Orienter le plus vite possible les personnes accidentées vers l’hôpital le plus adapté et ainsi réussir à diminuer la mortalité et la morbidité. Tel est le défi relevé par la filière trauma center coordonnée par le CHU de Poitiers. Avec un recul de près de 5 ans, les équipes reviennent sur l’apport d’une organisation calquée sur une connaissance fine de l’offre de soins. Explications…
La filière trauma center repose sur un protocole partagé de « triage » préhospitalier des patients et un accueil téléphonique permanent facilitant le transfert des cas les plus graves vers le CHU. Cette procédure repose sur l’évaluation des ressources de l’établissement et de l’échelle de gravité du traumatisme selon un arbre de décision validé. Ainsi, si la personne présente un bilan lésionnel modeste, elle relève de l’hôpital le plus proche. Si des soins particulièrement lourds sont requis, elle est dirigée vers une structure intermédiaire ou au CHU. « En cas de choc hémorragique, les centres d’Angoulême, de La Rochelle, de Niort ou encore de Saintes sont compétents, précise Olivier Mimoz. Mais un traumatisme crânien ou une fracture du rachis doit déclencher un transfert vers Poitiers. »
Le lancement du trauma centre a permis de réduire les erreurs d’aiguillage. « Cette organisation bénéficie surtout aux petits hôpitaux, isolés, qui ne savaient pas vers qui se tourner dans ce genre de situation. Ils ont désormais un interlocuteur unique et le parcours des malades est simplifié », explique le Dr Amélie Ple
Passer par le trauma center devient peu à peu un réflexe. "Pour l’instant, nous privilégions une orientation des patients vers le CHU “par excès”, pour ne prendre aucun risque" reconnaît le Pr Olivier Mimoz, chef du service des urgences adultes, service dont l’activité a augmenté en conséquence.
« Cette organisation bénéficie surtout aux petits hôpitaux, isolés, qui ne savaient pas vers qui se tourner dans ce genre de situation. Ils ont désormais un interlocuteur unique et le parcours des malades est simplifié », explique le Dr Amélie Ple.
Concrètement, le médecin régulateur du département d’origine appelle son homologue du service d’aide médicale urgente de la Vienne (Samu 86), qui le met alors en relation avec le réanimateur chirurgical de garde au CHU. S’engage une conférence téléphonique à trois pour valider l’admission du patient, organiser son transport, anticiper son arrivée (prévenir un médecin spécialiste, le service d’imagerie…). Une fiche récapitule les éléments de bilan à réunir au préalable, sous forme de « check-list », une autre fait le point sur la prise en charge pré-hospitalière du traumatisme crânien ; l’objectif étant aussi d’uniformiser les pratiques.
Le trauma center : pédagogie et évaluation en continu
L’existence de protocoles ne suffit pas. Encore faut-il les faire connaître… et les faire appliquer. « Notre principale tâche consiste à bien diffuser les informations relatives au fonctionnement de la filière et à les expliquer. C’est un travail permanent, car de manière générale, dans les services d’urgence, le personnel se renouvelle souvent », constate Amélie Pichot. Pour faire vivre le réseau, l’équipe de Poitiers échange avec les autres structures-membres au fil de l’eau et se déplace ponctuellement pour des rencontres plus formelles. L’occasion de réfléchir à des améliorations face à certains dysfonctionnements: quand une procédure n’est pas applicable telle quelle, quand le CHU n’a pas pu accueillir une personne gravement traumatisée faute de place, quand un autre patient lui a été adressé trop tardivement, après avoir déjà fait l’objet d’un bilan dans un autre hôpital…
Régulièrement – tous les ans jusqu’en 2016 et tous les deux ans désormais – les intervenants de la filière se réunissent une journée pour faire un bilan d’étape ; des études de cas cliniques sont organisées. « Nous revenons collectivement sur des situations réelles qui ont posé problème. Nous invitons des experts à contribuer à notre réflexion, relate Olivier Mimoz. C’est aussi une manière de faire de la formation continue. »
Vers la création d’un registre des patients
Pour l’instant, le trauma center ne dispose pas de données objectives sur son activité. « L’idéal serait de mettre en place et de tenir un registre des patients, poursuit le chef du service des urgences. Nous aurions ainsi une idée précise du nombre de traumatisés pris en charge par la filière, des conséquences effectives sur la mortalité et les complications. »
Et demain, quid du trauma center au sein de la Nouvelle Aquitaine ?
Se pose aussi la question de la place de ce réseau – unique – au sein de la région Nouvelle-Aquitaine. Pourrait-il être étendu ? Etre remis à plat pour intégrer une nouvelle structure, régionale ? « Difficile à dire, répond Amélie Pichot. Il n’y a pas encore eu de discussions officielles sur le sujet. »
Poitiers référent pour les « traumatisés graves »
Coordinateur du trauma center, le CHU de Poitiers est aussi le mieux équipé pour prendre en charge les victimes d’un traumatisme grave sur le territoire de l’ex-région Poitou-Charentes. Il dispose en permanence d’équipes spécialisés, de plateaux techniques de pointe en radiologie interventionnelle, en réanimation chirurgicale, notamment neurochirurgicale, en chirurgie (cardio-thoracique, neurochirurgie…). Dans la salle d’accueil des urgences vitales (Sauv), l’un des quatre emplacements est réservé aux patients de la filière. « L’une des particularités de notre service est que les réanimateurs interviennent avec les urgentistes, dès l’arrivée, et non pas dans un second temps. Cela permet de mutualiser les compétences et d’éviter les pertes d’information, signale Olivier Mimoz. Via le trauma center, nous accueillons environ 40 patients par mois, dont l’immense majorité fait l’objet d’une surveillance en réanimation. Originaires de tous les départements, ce sont surtout des victimes d’accidents de la route. »
D’après un article publié dans la newsletter du CHU de Poitiers du 28 juin 2018