Expérience originale en France, le Pôle Aquitain de l’Adolescent illustre la volonté d’adapter le service public aux besoins des différentes populations. Après la création d’hôpitaux mère-enfants, de centres d’accueil pour personnes âgées, c’est au tour des 10-25 ans d’être accueillis dans des structures spécifiques.
Un hôpital pour adolescents
Le Pôle Aquitain de l’Adolescent est un ensemble hospitalier qui associe sur un même site, au sein du CHU de Bordeaux et en partenariat avec le Centre Hospitalier de Charles Perrens, des modalités d’accueil et de prise en charge des 10-25 ans articulant prestations médico-psycho-sociales, activités d’expression éducatives et sportives, soutien scolaire et assistance juridique.
L’intérêt et l’originalité d’un tel dispositif résident notamment dans les aspects suivants :
– une unité de lieu avec une situation en centre-ville et une accessibilité facilitée par l’implantation du pôle hors des structures psychiatriques traditionnelles ;
– une reconnaissance de la spécificité que requièrent aujourd’hui l’accueil et la prise en charge des 10-25 ans ;
– une approche médicalisée à dimension pluridisciplinaire et une offre de soins diversifiés et complémentaires incluant la prise en compte des besoins non médicaux des adolescents en souffrance ;
– la cohérence d’un ensemble intégrant sur un même site une consultation polyvalente à « large entrée » et des unités d’hospitalisation spécialisées en fonction de l’âge des patients et/ou de la nature des troubles présentés ;
– l’insertion du pôle comme maillon d’un réseau loco-régional constitué par les intervenants et les diverses structures des champs sanitaires, socio-éducatifs et judiciaires en charge des jeunes, évitant l’hospitalo-centrisme au profit de prestations partenariales ouvertes en amont et en aval ;
– une composante universitaire faisant du pôle un site de formation et de recherche en lien étroit avec les divers organismes dévolus à ces missions.
Organisation du Pôle Aquitain de l’Adolescent
Le Pôle Aquitain de l’Adolescent est implanté au centre Jean Abadie, structure appartenant au CHU de Bordeaux et rattachée au groupe hospitalier Saint-André.
Le pôle associe de manière complémentaire et synergique deux équipes hospitalières : celle du Dr Xavier Pommereau et celle du Pr Manuel Bouvard. Il est composé de quatre unités fonctionnelles articulées entre elles, à savoir :
– la Consultation polyvalente pour adolescents mise en place conjointement par le CHU de Bordeaux et le CH Charles Perrens. Ouverte aux 10-25 ans, elle est assurée par des consultants somaticiens (neuropédiatre, gynécologue, dermatologue, nutritionniste), psychiatres et pédopsychiatres, psychologues, assistantes sociales, diététiciennes, orthophonistes et psychomotriciens. La Consultation comporte également une assistance juridique gratuite tenue par des avocats ;
– le Service universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (Pr Bouvard) constitué de 10 lits à temps complet et de 5 lits de jour spécifiquement destinés aux 8-16 ans souffrant notamment de dépressions sévères, de troubles graves des conduites à début précoce, d’altération majeur du sommeil ;
– l’Unité médico-psychologique de l’adolescent et du jeune adulte (UMPAJA) dirigée par le Dr Pommereau et constituée elle-même de deux unités distinctes : une unité pour troubles des conduites alimentaires (UTCA) composée de 8 lits à temps complet et de 4 lits de jour, pour les 14-25 ans souffrant d’anorexie-boulimie ; une unité pour les adolescents suicidaires composée de 15 lits à temps complet, destinée aux 14-25 ans ayant effectué une tentative de suicide ou se signalant par des conduites de risque répétées.
Si l’unité pour jeunes suicidaires a eu dix ans d’existence en novembre 2002, les trois autres composantes du Pôle ont été progressivement mises en place au cours de cette même année. Leur fonctionnement est opérationnel depuis septembre 2002. D’ores et déjà, les unités fonctionnelles du Pôle Aquitain de l’Adolescent bénéficient, en fonction de leurs besoins et de leurs orientations, de l’intervention in situ de professionnels n’appartenant pas au champ sanitaire : professeurs bénévoles de l’Association de Soutien Scolaire aux Enfants Malades (ASSEM), éducateurs sportifs de la Ville de Bordeaux, avocats du Centre de Recherche d’Information et de Consultation sur les Droits de l’Enfant (Association CRIC).
L’étude et l’évaluation de ce dispositif peut aider d’autres CHU et grandes métropoles françaises à développer des modalités thérapeutiques similaires.
La souffrance psychique des adolescents
On estime actuellement que 15 % des adolescents présentent des signes tangibles de souffrance psychique s’exprimant à travers des troubles et/ou des comportements variés (pathologies psychosomatiques, troubles des conduites alimentaires, consommation de substances psycho-actives, épisodes dépressifs, comportements suicidaires, prises de risque inconsidérées).
Le problème est que ces manifestations recouvrent un vaste champ s’étendant des plaintes somatiques diverses à des comportements dont l’issue peut être fatale :
– les deux premières causes de mortalité chez les moins de 25 ans sont les accidents de la route et les suicides ;
– 5 % des anorexiques meurent chaque année des conséquences de leur comportement alimentaire pathologique ;
– l’usage précoce et régulier de tabac, d’alcool et d’autres drogues (notamment le cannabis et, de manière croissante, l’ecstasy) expose les jeunes à des risques d’accident plus fréquents et, à moyen terme, à des répercussions somato-psychiques graves ;
– d’autres conduites à risque mènent à l’IVG, aux maladies sexuellement transmissibles, à la désinsertion scolaire ou professionnelle, aux violences agies, etc. La plupart de ces troubles auront à l’âge adulte des conséquences qui dépendent largement de la précocité du diagnostic et des modalités thérapeutiques entreprises.
La nécessité de proposer un lieu de soins adapté aux exigences des adolescents
Les signes de souffrance psychique doivent être reconnus, explorés et traités en regard de trois impératifs majeurs : intervenir le plus tôt possible, proposer des soins adaptés à l’âge et aux troubles observés, rechercher l’alliance thérapeutique avec les parents. Mais l’adhésion des adolescents à de telles exigences est fonction d’autres paramètres : crainte du jugement ou de la stigmatisation à travers les signes exprimés, évitement des lieux trop marqués par la maladie mentale, défiance vis-à-vis des soins à médiation exclusivement individuelle et verbale, besoin d’appartenance à un groupe de pairs perçus comme « semblables », aspiration à une prise en charge globale de l’état de mal-être incluant les problèmes relationnels, les difficultés scolaires et sociales, les préoccupations corporelles, la nécessité de « bouger », etc.
Dans un tel contexte, il est apparu essentiel d’adapter les conditions hospitalières en termes d’accueil, d’évaluation et de soins pour les jeunes (en ambulatoire et/ou en hospitalisation à temps complet ou partiel), afin de prendre en compte ces différents aspects. Bien plus, il s’agit de réaliser un véritable « plateau technique relationnel » vers lequel et à partir duquel peuvent s’établir des passerelles reliant les champs sanitaires, socio-éducatifs et judiciaires.
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Adresse :
Pôle Aquitain de l’Adolescent
CHU de Bordeaux
Centre Jean ABADIE
89 rue des Sablières
33000 Bordeaux