La découverte du 1er gène responsable du prolapsus mitral se raconte comme une belle histoire avec des patients qui alertent, des médecins qui explorent une piste généalogique improbable, des chercheurs internationaux qui unissent leurs compétences et à la clé une avancée de 1er plan sur la compréhension de cette pathologie !
Tout a commencé en 1996 : Deux patients hospitalisés dans le service de cardiologie de l’institut du thorax souffrent d’un prolapsus mitral. D’ordinaire, la valve mitrale impose un sens unique à la circulation du sang dans le cœur. Chez ces patients, cette valve fuit et entraîne une insuffisance cardiaque, maladie chronique très invalidante qui provoque, entre autres, une fatigue intense. Le prolapsus mitral touche 2% de la population mondiale. Son mécanisme est inconnu et il n’existe pas de prévention.
Rapidement, les médecins de l’institut du thorax constatent que ces deux patients sont deux cousins issus d’une famille de la région du bocage vendéen. Ils s’interrogent sur l’origine génétique de leur maladie. Ils entament donc la recherche du gène responsable, en collaboration avec les équipes de génétique et de généalogie. Ils identifient deux familles originaires de la région, dont celle des deux cousins et leur retrouvent un ancêtre commun…huit générations plus tôt.
En 2006, l’institut du thorax publie une découverte de portée internationale : l’identification du premier gène responsable du prolapsus mitral. C’est une étape cruciale qui confirme le caractère héréditaire de cette maladie.
Après plusieurs années de collaboration internationale avec d’autres spécialistes internationaux de cette pathologie, les chercheurs nantais publient leurs travaux dans la prestigieuse revue Nature Genetics du 24 août 2015. Dans la vidéo associée, ils présentent de nouveaux gènes impliqués dans cette maladie.
Maladie cardiaque commune, le prolapsus de la valve mitrale touche 2 à 5% de la population mondiale. Cette pathologie dégénérative peut entraîner de graves complications cardiaques et nécessiter une réparation chirurgicale.
La recherche en marche
Les études multicentriques réunissent les équipes du département de génétique du Professeur Xavier Jeunemaître et du département de cardiologie du Professeur Albert Hagège de l’Hôpital Européen Georges Pompidou (HEGP), de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, associées aux équipes de recherche du PARCC (Paris-Centre de recherche Cardiovasculaire (InsermUMR_970/Université Paris-Descartes) et en collaboration avec les équipes de cardiologie du Professeur Hervé Le Marec et de génétique du Docteur Jean-Jacques Schott de l’Institut du thorax (Inserm UMR_1087/CNRS UMR_6291), rattaché à l’Université et au CHU de Nantes. Ces travaux sont présentés dans une vidéo en anglais accessible au grand public.
Les équipes françaises de l’HEGP, du PARCC et de l’Institut du thorax à Nantes collaborent étroitement avec les équipes de cardiologie du Pr Robert Levine et de génétique du Pr Susan Slaughenhaupt de Boston (Etats-Unis),ainsi que d’autres équipes appartenant au réseau international Leducq Mitral, dédié à la recherche sur les pathologies de la valve mitrale.
Identification, analyse, hypothèse, démonstration, suivi de familles, tests : les étapes de la recherche
Les chercheurs ont identifié pour la première fois plusieurs gènes de susceptibilité à la forme commune du prolapsus valvulaire mitral, source de troubles du rythme cardiaque ou d’insuffisance cardiaque. L’analyse comparative d’un très grand nombre de polymorphismes génétiques sur l’ensemble du génome réalisée à grande échelle (2312 cas pathologiques comparés à 8296 témoins) a permis de mettre en évidence six régions chromosomiques (loci) associés au prolapsus de la valve mitrale.
Grâce à un travail fonctionnel effectué sur des modèles animaux (poisson-zèbre, souris), les équipes ont montré la responsabilité très vraisemblable d’au moins deux gènes appartenant à ces loci : d’une part le gène TNS1 codant pour la tensine 1, une protéine importante dans les interactions cellulaires, d’autre part, le gène LCMD1 codant pour la dyxine, protéine impliquée de manière essentielle dans le développement des valves cardiaques. D’autres gènes de susceptibilité sont en cours d’étude.
Par ailleurs, l’étude d’une grande famille américaine et de deux familles françaises sur plusieurs générations a permis à ces mêmes équipes de mettre cette fois-ci en évidence des variants génétiques plus rares sur le gène DCHS1, codant pour une molécule d’adhésion cellulaire de la famille des protocadhérines. Là encore, des études fonctionnelles sur des modèles animaux (poisson-zèbre, souris) ont montré l’importance de cette protéine dans la morphogenèse valvulaire cardiaque. Ces travaux seront publiés (version print) dans la revue Nature du 3 septembre prochain.
En conclusion, ces travaux sont à l’origine d’une avancée majeure dans la compréhension de la physiopathologie moléculaire de la valve mitrale cardiaque et ouvre des perspectives d’outils thérapeutiques.
*mot de passe pour lire la vidéo : ng.3383
Références
Dina et al. Nature Genetics 2015 Aug 24 doi: 10.1038/ng.3383. [Epub ahead of print]
Durst et al. Nature. 2015 Aug 10. doi: 10.1038/nature14670. [Epub ahead of print]
Contacts scientifiques
Christian Dina (CNRS), l’Institut du Thorax, INSERM UMR1087 / CNRS UMR 6291, Nantes, christian.dina@univ-nantes.fr;
Nabila Bouatia-Naji (INSERM), INSERM U970 – PARCC, Paris, nabila.bouatia-naji@inserm.fr