Généralisation du tiers payant, salles de consommation de drogue à moindre risque, suppression du délai de réflexion pour l’IVG, paquets de cigarettes neutres… Le projet de loi de Marisol Touraine, ministre de la santé, vise à moderniser « le système médical français pour qu’il perdure ». Le texte se structure autour de trois orientations : le renforcement de la prévention, la réorganisation autour des soins de proximité à partir du médecin traitant, le développement des droits des patients. En discussion à l’Assemblée jusqu’à mi-avril, il a suscité 2 400 amendements, des grèves et défilés dans la rue de médecins, des manifestations de buralistes et d’innombrables commentaires publiés dans la presse et sur les réseaux sociaux. Il n’empêche, le 14 avril le texte était voté à l’Assemblée Nationale par 311 voix contre 241. Actuellement le Sénat examine ses 58 articles en procédure accélérée. La loi devrait être adoptée d’ici juillet 2015.
Retour sur les principales mesures retenues par les médias
Généralisation du tiers payant. La dispense d’avance de frais des assurés se mettra progressivement en place et deviendra un "droit" pour tous fin novembre 2017. Les patients apprécient cette mesure empreinte de justice sociale qui doit aider à lutter contre le renoncement aux soins mais les praticiens se crispent et dénoncent une étatisation de la santé, une procédure complexe et surtout une surcharge de travail administratif – cf le nouvel obs du 9 avril ( lire aussi les propos des députés pour et contre )
L’expérimentation de "salles de shoot"
«Les salles de consommation de drogue à moindre risque (SCMR)» ou "salles de shoot" vont être expérimentées pendant six ans maximum. Objectif : réduire les risques sanitaires de transmission du sida et de l’hépatite C liés à la toxicomanie par injection. De telles salles existent déjà dans une dizaine de pays, la première a été ouverte en Suisse en 1986. Destinées aux toxicomanes majeurs précarisés, ces salles gérées par des professionnels seront supervisées par une équipe pluridisciplinaire, avec des professionnels de santé et du secteur médico-social. Inconnues jusqu’ici en France, les salles de shoot sont présentées au public par les journalistes, France info du 15 avril, mediapart, AFP, libération du 7 avril.
Les controverses portent sur l’opportunité d’accueillir des personnes qui ont coupé les ponts avec la société plutôt que de les aider à guérir. L’AFP et Libération du 7 avril avancent un budget. « 800 000 euros par an, si l’on se base sur le projet d’expérimentation parisien », selon la ministre de la Santé.
Suppression du délai de réflexion avant une IVG
Jugé « culpabilisant », le délai de réflexion de 7 jours imposé pour une IVG a été supprimé. L’enjeu de cette disposition : simplifier l’accès à l’avortement et en faire un droit à part entière. La presse reprend la nouvelle et revient sur l’histoire de la loi votée en 1975 à l’initiative de Simone Veil. Les dispositions prévoyaient « deux consultations médicales obligatoires avant l’IVG, avec un délai de réflexion d’une semaine entre les deux, qui peut cependant être réduit à 48 heures en cas d’urgence, c’est-à-dire lorsque le délai légal de 12 semaines de grossesse approche.» rappelle 20 minutes et l’AFP du 9 avril Entre 210 000 à 220 000 IVG sont réalisées chaque année en France
Le consentement présumé au don d’organes
A partir de 2018, le consentement au don d’organes sera présumé chez toute personne majeure décédée, sauf si son nom figure dans le registre national des refus, principal moyen automatisé d’exprimer son refus. Auparavant consultés, les proches seront uniquement informés « des prélèvements envisagés et de la finalité de ces prélèvements ». Invitée de RTL, mercredi 15 avril, Marisol Touraine assure que "le don d’organes est présumé consenti depuis plus de trente ans" et que le projet de loi qu’elle a présenté n’introduit aucune nouveauté dans ce domaine.
Dans un communiqué largement repris dans la presse, l’Ordre des médecins « s’oppose à ce que les proches soient exclus de ce processus » et propose que le prélèvement d’organes « soit subordonné à la décision (de la personne), de son vivant, ou à défaut, à l’assentiment de ses proches ».
Le paquet de cigarettes "neutre"
No logo, no packaging, no distinctive mark. Avis aux cigarettiers dans le cadre du plan de lutte contre le tabac, les buralistes ne pourront proposer à la vente que des paquets de cigarettes neutres, ayant tous la même forme, la même taille, la même couleur et la même typographie, sans aucun logo – et ce à partir de mai 2016. Le nom de la marque continuera toutefois d’apparaître en petit sur les paquets dans une typographie standard. Les messages sanitaires du type «Fumer tue» et les images visant à choquer le consommateur occuperont 65% de la surface du paquet. Le but étant de rendre les paquets moins séduisants. Une mesure déjà appliquée en Australie et qui devrait réduire le bilan meurtrier des « 73.000 »décès imputés chaque année au tabac précise l’AFP du 8 avril dont la dépêche a été largement reprise dans les quotidiens et magazines nationaux. Cette mesure fait « tousser les buralistes » note l’Express du 3 avril.
Et aussi
Le droit à l’oubli pour les 3 millions de personnes, malades et anciens malades guéris d’un cancer qui pourront emprunter sans avoir à mentionner leurs pathologie, ni à répondre à des questions sur ce sujet.
Interdiction faite aux hôpitaux de contracter des emprunts dits « toxiques »
Fin de l’interdiction des soins funéraires pour les personnes séropositives
Mise en place de logos nutritionnels
De nouveaux "logos nutritionnels" de différentes couleurs doivent apparaître sur les aliments industriels, selon leur qualité nutritionnelle, pour orienter les consommateurs et prévenir l’obésité.
Obligation de transparence : accès facilité et encadré aux données de santé
La loi prévoit aussi la création d’un système national des données de santé rendues anonymes (SNDS) qui rassemblera notamment les data du système national d’information inter-régime de l’Assurance maladie (Sniiram) comprenant les prescriptions et les remboursements et celles du Programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI) des hôpitaux. Objectif : faciliter les études de santé publique ou médico-économiques. Les organes de presse auront accès à ces données
L’interdiction d’employer des mannequins trop maigres
Inscription d’un nouveau délit d’incitation à la maigreur excessive, visant notamment les sites internet "pro-ana" (pro-anorexie). Une infraction punissable d’un an de prison et 10.000 euros d’amende. Un amendement interdit l’exercice d’une activité de mannequin à toute personne dont l’indice de masse corporelle sera inférieur à des niveaux définis sur proposition de la Haute Autorité de santé. Une interdiction reprise dans tous les médias
Interdiction du bisphenol A dans la fabrication et la vente de jouets
Lutte contre le binge drinking
Pour lutter contre l’hyperalcoolisation des jeunes, l’article 47 prévoit d’interdire la vente de "produits qui rendent sympathique l’alcool ». La consommation excessive d’alcool est un phénomène qui prend de l’ampleur chez les jeunes : près de la moitié d’entre eux (46 % des 18-25) ont connu un état d’ivresse en 2014 selon Baromètre santé Inpes 2014.
Suisse, au CHUV : 50 CHF seront demandés aux patients en unité de dégrisement
Dans le même temps en Suisse, le Centre Hospitalier Universitaire Vaudois va tester durant 6 mois une Unité de dégrisement de 4 lits. Particularité : une participation de 50 CHF restera à la charge des patients accueillis. « Les admissions de jeunes fortement alcoolisés ou en coma éthylique aux urgences du CHUV ont augmenté : chez les 18-30 ans, elles sont passées de 125 par an en 2000 à 544 en 2010 » explique Darcy Christen, porte-parole du CHUV au Quotidien 24 heures. Une décision qui ne fait pas l’unanimité chez les médecins «Boire trop et finir aux urgences, est-ce un acte irresponsable ? Médicalement parlant, je pense que non. Nous sommes inégaux face à l’alcool. Il y a des gens qui ont une vulnérabilité génétique et psychologique qui les amène à boire beaucoup plus que les autres. Je note que la vulnérabilité individuelle liée à l’hypertension artérielle ou au cholestérol n’est pas discutée.» commente le chef du Service d’alcoologie du CHUV, le professeur Jean-Bernard Daeppen. «Pourquoi ne pas faire payer ceux qui fument trop ou mangent trop?» interroge le Dr Julien Ombelli. Et le Dr Thierry Favrod-Coune ? responsable alcool à l’Unité des dépendances des HUG de renchérir : « Il est probablement plus simple de se dire que ce comportement est l’apanage d’un certain nombre de jeunes irresponsables et qu’il suffit de leur taper sur les doigts plutôt que de réfléchir à notre société et de se demander pourquoi ils ont besoin de se biturer tous les samedis soir.» reprend Marie Nicollier du 27 mars.
L’article complet sur
Succès du cœur artificiel
Pour la troisième fois, le cœur artificiel Carmat a été implanté sur un septuagénaire le 8 avril, à l’hôpital Georges Pompidou (AP-HP). Une information médicale qui fait la une de la presse financière et économique. Dans un article publié dans Libération du 27 avril, Eric Favereau évoque la prouesse tout en regrettant « la discrétion » voire « l’opacité » de la société de biotechnologie qui verrouille sa communication.
Lire aussi https://www.chu-media.info/article/mars-2015-sur-fond-de-reformes/
Marie-Georges Fayn
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