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Violences : fin de l’omerta à l’hôpital

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La semaine dernière, la Conférence des Doyens de facultés de médecine a publié un communiqué de presse co-signé avec l’Assistance Publique Hôpitaux de Paris (APHP), annonçant un engagement commun dans la lutte contre les violences au travail. Une déclaration qui fait suite aux récentes accusations de violences morales et sexuelles de Karine Lacombe à l’encontre du médecin urgentiste Patrick Pelloux.

Fin de l’impunité ? C’est un double engagement dans la prévention et la lutte contre les violences qui a été signé ce 16 avril par la Conférence des Doyens de facultés de Médecine et l’Assistance Publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP). Une action qui s’inscrit dans une forme de continuité. En effet, depuis 2021, une cellule est mise en place, – en plus de divers autres dispositifs de lutte -, au sein des facultés de médecine et des trente-huit hôpitaux d’Île de France, et ce afin de recueillir, traiter et orienter les signalements. Sur ce sujet, Nicolas Revel (Directeur Général de l’AP-HP) ainsi que les professeurs Rémi Salomon et Bruno Riou, tous trois signataires du communiqué de la semaine dernière, affichent ensemble une position ferme : « Qu’il s’agisse d’actes de violence verbale, physique ou morale, d’agissements sexuels et sexistes, de harcèlement moral ou de discriminations, les violences entre professionnels ne sont pas tolérables au sein de l’AP-HP. » Garantissant écoute, impartialité et confidentialité, l’AP-HP rappelle par ailleurs que des entretiens sont proposés en cas de plainte, pouvant donner lieu à des enquêtes internes et des prises de mesures disciplinaires (rappel à la règle, suspension, sanction etc.) Réitérant son engagement et son soutien auprès des victimes, l’AP-HP assure « qu’aucun signalement ne restera sans réponse. »

Karine Lacombe ou le rôle de détonateur

Le 10 avril, dans une enquête publiée par Paris Match, Karine Lacombe, cheffe de service hospitalier des maladies infectieuses à l’AP-HP, accusait le très médiatique Patrick Pelloux, médecin urgentiste, de harcèlement sexuel et moral. Loin du terrain judiciaire, l’objectif de Karine Lacombe est tout autre : donner l’opportunité aux victimes de prendre la parole et  de créer ainsi  « une prise de conscience » dans le monde de l’hôpital. « Je ne dénonce pas une personne en particulier, je rapporte des faits qui illustrent le côté systémique du harcèlement sexuel à l’hôpital » rappellera-t-elle quelques jours plus tard au micro de France info. Une prise de parole qui a été entendue puisque, selon l’infectiologue, des dizaines de témoignages affluent et pointent du doigts les agissements de Patrick Pelloux. 

Tandis que le syndicat des internes des hôpitaux de Paris (SIHP) appelle à témoigner, les signalements se multiplient dans l’ensemble du monde hospitalier, à travers le hashtag #metoohopital sur les réseaux. En réaction, Frédéric Valletoux, le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention, s’est exprimé sur X (ex-Twitter), envoyant un message clair : « Le sexisme et les violences sexuelles n’ont pas leur place à l’Hôpital. » Afin « d’amplifier les actions déjà menées », il doit réunir diverses associations, employeurs et professionnels de santé dans les prochains jours. 

Un baromètre pour les violences à l’hôpital

« 78% des femmes médecins ont déjà déclaré avoir été victimes de comportements sexistes, et 30% avoir subi des gestes inappropriés à connotations sexuelles ou des attouchements sans leur consentement. », avance le Dr Elsa Mhanna, neurologue et membre du bureau de l’Association Donner des Elles à la santé. « L’aspect systémique est bien mis en évidence. » poursuit-elle. Selon elle, plusieurs interprétations à ces chiffres sont possibles. C’est à la fois le contexte hospitalier, une certaine proximité au tragique, aux corps et à l’intimité que connaissent tous les soignants, qui permettent cet humour dit « grivois » et occasionnent des comportements violents. Mais ce qui permet à ces comportements de perdurer, c’est la chape de plomb qui les recouvre et avec eux, une quasi totale impunité. « Le milieu hospitalier a du retard sur les autres milieux professionnels. Souvent pour les victimes qui dénoncent certains comportements, il n’y a pas de suite. », rappelle Elsa Mhanna. 

Les CHU s’engagent face aux nombreux signalements 

Suite à la bombe lâchée par Karine Lacombe, la Conférence des présidents de CME de CHU déclare via son communiqué faire preuve de tolérance zéro « à l’égard de tout membre de la communauté médicale qui se rendrait coupable de manière avérée de telles violences. » Lui a emboîté le pas la Conférence des Directeurs Généraux de CHU qui, par la voix de son président Philippe El Saïr et du Directeur Général de l’APHM François Crémieux, fait savoir que « La lutte contre les violences sexuelles ou sexistes passera par leur dénonciation sans appel, la prévention par la formation auprès des plus jeunes, l’intervention claire dans les situations avérées et le cas échéant les sanctions à l’égard des auteurs mais aussi par la promotion déterminée de femmes aux responsabilités de cheffes de services, cheffes de pôles et leur présence à hauteur de ce qu’elles représentent dans les instances de gouvernance de nos CHU. »

Dans son communiqué, la Conférence en profite pour rappeler que les CHU se sont dotés depuis plusieurs années de « un ou plusieurs référents égalité homme-femme mandatés pour élaborer, mettre en oeuvre et évaluer leurs politiques dans le domaine. », ainsi que de comités égalité professionnelle qui « ont pour rôle d’apporter des solutions pour diminuer des inégalités et avoir une diversité de compétences dans tous les domaines. » L’an dernier, ce sujet de l’égalité homme-femme à l’hôpital, « vaste chantier », avait fait l’objet d’une table ronde sur le stand des CHU à Santexpo, à laquelle avait notamment participé Armelle Drexler, Samuel Rouget et Marie-France Olieric.

En attendant, les témoignages continuent à affluer. C’est notamment le cas à Rennes qui fait face depuis automne 2022 à une affaire de harcèlement moral et sexuel au sein du service de neurochirurgie. La direction du CHU s’est ainsi vue à la fois réduire l’activité de son service et conduire une enquête administrative interne. Si l’association intersyndicale nationale des internes a déposé plainte contre ces deux médecins le 18 octobre dernier, les neuf soignants ayant témoigné dans Paris Match sont, à l’heure d’aujourd’hui, poursuivis par l’Ordre des médecins  d’Ille-et-Vilaine et de Loire-Atlantique et par l’Ordre des infirmiers. 

En réaction aux récents événements entourant le monde de l’hôpital et le lancement du hashtag #metoohopital, l’InterSyndicale nationale des Internes republie une vidéo réalisée en 2021 intitulée Le harcèlement sexuel, issue de la série Protège ton interne. Lançant un appel à témoignage national, ceux-ci en profitent pour rappeler qu’en cas de harcèlement, les frais d’avocat pour le pénal et l’ordinal peuvent être pris en charge par l’ISNI. 

Océane Rolland

Ressources pour les internes : 

  • Ligne d’écoute 0 800 737 800 (gratuite et confidentielle de 10h à 21h en semaine et de 10 à 14h le samedi) 
  • L’ISNI : contact@isni.fr 

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