Olivier Véran, a réuni l’ensemble des parties prenantes, organisations syndicales et acteurs du système de santé, le 18 décembre, lors d’un comité de suivi du Ségur de la Santé pour acter les décisions prises et les décrets à venir sur l’organisation et les finances hospitalières. Focus sur cette avancée des mises en application…
«Ce point d’étape permet de savoir où nous en sommes et où nous allons. Parmi les réalisations récentes, je retiens notamment l’anticipation des revalorisations issues des accords du Ségur, évidemment, c’était la première urgence, mais aussi l’augmentation de 500 millions d’euros de l’enveloppe destinée aux investissements courants pour 2021 afin d’améliorer tout de suite le fonctionnement des services, ou encore la liberté d’organisation interne », a souligné, en préambule, Olivier Véran.
Autant de décisions qui traduisent la ferme volonté du gouvernement de «restaurer la confiance dans le système de santé, en améliorant rapidement les conditions d’exercice de ceux qui nous soignent» et à ce que «chaque engagement pris lors du Ségur de la Santé soit concrétisé».
Reconnaître la valeur des métiers du soin
Le compte-rendu du ministère de la Santé, à l’issue de ce comité de suivi, pointe l’urgence de restaurer la confiance des soignants, reconnaître la valeur des métiers du soin au sein de la société, s’assurer qu’ils soient entendus et que le fonctionnement au quotidien des services de soin soit rapidement amélioré.
7 milliards d’euros ont été ainsi engagés dès 2020 pour revalorisartion des métiers. Les accords salariaux concernent un périmètre très large de deux millions de personnes avec une priorité donnée aux personnels non médicaux des hôpitaux et Ehpad. Soit, depuis septembre 2020, une 1ère tranche de +90€ nets / mois (+80€ pour les personnels des établissements privés à but lucratif) et depuis décembre 2020, une 2ème tranche de revalorisation de 93€ nets/mois pour atteindre 183€/mois (+160€ pour les personnels des établissements privés à but lucratif).
Les accords du Ségur prévoient également une revalorisation des internes et étudiants en santé et une refonte de la grille de praticiens hospitaliers avec une fusion des premiers échelons et l’ajout de nouveaux échelons en fin de carrière. Ces modalités d’application sont cependant au désavantage des praticiens en poste qui perdent 4 années d’ancienneté. Autre bémol: les praticiens des centres de lutte contre le cancer (CLCC) ne sont pas pris en compte.
Redonner de la souplesse pour gérer les hospitalisations
Le Ségur a aussi affirmé clairement «la fin du totem du capacitaire en lits». Celui-ci doit désormais être envisagé avec souplesse, et notamment pouvoir prendre en charge les épisodes de tension d’activité. Au-delà de la gestion interne au quotidien des établissements de santé, deux mesures incarnent ce nouveau paradigme:
50 M€ ont été répartis dans les régions pour aider à l’ouverture de 4000 lits en fonction des besoins identifiés, et la mise en place d’hôtels hospitaliers.
Remettre à niveau le matériel nécessaire au bon fonctionnement des services
Pour que les services de soins disposent du matériel nécessaire à leur fonctionnement quotidien, l’aide à l’investissement courant a été portée à 650 M€ pour 2021. C’est 500 M€ de plus qu’en 2020. Cela permettra d’améliorer le fonctionnement quotidien dans les services de soin. Au sein de cette enveloppe,150 M€ sont destinés à réduire les inégalités de santé.
Redonner moyens et sens aux activités de soin
Au-delà des revalorisations du Ségur, il s’agit de «bouger les lignes et engager simultanément plusieurs changements structurels dans la gestion du système de santé», explique le rapport du comité de suivi. Soit: consolider l’attractivité des métiers du soin, redonner des moyens, redonner du sens à l’exercice médical et soignant, remettre les exigences de qualité des prises en charge au centre des décisions de gestion. Pour cela 7 leviers sont actionnés:
– Consolider l’attractivité des métiers du soin
L’un des premiers leviers revient à renforcer l’attractivité des carrières des personnels non-médicaux et des carrières médicales
– Renforcer les moyens
Le Ségur se traduira par le versement de 19 Md€ pour alléger le poids de la dette et relancer les investissements, avec une déconcentration très forte de la gestion des investissements. L’objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) 2021 tient pleinement compte de ces mesures en ayant intégré 9,4 Md€ au titre du Ségur: 7,8 Md€ pour financer les revalorisations (pilier 1), 1,2 Md€ pour financer les investissements (pilier 2) et 0,4 Md€ pour réduire les inégalités en santé et améliorer l’accès aux soins (pilier 4). L’enjeu reste aussi de sortir l’ONDAM de son annualité budgétaire pour le passer en pluriannuel et y intégrer les évolutions structurelles du système de santé
En termes de recrutement, ce sont 7500 postes vacants qui sont à pourvoir auquels s’ajoute la création de 7500 postes de soignants. Les recrutements se poursuivront en 2021.
– Renforcer le rôle des médecins et des soignants dans la gouvernance de l’hôpital
La proposition de loi pour «améliorer le système de santé par la confiance et la simplification» votée début décembre à l’Assemblée nationale, a permis de donner suite à un certain nombre de conclusions du rapport du Pr Claris incluant notamment le droit d’option pour liberté d’organisation interne, le renforcement de la place des soignants dans le directoire ainsi que celle des représentants des usagers et des étudiants ainsi que la présentation du plan d’investissement devant la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques.
Prochaine étape: 1ère lecture au Sénat dans le courant du 1er semestre 2021.
– Valoriser l’engagement collectif et promouvoir la négociation d’accords locaux
La mise en œuvre de la prime d’engagement collectif et l’adaptation des textes relatifs au temps de travail donneront davantage de marges de manœuvre aux établissements et devraient permettre la négociation d’accords locaux.
– Redonner le pouvoir d’initiative aux soignants et leur faire confiance
L’article 97 de la loi «Accélération et simplification de l’action publique», promulguée le 7 décembre dernier, a permis d’introduire des dispositions permettant les protocoles de coopération locaux dans les établissements de santé. Cette disposition est désormais en vigueur.
La proposition de loi de la députée Stéphanie Rist (art. 1bis) élargit ces protocoles locaux aux professionnels de santé exerçant en ville, dans le médico-social, ainsi qu’en transversal ville/hôpital/médico-social.
– Réformer les modèles de financement pour redonner sens
L’une des conclusions du Ségur est de réformer les modèles de financement des activités de soins pour sortir de la course aux volumes et privilégier plutôt la qualité et la responsabilité populationnelle. Le Ségur prévoit ainsi d’améliorer les dispositifs de financement à la qualité et à la pertinence des soins.
L’option pour une dotation populationnelle en médecine, la réforme des urgences, le financement des hôpitaux de proximité seront ainsi mis en œuvre en 2021.
La réforme de la psychiatrie et celle des soins de suite et réadaptation attendrons 2022.
– Réduire l’impact environnemental des établissements sanitaires et médico-sociaux
Seront mis en place en 2021, 100 conseillers énergie partagés au sein des ARS. L’ADEME assurera la formation et l’animation de ce réseau de compétences.
Améliorer la prise en charge du point de vue du patient
Enfin, autre champ de progression au programme de ce Ségur: l’amélioration de la prise en charge du patient. Ce via une optimisation du parcours de soin, une meilleure réponse aux besoins sur les territoires, et le numérique.
Les parcours de soins et les inégalités de santé
En préfiguration du service d’accès aux soins (SAS), 22 projets ont été sélectionnés dans 13 régions (40% de la population couverte) pour une expérimentation d’organisations mixte ville/hôpital permettant la prise en charge des soins urgents.
Astreintes gériatriques et soins palliatifs, équipes mobiles de gériatrie : un certain nombre de dispositifs se mettent en place pour mieux coordonner la prise en charge des personnes âgées, et à créer un maillage sanitaire sur l’ensemble du territoire.
Par ailleurs, des crédits supplémentaires, déjà versés en novembre et à venir en janvier-février, permettront de répondre rapidement aux besoins de soutien psychologique de la population. Dans les zones les plus défavorisées, le renforcement des équipes mobiles psychiatrie précarité (EMPP) a été avancé à la fin 2020.
Les territoires
Maisons de santé, Centres de Santé Pluri professionnels, Communauté pluri professionnelle Territoriale de Santé. L’objectif fixé en 2017 de doubler le nombre de maisons de santé et de centres de santé pluri-professionnels, ainsi que d’arriver à 1000 pour le nombre de CPTS d’ici 2022 est en bonne voie. Le nombre de CPTS est passé de 400 en septembre 2019 à 578 en juin 2020. Le prochain état des lieux, en janvier 2021, permettra une vision plus exhaustive de la dynamique 2020.
La télésanté et le numérique
La prolongation des mesures dérogatoires ouvertes dans le cadre de la crise sanitaire illustre la volonté de développement du recours à la télémédecine. A savoir : la prise en charge à 100% des téléconsultations (votée dans le cadre de la LFSS 2021 pour une période d’un an) et la prolongation de la prise en charge intégrale du télésoin jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire. Le remboursement de nouvelles prises en charge par l’assurance maladie des pratiques à distance fait du reste l’objet de négociations conventionnelles en cours.
Pour en savoir plus :
Les conclusions du Ségur de la Santé
Betty Mamane