatrie a également toute sa place dans le cadre de nombreux soins pluridisciplinaires comme par exemple les consultations d’annonce d’un cancer. , les indications de certaines interventions chirugicales , les soins palliatifs …
La psychiatrie est aussi présente là où on ne l’attend pas. Par exemple, les douleurs musculaires diffuses de la fibromyalgie ont des dimensions psycho-émotionnelles qu’il faut prendre en compte. Dans une société où prime la culture de la performance, les personnes associent douleurs, fatigue et signes de faiblesse. Si quelqu’un n’est pas en pleine forme, il redoute d’être jugé négativement et cela le conduit à formuler des pensées erronées qui aggravent ses problèmes . La psychiatrie peut donc contribuer à une meilleure gestion de certains cas de  douleurs chroniques .
Enfin, la psychiatrie peut être sollicitée pour mener des analyses plus sociologiques notamment sur les facteurs favorisant les troubles psychiques dans les organisations du travail. Les recommandations vont tenir compte de la multiplicité des causes intervenant dans les risques psycho-sociaux et des différenentes vulnérabilités individuelles devant le stress.
Comment présenteriez-vous la psychiatrie d’aujourd’hui ?
Pr. J-P Boulenger 
La psychiatrie du 21eme siècle n’oppose plus le biologique au psychologique. Il existe plusieurs courants complémentaires auxquels correspondent des niveaux de prise en charge spécifiques. Ainsi, la psychanalyse s’intéresse aux mécanismes inconscients et ouvre à un certain type de psychothérapie. Le courant cognitiviste et comportementaliste, , privilégie des thérapies centrées sur les symptomes. Le courant systémique se concentre sur les interactions entre le patient et son entourage immédiat, couple, parents, d’où l’utilisation de thérapies familiales …
Enfin le courant biologique auquel répond l’offre pharmacologique : neuroleptiques, antidépresseurs…
Il revient au patient en concertation avec son thérapeute et en fonction de la nature de ses troubles  de donner un avis parmi ce panel sur l’option thérapeutique qui lui conviendra le mieux. C’est à lui de dire s’il préfère travailler davantage sur son histoire ou intervenir dans l’ici et maintenant. Les experts ont d’ailleurs pu constater qu’une psychothérapie choisie en plein accord avec un malade motivé se révèle aussi efficace dans certaines indications que les médicaments. Et pour le patient, il est rassurant de  savoir que si le traitement retenu ne convient pas il peut en changer.
La psychiatrie s’est adaptée aux différents âges des patients. Ainsi, les CHU disposent tous de structures spécifiques : pédopsychiatrie pour les enfants, unités dédiées aux adolescents, services de gérontopsychiatrie pour les patients âgés souffrant de la maladie d’Alzheimer ou de déficits cognitifs.
Actuellement, la psychiatrie doit répondre à une augmentation des besoins comme les soins aux personnes dépressives dont le nombre croît chez les 20-30 ans. Elle se voit aussi confier de nouvelles tâches : les malades psychiatriques en milieu carcéral, les agresseurs sexuels mais aussi les personnes souffrant d’addiction comme celle du jeu. Or, jusqu’à une période récente les joueurs compulsifs ne faisaient pas l’objet de traitement. Personne n’imaginait que dépenser une fortune au jeu était un trouble qui pouvait être soigné. Ce sont des chercheurs qui ont mis en lumière ces comportements pathologiques. L’essor de certaines spécialités doit aussi beaucoup à la  TV qui remplit un rôle d’entrainement. Ainsi les témoignages de patients souffrant de TOC et de phobies vus sur le petit écran incitent les téléspectateurs concernés à venir consulter ; une démarche qu’ils n’auraient jamais entreprise sans la connaissance de tels parcours de soins. Je tiens aussi à insister sur les particularités de la maladie psychiatrique qui a toutes les caractéristiques de la chronicité. Comme pour les allergies, les périodes de crise alternent avec les séquences de retour à la normale mais les phases aigues reviennent. En psychiatrie, peu de prises en charge sont totalement curatives.
Deux ans après la réforme des soins psychiatriques, une modification de la loi est en préparation portée par la Mission parlementaire sur la santé mentale et l’avenir de la psychiatrie. En question les soins sous contrainte en ambulatoire. Qu’elle est votre position sur le sujet ?
Pr. J-P Boulenger 
A mon sens, cette clause est plus symbolique que réelle car nous ne disposons pas de moyens suffisants pour appliquer la loi. Le fait de pouvoir contraindre des patients à continuer à suivre des soins n’est pas choquant à mon sens. En effet, beaucoup rechutent et sont réhospitalisés s’ils ne prennent plus les traitements qu’on leur a prescrits. A Montpellier, notre durée moyenne de séjour est de 20 à 30 jours. On ne garde plus les gens à vie dans nos hôpitaux. Se pose alors la question du suivi notamment des personnes atteintes de maladies psychiatriques sévères. Nous manquons de lieux de vie en aval de l’hôpital, de structures de transition entre notre institution et le domicile. Et le développement des liens avec le médico-social est actuellement pour nous un vrai challenge.

L’heure est à l’économie pour les hôpitaux. Comment votre pôle vit-il cette période de contrainte budgétaire ?
Pr. J-P Boulenger 
Notre métier requiert beaucoup de temps de présence et de contact avec nos patients  et les restrictions de personnel sont difficiles. Mais d’un autre côté, ces nouvelles règles nous obligent à réfléchir sur les aspects prioritaires de notre mission et à repenser notre mode d’organisation pour le rendre plus performant. Il nous faut rompre avec les habitudes parfois vieilles de 50 ans, rassembler les structures dispersées, réduire les temps de réunion de synthèse. Dans certains domaines, on devrait pouvoir aussi bien faire avec moins de moyens. Plus délicate en revanche est la question de la diminution des équipes durant l’été, qu’il s’agisse de celles qui exercent dans l’hôpital et de celles qui interviennent en dehors car ces dernières sont responsables  des démarches de prévention, dans nos structures  de proximité. Dans les deux cas, le manque de personnel pénalise notre travail.
Que vous apportent les associations de patients ?
Pr. J-P Boulenger 
Présentes dans nos etablissements , les associations en santé apportent un complément indispensable aux soins. Elles ont une expérience de la maladie au quotidien et de ses séquelles sur la vie familiale. Elles aident les proches à s’orienter dans les parcours administratifs. A Montpellier elles ont créé des groupes d’entraide mutuelle (GEM) avec des patients stabilisés et interviennent aussi pour sensibiliser les Agences régionales de santé aux besoins des malades psychiatriques. Elles financent des dispositifs telle l’Unafam qui prend en charge la location de locaux pour le compte d’une structure médico-sociale. Par contre, je regrette l’absence de pairs aidants à La Colombière. Au Québec, le Programme Pairs Aidants Réseau forme des personnes qui vivent avec une maladie mentale pour travailler comme intervenants -avec la plus value de leur savoir expérientiel- au sein des services de santé. Ces personnes ainsi formées occupent un emploi rémunéré au même titre que les autres professionnels. Elles s’impliquent dans le réseau de soins pour soutenir d’autres personnes. Elles partagent leur histoire de traitement et leur rétablissement «afin de redonner espoir, de servir de modèle d’identification. Elles inspirent, soutiennent et informent les personnes souffrant de la même pathologie».
La recherche en psychiatrie à l’Hôpital La Colombière et au CHU de Montpellier
Avec le support unité de recherche Inserm 1061 de nombreuses recherches sont organisées au CHU , notamment sur les conduites suicidaires et les facteurs qui entrent en jeu au moment du passage à l’acte,  sur les troubles du comportement alimentaire mais aussi sur les caractéristiques des déficits cognitifs des patients autistes et des patients schizophrènes  let leurs nouvelles techniques de prise en charge. Plusieurs centre-experts du réseau FondaMental ont été créés récemment et bénéficient du réseau de coopération scientifique en santé mentale déployé par cette Fondation.
Marie-Georges Fayn

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