Ancien conseiller santé du Premier ministre François Fillon et ancien Directeur général de CHU, David Gruson publie une fiction d’anticipation – « S.A.R.R.A, une intelligence artificielle », édité par Beta Publisher – qui incite tout un chacun à de profondes réflexions sur le rôle assigné aux nouvelles technologies. Comme l’a très justement souligné l’auteur lors du lancement de l’ouvrage le 19 juin, « l’œil de S.A.R.R.A nous scrute ».
« David Gruson nous plonge au cœur même de la machine étatique, médicale et policière qui doit gérer les conséquences des avancées technoscientifiques dans les circonstances alarmantes et angoissantes d’une crise sanitaire aiguë aux risques majeurs », résume dans la préface du roman le Pr Guy Vallancien, membre de l’Académie nationale de médecine. David Gruson nous projette de fait dans quelques années, en 2025, en plein cœur d’une capitale, Paris, confrontée à un risque d’épidémie d’Ebola, potentiellement en lien avec une attaque terroriste.
Quelle réponse apportera une intelligence artificielle dans un contexte où « la machine administrative, politique et médiatique est prête à s’emballer » ?Polarité. Titulaire d’un DEA en technologies de l’information et de la communication, David Gruson a été profondément marqué par la lecture des ouvrages de Paul Watzlawick, et plus particulièrement par « La réalité de la réalité ». « De toutes les illusions, la plus périlleuse consiste à penser qu’il n’existe qu’une seule réalité. En fait, ce qui existe, ce sont différentes versions de la réalité […] », écrit notamment le docteur en philosophie autrichien. Une réflexion qui peut être reliée à l’appréciation très polaire que nous portons sur l’intelligence artificielle. « Il n’y a pas de réactions neutres. Certains la jugent rassurante quand d’autres la qualifient au contraire de très inquiétante », explique David Gruson. « L’idée de ce roman est née lorsque je dirigeais le CHU de la Réunion. Fin 2014, nous avons été confrontés à une suspicion de cas Ebola. S.A.R.R.A est née à ce moment-là. Elle détecte le risque et prend des mesures de gestion ». Et de poursuivre. « Les percées technologiques nous ont montré les limites de la réflexion sur la maîtrise que nous pouvons et devons en avoir. Si dans le champ de la santé, la mise sous algorithme de nos vies peut être enthousiasmante dans la mesure où elle fait progresser les connaissances, dans le champ épidémiologique par exemple, elle peut aussi réduire notre libre arbitre. Malheureusement, l’idée de machines tueuses nous voulant du mal a souvent masqué les vraies questions portant sur le contrôle et la régulation ; la réflexion ne peut être que collégiale, et ne s’instaure pas automatiquement. »
Automatisme. Au-delà du débat citoyen qu’elle alimente, S.A.R.R.A est-elle porteuse d’un message pour les équipes administratives et soignantes des CHU ? « C’est une fiction qui soulève effectivement beaucoup de questionnements. S.A.R.R.A incite à la prise de recul dans un contexte où les Directeurs généraux travaillent souvent en tension, et sous un régime d’injonctions paradoxales. Le système nous rend parfois plus automates que les machines elles-mêmes. Or le risque naît de l’absence de prise de recul. Il convient donc sans doute de repositionner l’exercice professionnel, de capitaliser sur ce qu’apporte la technologie tout en ne perdant jamais de vue qu’elle aussi se manage et se pilote. Il y a du chemin à faire… ». Et ce, sans perdre de temps… « Le livre a été écrit pendant l’été 2017 et certains éléments de pure fiction sont déjà devenus réalité. Par exemple, il y a quelques semaines, la Food and Drug Administration (FDA), l’agence américaine du médicament, a autorisé le diagnostic d’une rétinopathie diabétique par intelligence artificielle sans la supervision d’un médecin », conclut David Gruson.