Les CHU sont nés officiellement, il y a 50 ans, avec la loi Debré qui a instauré leur triple mission de soins, d’enseignement et de recherche. Mais leur histoire commence bien avant, avec celle de l’hôpital, voici près de 2000 ans…
325 après J-C
Création des maisons-Dieu et hôtels-Dieu
L’ancêtre de l’hôpital est né il y a quelque deux millénaires, à la suite du triomphe du christianisme au sein de l’empire romain, pour faire œuvre de charité. L’histoire commence en 325, quand l’empereur Constantin soucieux d’unifier et d’organiser la chrétienté dans l’empire réunit le concile de Nicée. Il demande alors à chaque évêque de créer un lieu d’hébergement des voyageurs et des pauvres. Ces lieux d’accueil accrochés au giron de l’Eglise sous le nom d’hospice, de «maisons » ou « hôtels-Dieu» subsisteront jusqu’au début de la seconde moitié du XXe siècle avant de céder la place à un tout autre modèle.
1945
De la charité à la solidarité
L’hôpital moderne, tel que nous le connaissons aujourd’hui, ouvert à toutes les catégories sociales et assurant l’égalité des soins est de création très récente. Son histoire est liée à celle de l’essor de la protection sociale. C’est au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par les ordonnances des 4 et 19 octobre 1945 qu’il prend sa forme actuelle. La première met en place la Sécurité sociale, la seconde signe l’acte de naissance du service public hospitalier. Soit une institution fondée sur les valeurs de solidarité et non plus sur la charité.
Le gouvernement dirigé par le Général de Gaulle concrétise ainsi un projet porté haut par le Conseil national de la résistance Et dont les premiers jalons ont été posés avant-guerre avec l’adoption de la loi du 5 avril 1928 sur les assurances sociales qui accroît considérablement le nombre d’admissions. Son ouverture étendue à toutes les classes de la population sera officialisée par la loi du 21 décembre 1941 relative aux hôpitaux et hospices publics.
L’hôpital hérite donc d’un nouveau statut: il n’est plus le refuge exclusif des indigents et s’ouvre à tous les malades quelles que soient leurs conditions sociales. Il devient en outre le pivot de l’organisation sanitaire du pays avec tous les grands principes qui s’y attachent: l’égalité, la neutralité, la permanence, l’adaptabilité, la continuité. Les progrès de la médecine et des technologies, accélérés en temps de guerre, vont transformer son organisation et son architecture : la médicalisation de l’hôpital, timidement entamée au XIXe siècle se met en marche. Les malades entrent en masse tandis que les besoins en personnels médicaux et soignants croissent vertigineusement (3500 infirmières en 1955, 270 000 aujourd’hui; 9000 médecins en 1965, 80 000 aujourd’hui). Des réformes essentielles sont bientôt adoptées.
1958
Avec la loi Debré, l’hôpital s’unit à la faculté
Ordonnance n° 58-1373 du 30 décembre 1958 Art. 1er : « Dans les villes sièges de facultés de médecine, de facultés mixtes de médecine et de pharmacie, ou d’écoles nationales de médecine et de pharmacie, les facultés ou écoles et les centres hospitaliers organisent conjointement l’ensemble de leurs services en centres de soins, d’enseignement et de recherche, conformément aux dispositions de la présente ordonnance. Ces centres prennent le nom de "centres hospitaliers et universitaires" ». Décembre 1958 voit ainsi la création des centres hospitaliers régionaux et universitaires (CHRU*) par trois ordonnances successives portées par le Pr Robert Debré qui définissent leur triple mission de soin, d’enseignement et de recherche.
Le premier à sceller cette union est le CHU de Poitiers, le 20 février 1961, le dernier né de cette association avec l’université est celui de La Réunion, le 26 avril 2007. Depuis cette réforme tous les médecins qui quittent les bancs de la faculté ont été formés en CHU. Dans ce sillage naît la fonction de praticien hospitalo-universitaire à la fois médecin à l’hôpital et enseignant à l’université, non sans que cela ait crée des remous, à l’époque, auprès de l’Ordre des médecins et des syndicats médicaux qui craignaient alors une fonctionnarisation.
De 1960 à 1980
Les grands travaux de l’âge d’or
La France lance un vaste chantier de construction des CHRU dans un contexte économique privilégié (période des 30 glorieuses): la Sécurité sociale est excédentaire et les investissements généreux. Les travaux de rénovation et de modernisation gagnent toutes les régions.
Des bâtiments universitaires viennent s’accoler aux structures hospitalières et des établissements neufs voient le jour. De nouveaux équipements sont installés et, à la suite de l’élection en 1974 de Valéry Giscard d’Estaing à la présidence de la république, sa ministre de la Santé Simone Weil, entreprend une politique volontariste de rénovation et d’humanisation des hôpitaux. C’est la fin des grandes salles communes, derniers témoins de l’hospice pour indigents. L’hôpital grandit au rythme de la métropole qui l’a vu naître, reproduisant ses architectures et poussant le mimétisme jusqu’à devenir ville à son tour.
1983
La dotation globale est adoptée
Face au développement de la crise économique qui incite le gouvernement à freiner les dépenses de santé et donc à réduire l’activité des hôpitaux et des CHU, ceux-ci ne peuvent plus bénéficier du financement «à la journée» en vigueur, du fait de son caractère inflationniste: multiplier le nombre de journées facturées à l’assurance maladie creuse le déficit social.
Ce mode de financement est remplacé en 1983 par une «dotation globale», enveloppe de fonctionnement annuelle et limitative sur la base d’un taux directeur fixé par les pouvoirs publics. Résultat : les établissements gèlent leurs investissements pour pouvoir rester dans l’enveloppe de crédits de la dotation globale. L’hôpital s’apparente alors à une administration classique.
1992
La recherche décolle en CHU
En 1992, la mission de recherche trouve pleinement son essor. Bernard Kouchner, alors ministre de la Santé, crée le Programme hospitalier de recherche clinique en lui associant une dotation spécifique. La recherche est devenue depuis un enjeu essentiel pour les CHU y compris sur le plan fondamental par le biais notamment de partenariats avec l’INSERM.
2004
T2A : un nouveau système de financement pour un nouveau départ
Le nouveau système de la dotation globale présente toutefois lui aussi des effets pervers en pénalisant les établissements hospitaliers les plus dynamiques en matière d’activité comme de recherche, et en fragilisant l’investissement. Aussi, lors des Assises hospitalo-universitaires des 6 et 7 mars 2003 à Nice, les directeurs généraux de CHU, les présidents de CME et les doyens adressent-ils au ministère de la Santé un document commun, «Priorités des CHU pour leur avenir». Celui-ci se décline en 7 propositions parmi lesquelles la relance de l’investissement hospitalier, un nouveau système de financement reposant sur l’activité médicale du CHU et une nouvelle gouvernance associant étroitement la communauté médicale à la gestion de l’établissement.
La tarification à l’activité (T2A) est ainsi instaurée en 2004. Ce changement induit une plus forte implication des médecins dans la gestion. Les CHU entrent dans l’ère du management avec la création des pôles d’activité, le développement de la comptabilité analytique d’exploitation, la recherche de la performance et l’engagement d’une politique de qualité. Le 13 août 2004 voit la création de la Haute Autorité de Santé (HAS) qui, entre autres missions, certifie la politique qualité des établissements.
2007
Le Plan Hôpital prend de l’élan
Chantiers de modernisation, reconstructions, rénovations, équipements de pointe: les établissements connaissent de nouveau une dynamique d’investissement. Si le système actuel semble pérenne en termes de gestion budgétaire, il affiche désormais une nouvelle priorité: améliorer le parcours de soins. Le Plan hôpital 2007, lancé en 2002, est celui de la relance de l’investissement hospitalier. Il va aussi favoriser la montée en puissance de la tarification à l’activité et de la recherche.
Dans le même temps, l’hôpital est saisi par les questionnements sur la fin de vie qui traversent la société. Sous la pression des associations, la législation évolue avec la loi du 22 avril 2005 dite Loi Léonetti qui permet au malade atteint d’une maladie incurable de demander l’arrêt d’un traitement trop lourd. Ce texte est depuis complété par la Loi du 2 février 2016 Claeys-Léonetti qui reconnait la possibilité -sous certaines conditions- de demander une sédation profonde.
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Personnes hospitalisées en court séjour : 4,7 millions/5 millions (+6%) | |
Séjours d’accouchements : 126 227 /120 000 (-4%) | |
Personnes hospitalisées moins de 24h : 1,7 million/2,7 millions (+59%) | |
Consultations : 17 millions/20 millions (+18%) | |
Personnes accueillies en services d’urgences: 3,2 millions/5 millions (+36%) |
2017
Vers une révolution territoriale et numérique
Rattaché à une métropole, à une région, le CHU ancre désormais son activité à un groupement hospitalier territorial (GHT). Il s’inscrit dans une dynamique collective. « En partageant ses compétences, le CHU contribue à une répartition plus équitable de l’offre de soins sur tout le territoire. Le GHT, c’est un pas de plus dans l’égalité d’accès aux soins de qualité sur tout le territoire », affirme Jean-Pierre Dewitte, actuel président de la Conférence des directeurs généraux de CHU.
Alors que les durées de séjour sont de plus en plus courtes et que l’ambulatoire représente plus de 40% des actes de chirurgie, la médecine hospitalière est entrée de plain-pied dans sa révolution digitale. Les CHU inaugurent une nouvelle dimension…dématérialisée.
Dossier réalisé par Betty Mamane avec l’aimable coopération de Daniel Moinard et de Pierre-Louis Laget **
Pour en savoir plus : L’histoire des CHU
*Avant de se constituer en CHRU puis en CHU, les CHR ont commencé à se réunir avant de consommer leur mariage avec l’Université à l’exception 2 établissements : Orléans et Metz-Thionville. Ces derniers sont toutefois restés dans la liste des CHU
**Daniel Moinard a été président de la Conférence des directeurs généraux de CHU (2001-2004). Il a aussi été successivement directeur général des CHU de Poitiers, Toulouse et des Hospices Civils de Lyon et par intérim des CHU de Nantes, Caen et Montpellier. Il est aujourd’hui président de la Société française d’histoire des hôpitaux (SFHH)
Pierre-Louis Laget est médecin et chercheur en histoire du patrimoine rattaché à la direction régionale des Hauts de France