Après le succès de l’intervention de la célèbre cantatrice Denia Mazzola Gavazzeni au chevet des patients hospitalisés dans l’Unité de soins palliatifs du CHU de Nice, mercredi 24 mars 2010, patients, médecins, infirmiers, bénévoles, artistes, tous, réclament la mise en place d’interventions d’art lyrique régulières auprès des personnes en fin de vie.
« Il s’agissait d’une expérience que nous pressentions riche. La réalisation a été au delà de nos espérances. Les artistes ont su adapter leur art à la situation et entrer en relation avec tact avec les personnes en souffrance. Des visages se sont illuminés. Des peines ont pris une dimension spirituelle. La qualité des voix y était pour beaucoup mais aussi la sensibilité et la communication des êtres » écrit le Dr Ciais, responsable de l’Unité, dans une lettre de remerciement adressée à Mme Mazzola.
« Il s’agit d’un véritable souffle de vie, un moment de grâce qui nous aide dans notre chemin de croix » a confié Murielle, atteinte d’une maladie grave des os dégénérescente.
Les personnes présentes mercredi à l’Hôpital Archet 2 ont été témoins d’un moment d’exception. « Nous avons vu des personnes mourantes reprendre contact avec la vie l’espace de quelques secondes au travers d’un sourire, d’un geste de la main pour battre la mesure, d’une bouche muette qui pourtant chantait. »
Denia Mazzola Gavazzeni, soprano de renommée internationale, accompagnée au piano par Margherita Colombo et au chant par la Basse, Marco Sportelli, a su atteindre les patients de l’unité comme aucun membre de l’équipe médicale n’avait pu le faire auparavant. Même la psychologue du service a reconnu sa stupéfaction lorsque Denia s’est adressée à une dame qui jusqu’à présent n’était entrée en communication avec personne tant sa souffrance la recroquevillait sur elle-même. Elle avait les poings serrés. La mâchoire crispée. Les yeux fermés. Elle ne voulait pas entendre chanter. Et puis, dans le couloir elle a entendu la voix de Denia et d’un signe de la tête a fait signe à l’infirmière d’ouvrir la porte de sa chambre. Alors la diva magicienne s’est mise à son chevet. « Dans son lit de souffrance, crispée comme une pierre qui refuse tout, on lui a adressé la parole, je lui ai demandé si je pouvais lui chanter un petit lieder de Schuman, comme elle n’a pas répondu, j’ai commencé Du bist wie eine Blume (tu es comme une fleur). Et soudainement, sa main s’est relâchée, les traits de son visage, figés comme un masque, se sont détendus, ses yeux se sont ouverts et sa bouche qui était jusqu’alors fermée à clef, nous a soufflé « magnifique…merci », c’est là qu’elle a essayé de s’arranger les cheveux, geste d’une coquetterie qui peut revenir comme un rêve passe sur notre vie, grâce au pouvoir de la musique qui nous fait oublier les souffrances du moment ». Denia ne l’a pas guérie mais d’une certaine manière si. Car la plus grande difficulté pour les soignants faces aux personnes en fin de vie est de ne pas parvenir à soulager leur souffrance morale. Pour les douleurs physiques, ils ont tout un panaplie de médicaments à prescrire, mais face à la douleur de l’âme, ils se sentent démunis.
Le parcours lyrique a commencé par l’accompagnement d’une famille en deuil. A chaque patient, la cantatrice a su adapter son répertoire et la puissance de sa voix. Car chacun a un sens vibratoire propre. « Cette expérience a été pour nous plus que difficile sans aucun précédent d’expérience, mais elle nous a tirés fortement vers le haut parce que c’est justement à notre prochain en fin de vie, en vide total d’énergie que je voulais apporter notre petit réconfort à travers le talent de la voix que nous avons reçu ».
Ce à quoi Murielle a répondu : « Que dieu vous bénisse, vous nous avez préparé au trépas sans peur ». N’est-ce pas là l’essence même du soin palliatif ? Ce 24 mars 2010 marquera sans aucun doute le début de l’histoire de la voix chantée comme thérapie de l’âme.