Occasion de renouveau, opportunité managériale… Près de la moitié des directeurs d’hôpital se déclarent stimulés par la création des groupements hospitaliers de territoire. Considérée comme un vecteur d’optimisation des ressources et de réduction des dépenses de santé, la réforme territoriale est aussi perçue comme une menace potentielle pour la profession « 60% des directeurs craignent une réduction de leur sphère d’autonomie », un quart évoque même une « envie de changer de métier ». Ainsi s’expriment les manageurs hospitaliers interrogés sur leur profession et les réorganisations territoriales à venir dans un sondage réalisé par l’Association nationale des Directrices et des Directeurs d’Hôpital (ADH)*.
Concernant les futures directions fonctionnelles de territoire coordonnant les mêmes charges transversales sur plusieurs sites comme les travaux et le patrimoine, les affaires économiques ou les systèmes d’information…, la profession se révèle partagée. Les plus favorables évoquent un gain d’efficience, une mutualisation des moyens et des compétences. Les plus réfractaires redoutent un éloignement du terrain, la dilution des responsabilités ou encore l’augmentation de la charge de travail.
Pour se préparer à ce chantier d’ampleur, les directeurs d’hôpital plébiscitent la formation continue (80%). Ils veulent aussi se sentir accompagnés et apprécieraient des « dispositifs de coaching » (60%). Les responsables souhaitent aussi que les situations individuelles soient prises en compte
RESEAU CHU a interrogé Frédéric Boiron, directeur général du CHU de Saint-Etienne qui effectue son second mandat à la tête de l’Association. Défenseur des regroupements, l’ADH soutient la réforme des GHT qui permet le développement concret de stratégies de groupe en s’appuyant sur un projet médical de territoire concerté. Selon le Président de l’ADH, pour réussir ces restructurations qui auront des conséquences majeures pour la population, les manageurs doivent disposer de règles de fonctionnement simplifiées, de cadres d’intervention plus souples. Ils doivent aussi pouvoir animer une large concertation avec toutes les parties prenantes.
« Ce sondage marque toute l’importance accordée par l’ADH au projet territorial » explique Frédéric Boiron. Sur le fond il est convaincu de l’adhésion de la profession des directeurs d’hôpital au principe d’une stratégies de groupe. « Ce nouveau périmètre va ouvrir de nouvelles perspectives, de nouveaux modes d’organisation, de nouvelles responsabilités. Des évolutions motivantes, enthousiasmantes pour les directeurs d’hôpital ». Cependant, Frédéric Boiron comprend les préoccupations individuelles des adhérents de l’ADH. Il apparait essentiel de calibrer la taille et le rôle des équipes de direction et de gouvernance au sein des GHT, afin disposer des moyens et des expertises nécessaires en mettant à profit les compétences des établissements membres. Mais avec quelles conséquences pour les professionnels ? Statutairement les directeurs sont liés à un établissement. « Ils peuvent se demander de quelle manière vont s’articuler les directions transversales ? Quid des collègues qui occupent la même fonction dans deux établissements qui se rapprochent ? Il faut aborder ces problèmes sans tabou, sans ambiguïté. Les réponses devront être respectueuses des personnes et devront se construire avec les intéressés. »
Se profilent aussi de nouvelles formes de management en réseau plus souples bien mieux adaptées que l’organisation pyramidale que l’on connaît encore aujourd’hui. « Pour accompagner ces évolutions, déployer des solutions ‘’sur mesure’’ qui correspondent à la réalité démographique, économique et culturelle des sites, nous avons besoin de latitude au niveau local. Cessons de faire des réglementations nationales souvent trop détaillistes, changeons de modèle de pilotage ! Il appartient au niveau national de fixer le cap, il faut que l’on puisse s’y référer et qu’il soit maintenu avec constance par les autorités, à charge pour les responsables territoriaux de mettre en musique – sous le contrôle d’une évaluation réelle, bien entendu. Souplesse sur le terrain, pérennité des grandes orientations nationales, simplicité des normes !» résume le Président de l’ADH.
Autre point, les restructurations doivent contribuer à la maîtrise de la progression des dépenses de santé et à l’amélioration des performances de l’offre de soins. Pour Frédéric Boiron « Ce double objectif qui a des conséquences sur la nature et la gradation de l’offre de soins proposée à la population n’est pas que l’affaire des dirigeants et de leurs partenaires médicaux. Il s’agit d’un sujet collectif, lié à la complexité, aux particularités des territoires. Je plaide pour une ouverture des projets de groupements aux élus, aux habitants, à toutes les parties prenantes. Et là encore il n’est pas souhaitable d’avoir un modèle national unique de concertation, défini dans des textes qui, s’ils sont trop détaillés, ne peuvent pas être adaptés à toutes les situations. Il faudrait des normes qui fixent les grandes lignes et des obligations d’ordre général et il reviendrait aux professionnels et acteurs locaux d’en débattre en faisant vivre une démocratie sanitaire de proximité ».
Pour le représentant des dirigeants hospitaliers, il n’est pas question de contester les grands enjeux ni les résolutions qui relèvent des choix politiques de la Nation. « Mais leur déclinaison sur le terrain est l’affaire des manageurs et des responsables médicaux – c’est pourquoi les règles ne doivent pas être trop strictes, dans l’intérêt même de la réforme » Les directeurs d’hôpital insistent en effet sur l’importance de concevoir des modes de gouvernance territoriale innovants, privilégiant l’efficacité, avec le soutien des ARS, et des outils de pilotage opérationnels.
« Pour réussir ces réformes, il est indispensable de faire confiance aux professionnels et de leur reconnaître une liberté d’action. déclare Frédéric Boiron. A l’instar de mes collègues, j’ai bien conscience que les restructurations ne feront pas l’unanimité sur toute la ligne et qu’elles n’obtiendront pas un consensus absolu mais le débat aura été ouvert et les orientations négociées avec les citoyens responsables qui apprécieront d’être écoutés et entendus».
Enfin, les répondants rappellent plusieurs points essentiels tels que la nécessité de préciser les contours concrets des futurs GHT dans l’ensemble des régions, en toute transparence et lisibilité afin que les dirigeants et responsables médicaux puissent engager le travail sans retard, dans un souci d’optimisation et d’effectivité de ces groupements.
*L’enquête a été menée en nov 2015 auprès de l’ensemble de la profession, 700 ont répondu.
En savoir plus sur l’Association nationale des Directrices et des Directeurs d’Hôpital (ADH)
Association loi 1901 créée en 1961, l’ADH compte près de 1 200 membres parmi ses membres, 34% sont chefs d’établissement , 60% sont adjoints 6% en cours de formation (élèves directeurs d’hôpital, EDH) . L’ADH s’est donné pour mission de renforcer les liens de camaraderie et de solidarité interprofessionnelles, de défendre et de promouvoir les intérêts de la fonction de direction tout en garantissant une neutralité politique, religieuse, culturelle et syndicale. Au fil des ans l’Association a structuré son activité autour de la formation et de l’animation d’un réseau, au niveau régional et national, tout en favorisant le développement d’échanges et de débats.
http://www.adh-asso.org/
Marie-Georges Fayn