Huit mois de navigation ponctués de seulement quatre escales. C’est dans cette expédition océanique que s’est embarqué Bertrand Delhom. Atteint depuis l’âge de seize ans de dystonie cervicale, touché par une tumeur au pancréas puis amputé d’un pied, cet homme qui se dit « doué pour les emmerdes de santé » a également été diagnostiqué de la maladie de Parkinson en 2021. Revendiquant des capacités physiques et mentales malgré tous les désagréments imposés par la vie et par la maladie, Bertrand Delhom se lance alors un nouveau défi fou : participer à l’Ocean Globe Race 2023 aux côtés du chirurgien ophtalmologue à la retraite, Tanneguy Raffray. Si c’est leur passion commune pour le large qui les a réunis, un autre objectif rythme leur parcours : sensibiliser sur la maladie de Parkinson et donner de l’espoir aux quelques 8,5 millions de personnes diagnostiquées à travers le monde (selon l’OMS). Une initiative illustrée par leur devise, arborée fièrement sur leurs voiles « Qui ose vivra ! ». Lourd de sens, ce slogan donne par ailleurs son nom au podcast couvrant leur périple, et auquel participent des professionnels du CHU de Rennes (retrouvez notre article sur la prise en charge de la maladie au CHU de Rennes).
Des spécialistes du CHU de Rennes mobilisés
L’objectif est posé. Montrer que tout est possible même lorsque l’on est touché par la maladie. Pour cela, une couverture médiatique s’impose. Si l’équipage communique via les réseaux sociaux lors des escales, un podcast, financé par la Fondation d’Entreprise Ircem, a également été spécialement produit pour le projet Neptune. Suivant de près – mais à distance – la traversée, deux médecins, le Dr Cezara Hanta, neurologue, et le Dr Rémy Thirion, gériatre, commentent l’état de santé général de Bertrand Delhom. Ces derniers, spécialistes de Parkinson, reviennent à chaque épisode sur les notes vocales envoyées par Bertrand Delhom à bord du navire. L’occasion pour eux d’opérer un véritable décryptage pour donner de l’information sur la maladie. Les sujets abordés sont variés : état des lieux des symptômes ressentis à terre et en mer, médication, difficultés rencontrées, place du sport dans la maladie etc. Par leurs échanges, on comprend aussi les différences que peut ressentir un patient atteint de Parkinson dans un quotidien ordinaire et celui vécu dans les conditions précaires mais galvanisantes de l’océan.
Accueillir Parkinson à bord
« Le symptôme le plus embêtant à bord d’un bateau, c’est la gestion de l’équilibre. » pose Bertrand Delhom dès le premier épisode du podcast. D’ailleurs, les symptômes qui altèrent le quotidien, il ne les compte plus : tremblements, fatigue, douleurs, digestion, dépression, lenteur etc. « La liste est longue comme la mort, écrit-il sur sa page Linkedin. Car à bord, tous les symptômes lui semblent décuplés. En revanche, la fatigue, si elle est bien présente sur le bateau, n’est pas mentionnée avec autant de force et de spontanéité que sur terre. Une tolérance différente qui interroge les deux spécialistes du CHU de Rennes. « Ce qu’il y a d’extraordinaire avec la maladie de Parkinson, c’est que souvent il y a un petit manque de motivation, un peu d’apathie qui peut survenir (…). Chez Bertrand c’est tout le contraire. Il a franchi le pas de ce manque d’initiative qui caractérise parfois les patients Parkinsoniens. Cette envie de faire peut aussi soulager la fatigue. », réagit le Dr Cezara Hanta.
Membre à part entière du Neptune et responsable de toute la logistique du navire, Bertrand Delhom, soixante et un ans, ne laisse pas sa maladie prendre le dessus, malgré les désagréments qu’elle implique. « Bertrand ne se plaint jamais, j’aimerais qu’il le fasse un peu plus ! » s’exclamait Tanneguy Raffray lors du troisième épisode. Pour le reste de l’équipage, cette attitude agit comme un véritable booster de motivation.
« Je veux prolonger cette lune de miel ! »
Si les symptômes se développent au fur et à mesure du temps, les premières années de traitement de la maladie apparaissent comme étant les plus douces. Une période d’environ dix ans couramment appelée « lune de miel », au cours de laquelle la prise de médicaments démontre son efficacité. Bertrand Delhom, lui, en fait une devise personnelle qu’il partage avec force sur sa page Linkedin : « Je veux prolonger cette lune de miel ! » Des mots qui en disent long sur cette volonté de combattre, ou du moins de faire face, aux effets négatifs de la maladie. Rester actif, poursuivre sa passion et rendre possible ce qui semblait à beaucoup impossible, c’est sa manière de répondre aux conséquences néfastes de la pathologie. « Ca m’évoque la façon dont chacun, face à une épreuve, va essayer de se dépasser. On voit que Bertrand est quelqu’un d’extrêmement volontaire. Finalement, on ne sait pas trop si c’est un navigateur qui a envie de naviguer et qui fait sa traversée malgré Parkinson, ou quelqu’un qui fait de l’épreuve un levier, comme une motivation ou un marchepied vers le dépassement. », réagit Rémy Thirion (CHU de Rennes).
Cette force de caractère n’a rien de nouveau. Avant d’embarquer, Bertrand Delhom en avait fait la preuve dans une préparation physique et mentale de neuf mois, période durant laquelle il avait notamment appris l’autohypnose pour gérer les douleurs à bord. Véritable figure du dépassement de soi, il cherche à insuffler de l’espoir aux patients touchés et à travers ce projet, « déplacer des montagnes d’eau sur tous les océans. »
Océane Rolland
Pour aller plus loin, retrouvez notre dossier sur la maladie de Parkinson ainsi que notre article sur la prise en charge de la maladie au CHU de Rennes.
Les épisodes du podcast « Qui ose vivra ! »