Profiter de l’exposition pour frapper un grand coup. C’est un peu l’esprit avec lequel le Pr Benoît Véber, président de la Conférence des doyens de médecine, Philippe El Saïr, président de la Conférence des directeurs généraux de CHU, et Rémi Salomon, président de la Conférence des présidents de CME de CHU ont présenté jeudi dernier une plateforme de solutions pour permettre l’hôpital de demain. Ou, si l’on préfère, sauver celui d’aujourd’hui.
L'objectif est de "relancer le modèle hospitalo-universitaire français, idéalement pour au moins une génération, dans un monde aux défis inédits."
Les présidents des trois Conférences CHU
C’est en effet lors d’une conférence de presse, qui s’est tenue en pleines assises Hospitalo-Universitaires, grand messe biennal des CHU permettant à ses représentants d’amorcer un certain nombre de réflexions, que les trois présidents ont tenu à « dresser un constat lucide et nuancé sur la situation du modèle hospitalo-universitaire en 2023« . Sans alarmisme, l’état des lieux se veut donc réaliste. « Un certain nombre de signaux nous signifient que le modèle HU s’essouffle. Les temps ont changé. », a tout d’abord déclaré le Pr Benoît Véber, talonné par Philippe El Saïr, lequel marque le début de cet « essoufflement du modèle HU à partir des années 2000. » Et de poursuivre : « Le soin, l’enseignement et la recherche sont plus exigeants et plus dures à assumer. Le paradoxe, c’est que le CHU n’a jamais été aussi nécessaire. On ne peut pas penser l’accès au soin dans les territoires sans les CHU. Idem pour la formation des professionnels et le rebond de la France en recherche médicale. »
Dix propositions communes
Après le diagnostic partagé, viennent des propositions « clés de réforme, délibérément peu nombreuses. » Ces solutions, qui répondent en effet au nombre de dix, se veulent ambitieuses, avec l’objectif de « relancer le modèle hospitalo-universitaire français, idéalement pour au moins une génération, dans un monde aux défis inédits. » Au verso du fascicule remis aux journalistes présents, on pouvait en effet lire, sous forme d’infographie, les dix propositions résumées :
- Contractualiser au niveau du service, sur la durée de la carrière, l’exercice des trois missions
- Favoriser une formation au management et à la gestion de projets
- Rénover le statut CCU-AH (CCA)
- Ouvrir une concertation sur la modernisation et la revalorisation des statuts HU
- Créer 1000 postes HU titulaires sur 5 ans
- Permettre aux collectivités territoriales de financer des posts HU titulaires
- Décliner un modèle d’universitarisation des territoires
- Créer une cohérence et une dynamique nouvelle par accord-cadre national et des contrats de site sur la recherche en santé
- Généraliser un intéressement par service à la croissance des crédits recherche
- Assouplir les conditions réglementaires d’entrée d’un CHU au capital d’une start-up
Parmi ces différentes propositions, dont on peut retrouver le détail sur le site de la Conférence des Doyens de médecine, trois points ont été particulièrement mis en avant durant la conférence de presse : « l’attractivité des CHU, la recherche biomédicale, l’ouverture du CHU et sa faculté aux territoires ». Outre la presse spécialisée présente, les premiers destinataires de cette réflexion étaient Aurélien Rousseau, ministre de la Santé et de la prévention, et de Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, venus le matin même participer à l’ouverture des 18e Assises Hospitalo-Universitaires. Et à écouter le locataire de Ségur, qui évoque « un alignement des planètes avec une dynamique hospitalo-universitaire et la volonté politique de redynamisation des CHU », les propositions qui lui sont faites sont « pertinentes » et « rejoignent les préoccupations » des pouvoirs publics. Devant une audience attentive, Aurélien Rousseau a assuré que « ce discours n’est pas l’expression de belles intentions », mais d’intentions tout court.
Financement des valences enseignement et recherche des praticiens hospitaliers dans une intégration à des projets territoriaux, modernisation des statuts hospitalo-universitaires titulaires et non titulaires, sécurisation du statut de chef de clinique-assistant des hôpitaux (CCU-AH) etc. ont ainsi fait partie des sujets sur la table pour que les CHU puissent rester, dans les deux prochaines décennies, « les vaisseaux amiraux de la santé publique. « Suffisant pour faire de ce 14 décembre 2023 une journée « historique », comme veulent le croire les 3 présidents des Conférences ? La balle est aujourd’hui du côté du gouvernement. Premiers éléments de réponse dans « quatre à six mois. »
Des Assises en miroir
Quant aux Assises, elles ont, une fois encore, reflété les sujets et maux qui traversent actuellement le monde hospitalo-universitaire. Deux ans après avoir s’être réunies à Lille autour du thème de l’incertitude (la crise du Covid était alors le sujet de préoccupation majeur), c’est bien le devenir du modèle prévalent depuis 1958 qui s’est retrouvé au coeur des discussions* ; avec, au milieu de tables rondes dédiées à la recherche biomédicale dans un monde hyper concurrentiel, à la démographie et aux besoins de santé d’ici 2040, à l’IA et au numérique en santé, une problématique qui joue les nerfs de la guerre depuis plusieurs années : l’attractivité du modèle HU.
Une nouvelle fois, un certain nombre de pistes, notamment pour proposer un cadre de travail et d’évolutions à de jeunes/futurs professionnels dont la carrière n’est plus l’alpha et l’omega d’une vie, ont résonné dans l’enceinte du palais des congrès de Versailles. Doivent désormais s’imposer, rapidement et partout, des réalités de terrain. « Nous n’avons pas le temps d’attendre » , a déclaré le ministre de la santé**. Les CHU et l’hôpital public, leurs personnels et leurs patients, non plus.
La rédaction
* le replay des tables rondes des 18e Assises Hospitalo-Universitaires sera prochainement disponible sur la chaîne YouTube de « Gestions Hospitalières
** Cet article a été écrit quelques jours avant la démission d’Aurélien Rousseau du gouvernement, suite au durcissement du projet de loi sur l’immigration.