Le phénomène inquiète, au point de pousser les médecins addictologues du bassin lyonnais à tirer la sonnette d’alarme. En miroir d’une tendance nationale décrite par l’Observatoire français des médicaments antalgiques (OFMA), les addictions aux médicaments augmentent de façon constante dans la région lyonnaise depuis près de quinze ans. La crise du Covid et ses conséquences n’ont par ailleurs rien arrangé. La détérioration de l’état de santé mentale observée chez de nombreuses personnes (les jeunes, en particulier) a contribué à cette accélération des consommations de médicaments ou substances psychoactives et, par voie de conséquence, celle des addictions.
C’est pour répondre à cette tendance préoccupante que le CERLAM a ouvert ses portes le 19 mai dernier. Piloté par le Service Universitaire d’Addictologie de Lyon (SUAL), qui regroupe les services d’addictologie des HCL (hors groupe hospitalier Nord) et du centre hospitalier du Vinatier, ce centre ressource, premier du genre sur la métropole lyonnaise, propose des consultations spécialisées dans le Pavillon K de l’hôpital Edouard Herriot. “Nous héritons de situations d’addiction médicamenteuse souvent après des années de parcours, avec des pathologies qui s’entremêlent, somatiques, psychiatriques et parfois plusieurs addictions”, explique le Professeur Benjamin Rolland, responsable du SUAL et coordinateur en chef du CERLAM.
A raison de quatre patients par semaine, ce sont près de deux cents personnes qui sont attendues sur les douze prochains mois.
Les multiples visages de l’addiction
Les cas d’addictions rencontrés sont divers et complexes. Parmi eux, on trouve des patients à qui ont été prescris des anti-douleurs et qui développent une dépendance une fois les douleurs disparues ; autre profil, celui des adeptes du “Dr shopping”, qui multiplient les consultations chez différents médecins ou vont de pharmacie en pharmacie pour obtenir un maximum de prescriptions et délivrances. Enfin, il n’est pas rare que les soignants se retrouvent face à des mineurs étrangers asservis aux anxiolytiques par des réseaux mafieux. Et bien qu’il existe des structures prenant en charge les addictions médicamenteuses, la majorité d’entre elles se retrouvent saturées et ne se coordonnent pas.
C’est justement là que le rôle du Centre Ressource Lyonnais des Addictions Médicamenteuses prend tout son sens. “Nous accueillons uniquement des patients orientés par un médecin prescripteur”, prévient le Pr Rolland, qui voit défiler des situations d’addiction médicamenteuse où viennent s’entremêler des pathologies somatiques, psychiatriques, quand ce ne sont pas d’autres addictions. Et de poursuivre : “Nous tâchons de réaliser un état des lieux très précis de la situation du patient, sur plein d’aspects : douleur, sommeil, activité physique, alimentation, intégration sociale. Notre apport réside aussi dans notre capacité à tisser des partenariats entre tous les acteurs du parcours de soin, médecins, pharmaciens, centres de la douleur et de créer des synergies pour élaborer la meilleure prise en charge, médicamenteuse en non.”
A noter que le Pr Rolland travaille avec une équipe composée d’un médecin senior, un pharmacien et un attaché de recherche clinique.
La volonté d’orienter les politiques de santé publique
La prise en charge des patients n’est pas la seule mission du CERLAM. En tant que centre ressource, ce dernier est chargé de la récupération des données sur tout le territoire. Une démarche qui vise à contribuer à l’orientation des politiques de santé publique en matière d’addictions médicamenteuses. Pour l’heure, le CERLAM détient un financement d’un an reconductible de l’Agence Régionale de Santé.
La rédaction avec les HCL de Lyon