Ce n’est pas nous qui les divertissons, ce sont eux qui nous régalent ! L’initiative conjointe du CHU et du Musée d’Art et d’Industrie de Saint-Etienne menée auprès des personnes âgées de la Charité tient à la fois du partage d’une mémoire ouvrière, de la complicité des rencontres intergénérationnelles et du plaisir de découvrir une philosophie du quotidien que la conservatrice Nadine Besse appelle si justement la «stéphanitude».
Durant 2 ans, trois jeunes médiatrices culturelles sont allées à l’écoute de vingt patients du pôle gériatrie. Elles ont réveillé les souvenirs du passé industriel, de Manufrance ou de l’Union Rubanière, quand les cycles, les armes et les rubans étaient la fierté de tout un bassin et attiraient les immigrés. C’est l’histoire des vies de tous les jours des années 20 à 70 que les grands parents lèguent à leurs petits enfants dans des fragments de dialogue qui sont autant de trésors :
« (…) je me tenais sur le vélo (elle sourit). Maintenant je ne me tiens même pas sur ma canne » Madame Fournel.
« Votre machin, un peu comme ça (il s’agit de la clé USB de forme rectangulaire), il fallait l’encadrer dans les dents et après le retailler… » Madame Dussauze.
« Il fallait bien travailler à quelque endroit pour gagner quelque chose. C’est que, vous savez, on n’avait pas des rentes et il fallait travailler » Madame F.
Des champs, ils sont passés à l’usine, survivant à une guerre et à une révolution. Leurs capacités d’adaptation sont surprenantes. «Ne sont-ils pas des témoins pour nos jeunes générations inquiètes et démotivées par la mondialisation, la transformation du monde industriel, la crise économique ou les nouvelles formes de travail ?» s’interroge le Pr Régis Gonthier, responsable du pôle gériatrie et médecine interne.
Rien de paternaliste ni de complaisant dans ce recueil mais « la volonté du CHU de considérer le malade dans sa globalité et de favoriser l’élaboration de véritables projets de vie dans les unités de long séjour » résume Robert Reichert, directeur général du CHU de Saint-Etienne. « Le temps retrouvé » replace les patients du pôle gériatrie dans une dynamique de vie. Energie communicative qui au final est bien le propre de toute action culturelle et de tout soin.
Joëlle. – Vous m’avez parlé, entre autre, de votre métier, du métier de votre papa, de Vélocio, de la métallurgie… Toutes les choses que vous m’avez dites, c’est très précieux pour nous.
Madame Hydulphe. – Elle me flatte, cette dame !
Le temps retrouvé, musée d’art et d’industrie de Saint-Etienne 118 pages – sept 2009 – 15 euros
A noter également les portraits pris dans l’instant de la confidence, le tout mis en scène par une maquette qui transforme l’ouvrage en un superbe album photos.