Une équipe de psychiatres du CHU de Besançon s’est penché sur la régulation des émotions chez les adolescents. Ils se sont intéressés au fonctionnement de l’adolescent et aux modalités d’interaction avec le parent, autour des besoins d’attachement, afin d’apporter des soins de façon plus adaptée.
Les parents en savent quelque chose, l’adolescence est souvent loin d’être un long fleuve tranquille. Et… c’est tout à fait normal ! Cette phase de transition, qui vient percuter l’enfance avec son lot de tumultes émotionnels, permet en réalité d’atteindre une maturation psychique et une certaine autonomie.
Mais comment les adolescents, d’hier et d’aujourd’hui, modulent-ils les différentes émotions qui les traversent ? La qualité des relations construites avec leur famille et amis a-t-elle une influence sur leur mode de vie, leur gestion du stress, leur façon de ressentir les choses ? Pour répondre à ces questions, le CHU de Besançon a mis en place un projet de recherche visant à définir des outils permettant de mieux comprendre les processus à l’origine des dysrégulations émotionnelles via la théorie de l’attachement.
La théorie de l’attachement
L’attachement est un besoin inné considéré comme universel et irrépressible : chaque nouveau-né nait avec un besoin de s’attacher. A partir des réactions et des réponses apportées par ses parents, notamment dans les moments de détresse, l’enfant va construire ses propres modèles mentaux de ses relations d’attachement, qui seront inscrites, plus ou moins consciemment : « Comment exprimer ma détresse pour qu’elle soit comprise ? Que puis-je attendre de mes parents ? Quel réconfort ai-je reçu ? ». L’individu aura tendance, selon son style d’attachement, à percevoir les événements de vie, les relations aux autres et la régulation de ses émotions à travers les relations qu’il aura partagé avec ses parents, ou des personnes qui se seront le plus occupées de lui.
Pour faire simple, plusieurs types d’attachements existent. Le premier, le plus représenté dans la population, est l’attachement sécure. Il conduit à la confiance dans la disponibilité d’autrui, et à une bonne estime de soi. L’individu peut exprimer ses émotions et rechercher de l’aide si besoin. D’autres styles d’attachement sont adaptatifs à la relation vécue enfant. Et peuvent, dans certains cas, fragiliser une personne. On parle d’attachement évitant lorsqu’on est amené à ne compter que sur soi, à éviter l’intimité et à ressentir des émotions négatives ; d’attachement préoccupé lorsqu’il entraîne un manque de confiance en soi. La personne recherche des contacts mais n’est jamais satisfaite, gère difficilement le stress et les émotions négatives.
Enfin, il reste l’attachement désorganisé, directement lié à la pathologie. Ce dernier correspond à l’absence de modèle stable de l’autre et de la relation et entraîne le recours à des stratégies peu organisées, pour s’assurer de la disponibilité de ses parents souvent imprévisibles.
81 adolescents volontaires
Au total, 81 adolescents lycéens et collégiens participent à cette étude démarrée en juillet et qui se poursuivra sur plusieurs mois. L’équipe de psychiatres a utilisé des stimuli visuels pour susciter des émotions et mesurer les paramètres neurovégétatifs de régulation émotionnelle en fonction des styles d’attachement. Ainsi, pendant que l’adolescent visionne des images activant l’attachement (personnages en situation de détresse, de solitude, de séparation suivies d’images de réconfort et de retrouvailles), ses mouvements oculaires sont mesurés ainsi que certains paramètres physiologiques : fréquence cardiaque, micro-sudation.
Cette étude a également impliqué la participation de l’un des parents de chaque adolescent, celui étant reçu en entretien pour aborder les relations avec son enfant. Un temps d’échange filmé est ensuite prévu entre le parent et l’adolescent, discussion durant laquelle ils débattent sur un sujet sur lequel ils sont en désaccord. Tous ces éléments sont ensuite analysés.
Mieux adapter les soins
Au final, cette recherche vise à caractériser quelles stratégies un adolescent utilise face à des émotions négatives en fonction de son style d’attachement, et quelle est sa représentation de l’aide. Elle vise également à identifier des stratégies inconscientes ou « patterns d’exploration visuelle » activant l’attachement en sollicitant des émotions négatives comme des émotions liées au réconfort et à l’apaisement. Ces patterns pourraient constituer une aide diagnostique et thérapeutique pour des adolescents à risque de dérégulation émotionnelle, pour qui les outils traditionnels d’évaluation sont peu adaptés.
Les données obtenues permettront d’avoir une meilleure compréhension des réactions émotionnelles des adolescents, de ce qu’ils attendent des relations avec les autres, des modalités de relation avec leur(s) parent(s), et de savoir comment leur style d’attachement joue sur leur état de bien-être ou de stress. Cette approche innovante permettra alors d’adapter plus spécifiquement les soins à chaque adolescent et à leur famille en fonction de leur style d’attachement : choix des médiations thérapeutiques, du mode d’hospitalisation, choix du moment d’intervention.